La Bibliothèque Jouve est le fruit de la passion de Daniel Jouve, récemment décédé, et de son épouse franco-américaine, Alice. Daniel avait un intérêt profond pour l'histoire des relations franco-américaines, passion qui s’est enracinée dès son enfance lors de la libération de Paris en août 1944 par les forces américaines, un événement qui l’a marqué au point de souvent répéter : « On n’oublie jamais ça ». La collection de la Bibliothèque Jouve, composée principalement d’ouvrages en français (80 % de la collection), reflète son intérêt pour la Constitution américaine et l’influence des Lumières et de figures telles que La Fayette sur la jeune république américaine. Daniel Jouve a consciencieusement rassemblé des œuvres sur la guerre d'Indépendance, les Constitutions des treize États fondateurs, la Constitution fédérale de 1787, ainsi que le manuel du droit parlementaire de Jefferson. La collection inclut également des textes théoriques et polémiques qui ont influencé le discours politique des deux côtés de l'Atlantique, avec des auteurs tels qu'Adams, Franklin, Jefferson, et bien d’autres.
Ordres d'achat et rapports de condition : (0) 1 47 70 50 90 - bids@pescheteau-badin.com
LIEU et date de la vente : Salle 15 - Drouot-Richelieu, 9, rue Drouot 75009 Paris. Mercredi 6 novembre 2024 à 14h15 - Téléphone pendant l'exposition et la vente : +33 (0) 1 48 00 20 07
Expositions publique : Drouot salle 7. Mardi 05 novembre de 11h à 18h - Mercredi 06 novembre de 11h à 12h - Téléphone pendant l'exposition et la vente : +33 (0) 1 48 00 20 07
Experts : Alain NiCOLAS - Expert près la Cour d'Appel de Paris - Pierre GHENO - Expert près la Cour d'Appel de Paris. Librairie Les Neuf Muses. 41, quai des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tel : 33 (0) 1 43 26 38 71- E-mail : neufmuses@orange.fr
NECKER (Jacques). — Lettre signée (4 pp. in-folio) avec apostille autographe (3 lignes 1/4), adressée AU PREMIER MINISTRE ANGLAIS, FREDERICK NORTH. — Paris, 1er décembre 1780.
Estimation :18 000 - 20 000 €
Description
EXTRAORDINAIRE LETTRE OFFICIEUSE VISANT A CONVAINCRE LE PREMIER MINISTRE ANGLAIS A ENVISAGER UNE TREVE DANS L'ACTION MILITAIRE AUX ÉTATS-UNIS, écrite après la défaite anglaise de Saratoga (1777), après le débarquement du corps expéditionnaire français du comte de Rochambeau (1780), mais avant la défaite anglaise décisive de Yorktown (1781). Le coût de la guerre en Amérique du Nord était très élevé aussi bien pour la France que pour l'Angleterre ou les États-Unis, et Jacques Necker comme contrôleur général des Finances, de même que Lord North comme ancien chancelier de l'Échiquier, en savaient tout le poids. En outre, Jacques Necker était pénétré des idées des Lumières et peu favorable aux solutions militaires, tandis que Lord North avait montré de son côté en 1776 qu'il pouvait se montrer compréhensif avec les colons américains, mais il n'avait pas eu le temps de mettre en application une politique conciliante avant que la guerre n'éclate.
« Une personne actuellement absente de Paris, et que Mr Walpole [l'homme politique et écrivain Horace Walpole qui se lia avec Mme Du Deffand] vous a peut-être nommée, My Lord, l'ayant engagé dans une démarche qu'on n'a point avouée, M. Walpole s'est trouvé dans le cas de s'ouvrir à moi, et ayant eu connoissance à cette occasion de quelques fragmens d'une lettre qu'il a reçu[e] de vous, j'ai été si frappé de la manière noble et franche avec laquelle vous manifestés d'une manière générale votre amour pour la paix, que cette lecture a animé en moi une idée qui vous montrera tout au moins, My Lord, l'estime parfaite que j'ai de votre caractère, et ne pourra pas, j'espère, vous donner une mauvaise opinion du mien.
VOUS DESIRES LA PAIX, JE LA DESIRE AUSSI ; rapprochés ainsi par un sentiment si juste, et par la droiture de nos intentions, pourquoi ne tenterions-nous pas ce qu'essayeront un jour les ministres de la politique ? Nous ne leur ravirions pas les honneurs d'un traité, mais nous pourrions préparer les premières voyes, ou connoître, du moins, si le tems est venu. J'ai toujours cru que la modération, le bon sens, et la loyauté, étoient le fondement des négociations, et les abrégeoient infiniment.
