Lot n° 78

LA FAYETTE (Gilbert Du Motier de). — Lettre autographe signée à Romain Joseph de Brigode. — La Grange, 29 juin 1830. — Une p. 1/3 in-8 carré d'une fine écriture serrée, adresse au dos ; petite déchirure au feuillet d'adresse due à...

Estimation : 800 - 1 000 €
Description
l'ouverture sans atteinte au texte.
Belle et longue lettre évoquant la fête nationale américaine, et traitant de la situation politique et institutionnelle explosive française : le roi Charles X venait de dissoudre la Chambre des députés et verrait ses partisans perdre les élections (juin-juillet 1830), ce qui l'amènerait à restreindre le droit de la presse et provoquerait la révolution dans laquelle le marquis de La Fayette (élu député en juillet) jouerait un rôle éminent.

« ... Honneur au département du Nord, mon cher ami! Je le bénis à double titre, et pour la chose publique, et pour vous [le comte de Brigode venait d'être réélu député du Nord dans les rangs des libéraux]... Il ne m'est pas encore permis de vous appeller mon collègue, nous sommes au nombre des départements, mis en interdit jusqu'au 12 juillet. Cette conception attribuée à Monsieur Peyronet [le ministre de l'Intérieur, Pierre-Denis Peyronnet] a donné beaucoup d'humeur ; particulièrement dans les villes d'élection, où tous les préparatifs avaient été faits pour recevoir les électeurs. Le gouvernement a craint que des choix nombreux et prononcés à Paris et dans les environs n'encourageassent les collèges départementaux à frustrer les intentions du double vote, car on ne peut pas croire qu'il leur soit venu dans la tête d'entrer en session sans les députés d'une si grande et populeuse partie de la France. Nous voilà donc au 3 et si l'on veut au 16 août, en grande majorité reconnue ; que feront-il alors ? Il faut choisir entre... les coups d'État qui les mèneraient plus loin que nous, et une modification du ministère qui ne nous empêcherait pas, j'espère, d'exiger des garanties sans lesquelles... ce serait toujours à recommencer. On dit que la congrégation sent sa défaite, et qu'ailleurs il n'y a que de LA COLERE ; elle DEVRAIT SURTOUT SE PORTER SUR CEUX QUI ONT JETTE LE ROI AU MILIEU DE LA BATAILLE ELECTORALE : TOUT REPUBLICAIN QUE JE SUIS, ET TOUT POPULAIRES QUE NOUS ETIONS, MES AMIS ET MOI, DANS NOS RAPPORTS AVEC LE TRONE, NOUS METTIONS PLUS DE DELICATESSE A NE PAS COMPROMETTRE, DANS LES DEMARCHES QUI EN EMANAIENT, LA DIGNITE ET LA RESPONSABILITE MORALE DU MONARQUE...
Nos travaux agricoles sont fort contrariés par les pluies. Nous avons à La Grange une partie de la famille d'Alva et NOUS Y ATTENDONS DES VISITES AMERICAINES. Mr de Tracy et Augustine sont ici [le philosophe Antoine d'Estutt de Tracy, et sa fille Augustine, dont le frère avait épousé le fils aîné de La Fayette] : vous jugez bien que je n'en sortirai que POUR LE DINER DU 4 JUILLET [à l'occasion de la fête nationale américaine], s'il a lieu, et pour les élections.
LES JOURNAUX VOUS RENDRONT COMPTE DE L'EXPEDITION D'ALGER : la principale difficulté, celle du débarquement, est heureusement surmontée. Les autres le seront aussi. Reste à savoir quel fruit on retirera d'une guerre évidemment ENTREPRISE DANS DES VUES DE POLITIQUE INTERIEURE, ET DE COMBINAISONS FORT ETRANGERES A L'HONNEUR NATIONAL... » L'armée française venait de débarquer en Algérie le 14 juin et allait se rendre maître d'Alger le 5 juillet.

Sur Romain-Joseph de Brigode, membre de la famille de La Fayette, voir ci-dessus le n° 77.
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