Lot n° 74

CANADA. — POTIER DE POMMEROY (René-Gédéon). — Manuscrit autographe signé en plusieurs endroits, ILLUSTRE DE DEUX CARTES. XVIIIe siècle. — Journal autobiographique, familial et généalogique concernant en partie le Canada. — Vers...

Estimation : 15 000 - 20 000 €
Description
1761-vers 1816. — Environ 130 pp. in-folio, sous portefeuille en vélin rigide de l'époque ; quelques vignettes ex-libris imprimées ; plusieurs feuillets détachés et volants, queques-uns effrangés.
RENE-GEDEON DE POMMEROY, VETERAN DES GUERRES COLONIALES CONTRE LES ANGLAIS EN AMERIQUE DU NORD, ET COLON ACADIEN. Fils et petit-fils de militaires français ayant servi en Nouvelle-France, né au fort Frontenac au Canada, René-Gédéon Potier de Pommeroy (1730-1822) participa lui-même, comme officier en Amérique du Nord, aux opérations de la guerre de succession d'Autriche ((les Anglais nomment « Guerre du roi George » les actions militaires menées en Amérique du Nord dans ce cadre), puis à celles de la guerre de Sept Ans. Pommeroy fut par exemple présent à l'attaque des fort Saratoga et Lydius dans l'actuel État de New York (1747), à l'expédition sur le lac Ontario contre les Agniers (Mohawks) alliés aux Anglais qui menaçaient Montréal (1748). Il servit ensuite en Acadie, précisément à l'Île-Royale puis à l'île Saint-Jean (actuelles île du Cap-Breton et île du Prince-Edward au Nouveau-Brunswick canadien), et fut blessé dans la tentative française pour faire lever le siège du fort Beauséjour (aujourd'hui fort Cumberland) sur l'isthme de Chignectou (1755). Il fit ensuite partie des hommes envoyés à l'assaut du fort George sur le lac du Saint-Sacrement, actuel lac George dans l'État de New York (1757), et dut alors traverser seul les lignes ennemies pour porter en retour des courriers à l'île Saint-Jean. Emmené prisonnier en Angleterre aux termes de la capitulation de cette île (1758), il fut renvoyé au Canada avec les secours commandés par le capitaine d'Angeac (1760) : l'escadre qui transportait cette troupe remporta quelques succès contre les Anglais devant Gaspé, en baie du Saint-Laurent, puis fut défaite sur la rivière Ristigouche (1760). Refusant alors de prêter allégeance aux Anglais, Pommeroy perdit tous ses biens sur l'île Saint-Jean et dut quitter la Nouvelle-France. Il reçut ensuite le commandement d'un fort en Guyane et acheva sa carrière en 1768 comme capitaine, recevant la croix de Saint-Louis en 1771.
• AVENTURES EN AMÉRIQUE DU NORD
PRECIEUX VESTIGE DE L'HISTOIRE FRANÇAISE EN NOUVELLE-FRANCE ET NOUVELLE-ANGLETERRE. René-Gédéon Potier de Pommeroy fait notamment ici le récit des principales péripéties de sa vie militaire au Canada et en Nouvelle-Angleterre de 1742 à 1760, évoquant parfois les supplétifs iroquois, Mohawks côté anglais ou Iroquois « domiciliés » côté français ; il donne aussi copie de pièces militaires et civiles principalement relatives à sa carrière (dont des listes de soldats et d'Acadiens), mais aussi à ses possessions sur l'île Saint-Jean, et à sa famille.
« ... 2e juin 1747. A servie dans un détachement de 1500 hommes commandés par monsieur Rigauld de Vaudreuille gouverneur des Trois-Rivières , en qualités d'aide de camps par ordres du marquis de La Galissonnièr[e] ; suis trouvé dans un partie commendés par Mr de St‑Luc La Corne lieutenant, avons défaits un détachement de trouppes à portés de canon du fort de Sarastot de 300 honmes, avons fait 45 prisonnier[s]. Les sauvages firent plusieurs chevelures.
16e avril 1748. Servie par ordres du marquis de La Galissonnièr[e] sous les ordres du sr Fontenelle de Langie , cadet à l'éguillet[te], avec un parties sauvages, avons fait un prisonnier à Quindrouk Nouvelle Engleterre, après 45 jours de marches.
17e juillet 1748. Servie sous les ordres de Mr de Baubassin , sou[s]‑lieutenant par ordre de M, le marquis de La Galissonnière, avons été à Casquécouk après un mois de marche dans les montagnes, avons fait coup sans pouvoir faire de prisonnier malgré l'acharnemens des sauvages étant sous le canon du fort, avons eu sinq sauvages blessé[s], un de tué, avons mis hors de combats 15 honmes.
21 aoust 1748. Servie sous les ordres du ch[evali]er de La Corne, par ordre de Mr de Beaucour , gouverneur de Montréal, avec un partie de 200 hommes, allant au-devant des Anniés dans le lac Ontarios qui venoi[en]t pour faire coup sur l'isle de Montréal, nous fîmes échouer leurs entreprises pour lors.
1er mars 1749. Fait officiers, et passé à l'Isle-Royal[e] .
5 avril 1750. Détaché à la poursuitte de 3 soldats déserteur[s].
11 février 1757. Servies par ordre du marquis de Vaudreuille dans un parties de 1500 hommes commandés par Mr Rigaud de Vaudreuille , pour aller brûler tous les magazins et préparatif[s] qui se faisoi[en]t au fort George au lac S[ain]t-Sacrement .
2 may 1757. Mr le marquis de Vaudreuille me fit partire et me chargea des paquets de la Cour pour faire passer à l'Isle‑Royal[e] à Mr de Drucourt pour les faires passer en Frances ; je m'acquittés de cette mission à la barbe de l'ennemis qui bloquet de toute part ; après un moy e[t] demie d'un voyage des plus difficile[s], tantôt en bâtiment, tantôt en esquif, d'autrefoy en canot sauvages et une partie dans les bois avec beaucoup de fatigues.
3 may 1760. Servie sous les ordre[s] de Mr d'Angeac par ordre du roy pour passer en Canada y porter des secours avec 400 hommes de trouppes ; n'avons pu y parvenire, l'ennemis étant entré dans le fleuve S[ain]t-Laurent avant nous, avons fait sept prises devant Gaspé, et de là entré[s] dans la baye des Chaleurs selon nos ordres pour faire parvenire les paquets aux général. L'ennemis est venus nous y bloquer, le 3 juin, par trois vaisseaux de ligne [de] 74 [canons] et deux frégattes de 30 [canons]. Le 2 juillet je repouss[ai] 17 chaloupe[s] armée[s] qui tenterrent une dessente. J'essui[ai] leur feu sur le rivage de pierrier et de mousquetterie, j'avais 150 hom[mes], j'eu 2 hom[mes] blessé[s]. Jusqu'au 8 juillet qu'il nous livrèr[ent] combats et nous contraignirent de brûler notre frégatte, Le Machau[lt], monté de 22 pièces de canon manquans de poudre et n'ayant qu'onze pièces qui pouvoient battre étant embossé. Nos trouppes s'y sont distingué[es] par leurs zèle, et les fatigues qu'ils y ont enduré pandant un moy ; avons fait un camps à terre, l'ennemis s'est retiré. Nous nous sommes randu[s] suivant la capitulation du Canada, y étant compris et dans des bois san[s] secours ny ressource que de s'y voire périr de faim... » (pp. 38-40). Le texte a été achevé à Rochefort le 20 juillet 1761. Pommeroy rapporte ensuite à nouveau tout ou partie de ces faits en deux autres endroits du volume (pp. 106-109, 130), et sur un feuillet volant indépendant.
IL DRESSE AUSSI LA LISTE NOMINATIVE DES HOMMES COMPOSANT LA COMPAGNIE QU'IL COMMANDAIT A L'EXPEDITION DU FORT SAINT-GEORGES (p. 117) : 4 autres officiers, 17 soldats, 32 personnes qu'il appelle « habitants » ou « Canadiens ». Il fait ensuite le total détaillé par fonctions des membres de la troupe expéditionnaire à laquelle il appartenait, et qui comprenait plus de 1500 hommes dont « 340 sauvages ». Pour les soldats, il donne leurs noms complets et leur surnoms : « Brindamour », « Francoeur », « Bras-de-Fer », « L'Aubépine, « La Jeunesse », « Sanchagrin », « Argencourt », « Lafleur », « Sansoucy », « Beausoleil », etc. Pour certaines personnes, il précise en note des objets, peut-être apportés personnellement par celles-ci : des barils de poudre, un collier, un sac, etc. L'un des habitants est gratifié de la mention « mauvais sujet ».