Vous avés, je le sçais, My Lord, la confiance du roy d'Angleterre, et comment ne l'auriez-vous pas d'après les services longs et soutenus que vous luy avés rendu[s] pendant tout le cours de votre honnorable et brillante administration ? Je ne puis pas me glorifier d'avoir les mêmes droits à celle du roy, mais je crois pouvoir vous assurer que des ouvertures raisonables réussiroient tout aussi bien dans mes mains que dans celles de tout autre ; mais SA MAJESTE DOIT TENIR, AINSI QUE LE ROI D'ANGLETERRE, A UNE PAIX HONNORABLE, et c'est là où commencent, je le sens bien, les difficultés. Vous auriés sûrement plus de lumières et de facilités que moi pour indiquer les moyens qui peuvent concilier les prétentions des parties belligérentes, mais cette envie de voir venir, cet art de se tenir en arrière pour juger sans se compromettre, enfin toute cette science politique répugnant à mon caractère, et persuadé, d'ailleurs, que tant que c'est M. Necker uniquement qui parle à My Lord North, mes paroles ne seront point comptées, et que je les confie, d'ailleurs, à un homme fidèle, je dirai franchement du premier abord qu'en réfléchissant à part moi sur cette matière, je croirois qu'UNE TREVE PLUS OU MOINS LONGUE, PENDANT LAQUELLE LES PARTIES BELLIGERENTES EN AMERIQUE Y CONSERVEROIENT D'UNE MANIERE INDEPENDANTE CE QU'ELLES POSSEDENT, SEROIT UN PREMIER APPERÇU RAISONABLE. Les échanges à faire, d'ailleurs, entre la France et l'Angleterre me parroissent faciles, ainsi que l'oubli de ce commissaire inutile et irritant de Dunkerque [une clause du traité de Paris de 1763 avait imposé à la France la présence d'un commissaire anglais à Dunkerque, mais il fut chassé en 1778 au moment de l'alliance franco-américaine et la rupture des relations diplomatique franco-anglaises]. Quant à l'Espagne, à qui le roy doit fidélité et attachement, je n'oserois m'aventurer à parler de ses convenances et de ses prétentions, mais il est possible, et presque probable qu'elles vous sont connues. Voilà une première idée encore vague, sans doute, mais si elle contrarie dans l'essentiel l'opinion que vous avés des sentimens du roy d'Angleterre, votre réponse finira notre correspondance, et nous remettrons aux événements, ou à des négociateurs plus heureux la fin de cette guerre ; si, au contraire, ce que vous pensés, et ce que vous voudrés bien me manifester me permet de m'occuper de cette intéressante affaire, je seconderai vos vues pacifiques avec soin et avec amour, et toujours avec le plus grand retour de franchise.
JE DOIS VOUS OBSERVER, MY LORD, QUE JE PENSE FERMEMENT QUE DANS AUCUN CAS IL NE POURROIT CONVENIR AU ROY D'OUVRIR UNE NEGOCIATION PUBLIQUE, AVANT QUE LES BASES FUSSENT ASSUREES SECRETEMENT ; la raison en est simple, une négociation publique serviroit puissamment votre crédit, et feroit peu pour nous, non seulement parce que le crédit en France n'est qu'une portion des ressources du roy, vu tous les impôts et toutes les autres contributions de différents genres qui sont dépendants de sa seule volonté, et dont il n'a point encore fait d'usage, mais aussi parce que le crédit de la France est encore plus fondé sur une bonne administration intérieure que sur les circonstances politiques, et c'est ce qui est cause que le roy a emprunté depuis la guerre à un plus bas intérest, et plus facilement qu'on ne l'avait fait en tems de paix.
JE VOUS DEMANDE, MY LORD, LE PLUS GRAND SECRET..., et je vous prie de ne m'écrire que par une occasion absolument sûre ; comptés de ma part sur telle réserve que vous m'imposerez... Mais quel que soit le succès d'une démarche à laquelle la connoissance de vos dispositions m'a entraîné, je ne pourrai jamais regretter d'avoir essayé de concourir à terminer plus tost les maux de la guerre ; c'est un service si grand rendu à l'humanité que dès que les lueurs de la paix se présentent, je me reprocherois, peut-être, toute ma vie de les avoir apperçues avec indifférence, ou de les avoir laissé s'éteindre, par la crainte seule de me compromettre, et ce hazard, encore, je ne le cours pas avec vous...
De sa main, Jacques Necker a ajouté : « Cette lettre est remise à un marchand qui part pour l'Angleterre, sans qu'il sache qu'elle vient de moi, et j'ai fait mettre une première enveloppe à Milady North pour éviter encore plus tout soupçon. Je n'ai rien dit à M. Walpole qui ne doit pas être dans le secret. »
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