Lot n° 90

TALLEYRAND (Charles-Maurice de). — Lettre autographe signée « ch. mau. talleyrand », adressée à Nicholas Low. — PHILADELPHIE, 8 juin 1796. — Une p. 1/2 in-4, adresse au dos.

Estimation : 1 000 - 1 500 €
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Description
« Mon cher Monsieur Low, JE NE VEUX POINT QUITTER L'AMERIQUE SANS VOUS AVOIR FAIT MES ADIEUX, et vous avoir remercié de toutes vos obligeantes attentions pour moi. Veuillés faire agréer mes hommages et mes meilleurs souhaits à Madame Low. DITES QUELQUEFOIS ENTRE VOUS QUE VOUS AVES UN AMI DE PLUS EN EUROPE.
Je vous prie de vouloir bien suivre la petite affaire que vous avez commencée avec le consul de France [une affaire d'approvisionnement destiné aux troupes françaises dans les Antilles, dans laquelle il avait servi d'intermédiaire rémunéré]. Lorsqu'elle sera terminée, vous voudrés bien en remettre les fonds à M. Cazenove qui a eu la bonté de m'avancer cette somme. Je lui ai donné une traite sur vous à valoir au moment où vous aurés fait ce petit recouvrement. Je vous renouvelle mes remerciements et mes excuses de toutes les peines que vous a donné cette misérable affaire.
J'ai l'honneur de vous renouveller l'assurance des sentiments d'estime et respect avec lesquels je suis, mon cher Monsieur Low, votre... ch. mau. talleyrand »

TALLEYRAND EMIGRE AFFAIRISTE AUX ÉTATS-UNIS. Ayant quitté la France pour l'Angleterre en septembre 1792, il en fut bientôt expulsé et, en avril 1794, gagna les États-Unis où il demeura plus de deux ans. Fixé à Philadelphie, alors capitale fédérale, il fut bien reçu, malgré l'hostilité, dans un premier temps, du consul de France de la ville, proche de Robespierre, et qui empêcha par ses protestations qu'il soit reçu par Washington. Il fréquenta Moreau de Saint-Méry devenu libraire, et des membres de la noblesse libérale en émigration, comme le vicomte de Noailles, beau-frère de La Fayette. Il fit de longues excursions dans l'État de New-York et dans le Maine, vivant au grand air, dormant dans des cabanes de trappeurs...
Talleyrand était cependant décidé à mettre à profit son séjour pour rétablir sa fortune : il se logea d'ailleurs à Philadelphie chez l'homme d'affaires Théophile Cazenove, dont il avait fait la connaissance vers 1780 dans l'entourage du banquier genevois Panchaud, et qui se trouvait alors au centre d'un réseau financier entre Amsterdam, Londres, Philadelphie et New York, occupé à des opérations de spéculation foncière. Il noua alors des liens avec Alexander Hamilton, ancien aide de camp de George Washington, secrétaire d'État du Trésor de 1789 à 1795 et fondateur de la Banque nationale des États-Unis. En raison de ses liens avec cette source d'informations privilégiée et avec des financiers du vieux continent, mais aussi parce qu'il avait le coup d'oeil très juste sur les terres et sur les hommes, il devint un agent de première importance dans le jeu spéculatif américano-européen, suscitant jusqu'à l''admiration du banquier Alexander Baring (qui doutait pourtant de son honnêteté). Il joua un rôle d'intermédiaire dans de nombreuses affaires et mena aussi des opérations pour son propre compte.
La justesse de son regard lui fit prédir l'essor de New York (qui ne comptait pourtant alors que 10000 habitants), la puissance à venir des États-Unis et les liens qu'ils conserveraient durablement avec l'Angleterre.

LE BANQUIER ET HOMME POLITIQUE PATRIOTE AMERICAIN NICHOLAS LOW (1739-1826) fut membre de l'Assemblée de New York durant la guerre d'Indépendance, et membre de la Convention de cet État qui ratifia la Constitution fédérale de 1787. Lointain parent et ami d'Alexander Hamilton, il devint après l'Indépendance un des principaux négociants et financiers des États-Unis, profitant du règlement de la dette américaine. Nommé directeur de la Banque de New York puis de la filiale newyorkaise de la Banque des États-Unis, une grande partie de sa fortune provint ensuite d'opérations de spéculations foncières. Il fut en outre l'homme d'affaires de Rufus King qui, comme sénateur, s'était grandement occupé du système bancaire américain, et qui fut ambassadeur des États-Unis à Londres de mai à juillet 1796.
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