Le volume autographe relié renferme de nombreux autres passages concernant le Canada et la Nouvelle-Angleterre, copies d'actes et de courriers, nominations, ordres de missions, etc., principalement aux pp. 29, 30, 55, 60-68, 87-89, 96-101, 106-110, 112-116, 125, 127-128, 130-131, 135, 137, 155-157, 160.

RARISSIME CARTE DE PORT-LA-JOYE sur l'île Saint-Jean (situation vers 1758)
— Carte de la principale localité portuaire de l'actuelle Île du Prince-Edward (encre et plume, 33 x 41 cm, notes généalogiques au verso, mouillures marginales). Avec précieuses légendes indiquant les noms des propriétaires des maisons ou terrains, dont les Potier de Pommeroy, ou indiquant des habitations d'Acadiens réfugiés. Aucune des cartes gravées ou dessinées anciennes connues de cette île ne permettent comme ici une lecture à une échelle locale.
« Morceau de pavillon anglais » découpé au sabre lors du siège du fort Beauséjour » (juin 1755)
Sur un feuillet avec légende autographe signée, d'une écriture d'homme âgé est aussi conservé un « morceau de pavillon anglais » découpé au sabre lors du siège du fort Beauséjour en juin 1755 (3 lambeaux de tissu, en tout 16 x 11 cm, appliqués sur un feuillet in-12 lui-même monté sur un feuillet in-folio appliqué sur un feuillet de carton souple moderne) « ... J'ai coupé ce morceau de pavillon anglais avec le même sabre qui m'a servi à mettre hors de combat cinq grenadiers anglais qui le gardaient, dont deux tués roides. Ledit pavillon était placé sur la redoute élevée par les Anglais qui assiégeaient le fort de Beauséjour, dans l'Accadie française, sous le commandement de M. Vergord Du Chambon . J'avais été envoyé au secours du fort avec sept officiers ; quatre furent tués et trois blessés - je le fus après la prise du fort par les Anglais. Dans le retraite, je conservai le drapeau pris sur l'ennemi qui me servit à envelopper ma blessure d'un éclat de bombe au genouil... »
Pommeroy consacre également plusieurs passages de son manuscrit au service qu'il effectua en Guyane, à Oyapok (pp. 40, 44, 46, 118-119, 126-128).

Les autres notes et copies de pièces concernant sa généalogie, au même titre que ses états de services, ont été compilés par Pommeroy dans le cadre d'une démarche destinée à prouver sa qualité de noble afin de conserver un emploi d'officier dans l'armée française au moment de son retour en France. Cette démarche fut couronnée de succès.
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