Lot n° 119

Victor HUGO. — Manuscrit signé avec ajouts et corrections autographes, Au Congrès de la Paix , Paris 10 septembre 1875 ; 2 pages in-fol. (fente au 1er feuillet avec pli consolidé au dos).

Estimation : 2000 - 2500
Adjudication : 2 860 €
Description
Magnifique message politique sur la paix des nations, la France et l’Allemagne, et véritable plaidoyer pour les États-Unis d’Europe, en réponse à l’invitation qui lui a été faite par le Congrès de la Paix . Ce texte a été recueilli avec quelques variantes dans Actes et Paroles, III Après l’exil, I, xiv. Victor Hugo a inscrit en tête de sa main le titre et la date : «Au Congrès de la Paix . Paris, 10 septembre 1875» ; il a ajouté une phrase, porté trois corrections, biffé à la fin la date du 9 septembre inscrite par son secrétaire, et signé «Victor Hugo».

Il est touché de l’appel du Congrès de la Paix … «Il y a actuellement deux efforts dans la civilisation, l’un pour, l’autre contre ; l’effort de la France et l’effort de l’Allemagne. Chacune veut créer un monde. Ce que l’Allemagne veut faire, c’est l’Allemagne ; ce que la France veut faire, c’est l’Europe.
Faire l’Allemagne, c’est construire l’empire, c’est à dire la nuit ; faire l’Europe, c’est enfanter la démocratie, c’est à dire la lumière. N’en doutez pas, entre ces deux mondes, l’un ténébre , l’autre radieux , l’un faux , l’autre vrai, le choix de l’avenir est fait. L’Avenir départagera l’Allemagne et la France ; il rendra à l’une sa part du Danube, à l’autre sa part du Rhin, et il fera à toutes deux ce don magnifique, l’Europe, c’est à dire la grande république fédérale du continent. […] Cette fraternité fratricide finira, et à l’Europe des Rois-coalisés succédera l’Europe des Peuples-Unis. Aujourd’hui? Non. Demain? Oui. Donc ayons foi et attendons l’avenir. Pas de paix jusque-là. Je le dis avec douleur, mais avec fermeté. La France démembrée est une calamité humaine. La France n’est pas à la France. Elle est au monde ; pour que la croissance humaine soit normale, il faut que la France soit entière ; une province qui manque à la France, c’est une force qui manque au progrès, c’est un organe qui manque au genre humain ; c’est pourquoi la France ne peut rien concéder de la France. Sa mutilation mutile la civilisation. […]. On ne met point la paix là-dessus. Pour pacifier, il faut apaiser ; pour apaiser, il faut satisfaire. La fraternité n’est pas un fait de surface. La paix n’est pas une superposition. La paix est une résultante. On ne décrète pas plus la paix qu’on ne décrète l’aurore. Quand la conscience humaine se sent en équilibre avec la réalité sociale ; quand le morcellement des peuples a fait place à l’unité des continents, […] quand les frontières s’effacent entre une nation et une nation, et se rétablissent entre le bien et le mal, quand chaque homme se fait de sa propre probité une sorte de patrie intérieure, alors les hommes s’aiment, et les peuples s’unissent aussi naturellement que l’herbe pousse ; alors, de la même façon que le jour se fait, la paix se fait, le jour par le lever de l’astre, la paix par l’ascension du droit. Tel est l’avenir. Je le salue».

Provenance :
Archives de Charles Lemonnier, Président de la Ligue Internationale de la Paix et de la Liberté, promoteur de l’idée de Confédération européenne.
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