Lot n° 93

CHATEAUBRIAND François-René de. (1768-1848). 2 L.A., Londres 18-23 avril 1822, à la duchesse de …

Estimation : 1 000 - 1 200 EUR
Description
CHATEAUBRIAND François-René de. (1768-1848). 2 L.A., Londres 18-23 avril 1822, à la duchesse de DURAS ; 5 et 3 pages in-4. Sur sa présentation comme ambassadeur au Roi d'Angleterre George IV. Londres, ce 18 avril 1822. «Vous êtes une singulière personne. Vous ne voulez pas que j'écrive sur de petit papier et au jour le jour, parce que c'est vous imiter». Il lui a écrit très régulièrement par chaque courrier, et a pris ses «précautions pour que les lettres vous soient remises vite et sûrement, ainsi autre sujet de fâcherie de moins. Je ne suis occupé ici que de faire mon chemin. Je veux conquérir l'Angleterre aux Royalistes. Je commence à réussir, et je vous avoue que j'en66 suis dans la joie. Mon importance politique augmente ; tous les ambassadeurs me recherchent, et j'ai pu faire des dépêches importantes dont je crois que l'on est content à Paris. J'ai vu aujourd'hui M. CANNING, le Prince ESTERHAZY et le Cte LIEVEN qui tous trois sont venus me parler des affaires les plus graves. Demain j'ai mon audience du Roi. [...] j'irai à la Cour avec deux voitures très belles, mais très simples, quatre domestiques et dix cochers en livrée rouge qui est la mienne ; voilà tout. C'est le moins possible, et si les journaux fashionables font de cela la pompe du grand Mongol, vous saurez à quoi vous en tenir. Ma présentation au Roi va m'ouvrir le monde. Je vous dirai ce que je verrai dans la société et si mes conquêtes aux Rout seront aussi promptes que chez les ministres. Je ne sais que par vous l'intérieur de la France. J'ai écrit pour qu'on ne fasse pas de fautes ; que d'un côté on tienne ce qu'on a promis pour les Royalistes et que de l'autre côté les Royalistes satisfaits aient un peu de patience et ne se divisent pas. Mais cette ambassade est un ministère, c'est le monde à remuer, et je vous assure que je n'ai pas un moment pour respirer. Il y a outre la correspondance, trois comptabilités à régler ; et une surveillance de police sur les étrangers qui arrivent avec des passeports de France. Tout a été laissé dans le plus grand désordre. Je m'occupe à faire remettre de l'ordre dans les archives et dans les affaires. Je prouverai aux petites gens qu'un homme d'esprit peut avoir les talents d'un sot, et je veux défier aux porte-feuilles les Guizot et les Molé»... Le 19 au soir, il ajoute : «J'ai eu trois quarts d'heure d'audience : sans le lever je crois que nous y serions encore. Le Roi m'a comblé de bontés. On ne peut avoir plus de grâces»... (Correspondance générale IV 1570). Mardi 23. «Si vous continuez à être aussi injuste, je n'écrirai plus. Je n'ai pas laissé partir un seul courrier depuis que je suis à Londres sans vous écrire, [...] je vous prouve assez que vous êtes le premier intérêt de ma vie. Que mes lettres soient sur du petit ou du grand papier peu importe. Elles sont plus longues que jamais lettres de moi ne l'ont été. Vous dites que je ne parle de vous à personne, cela seroit difficile car tout le monde me parle de vous et de vos romans», Lady Mansfield, Lady Glengall... «Le Duc de WELLINGTON veut savoir si c'est aussi beau qu'une bataille, et pour vous amener à un traité, il va m'envoyer pour vous un grand livre sur les monumens gothiques ; enfin ROSCHILD qui a diné chez moi avant-hier est en adoration de vous il tit que vous êtes une vemme te chénie. Je reviens à ma présentation au Roi. Ce Roi est charmant, il a mis une coqueterie extrême à me parler de moi, de la France, des familles françoises dont il sait toutes les aventures. Mais entre nous et tout-à-fait entre nous, j'ai retrouvé l'homme d'autrefois et de la société de Lauzun et du Duc d'Or­léans. Au reste cette présentation a fait grand bruit parce qu'on a remarqué que le Roi m'avoit retenu trois quarts d'heures. Je vais ce matin au Drawing-Room où je verrai toutes les femmes d'Angleterre. Je dîne en grand gala chez Lord Londonderryc'est l'anniversaire de la naissance du Roi. Je suis toujours assez peu au courant des nouvelles de France. Je reçois toujours de grandes plaintes contre les ministres, qu'ils ne tiennent pas les paroles qu'ils m'ont données pour les Royalistes &c. Il me semble qu'on en est aux espérances pour les élections. La guerre est toujours problématique. Mais mon opinion est qu'il y a plus de chances à présent pour la guerre que pour la paix. Ne parlez jamais des nouvelles politiques que je puis vous mander»... (Correspondance générale IV 1579)
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