Lot n° 525

Georges CLEMENCEAU (1841-1929). Manuscrit autographe, Deux interviews, [début 1900] ; 7 pages petit in-4.{CR}{CR}Sur le projet d’amnistie dans l’affaire Dreyfus.{CR}Manuscrit d’un article portant de nombreuses ratures et corrections, au...

Estimation : 800 - 1000
Adjudication : 1 690 €
Description
moment où se discute le projet de loi pour l’amnistie de l’affaire {CR}Dreyfus, à laquelle s’oppose {CR}Clemenceau.{CR}Le projet est en sommeil : « Dans la commission sénatoriale quatre membres sont résolument opposés à la loi qui proclame l’impunité du crime […] quatre autres membres de la commission sont disposés à tout pour sauver traîtres et faussaires, par l’unique raison que l’Église veut qu’il en soit ainsi. Enfin, le neuvième personnage, qui est en possession de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, se prononce pour l’ajournement. » Il semble aussi que le ministère ne soit pas très chaud, et que la situation évolue : « l’élection de Mercier par les royalistes de la Loire-Inférieure a puissamment changé la disposition de certains esprits […] On va, au 8 mars prochain, ajourner de nouveau le procès Zola », ainsi que le procès Henry-Reinach ; « on continuera de refuser la justice à Picquart et l’on attendra l’un de ces coups du hasard que les peuples baptisent “sagesse des gouvernements” ». Clemenceau rapporte deux interviews par un journaliste de ses amis. Le premier concerne un homme politique important, « au premier rang de l’opposition modérée » ; l’autre « est un des membres les plus influents du Ministère », mais il ne cite pas de nom. Le premier « a déjà puissamment contribué au sauvetage de Mercier », mais, à la grande surprise de son interlocuteur, se prononce « avec outrance contre la proposition d’amnistie » et se dit prêt à renverser le ministère et à offrir ses services. L’amnistie proposée par Waldeck-Rousseau et Millerand lui répugne : « Non certes qu’il soit hostile à “l’apaisement”. Rien ne lui paraissait si désirable. L’affaire Dreyfus avait profondément troublé le pays » ; mais il ne veut pas d’une demi-amnistie qui oublierait les Assomptionnistes et les condamnés de la Haute-Cour. « Ainsi beaucoup de modérés avaient-ils résolu – dût le Ministère se trouver en minorité – de repousser tout net ce ridicule projet de simili-amnistie ». Voilà le gouvernement prévenu : « S’il lui plaît de réunir contre lui les voix de ceux qui se refusent à décréter l’impunité du crime et de ceux qui veulent mettre moines et nationalistes au-dessus des lois, il n’allèguera pas l’excuse de la surprise ». Quant au ministre dirigeant, il fit « d’abord un éloge hyperbolique de l’amnistie, tout en déclarant qu’il n’éprouvait “aucun enthousiasme” pour cette mesure ». Ce raisonnement « à double corne » permet de « défendre le système de l’impunité des coupables » et de « pouvoir répondre à toute objection grave : “Aussi, vous ai-je bien dit que je me résigne “sans enthousiasme à cette idée” ». Il propose de « traîner un peu… si la question venait pendant l’exposition [qui ouvrira le 14 avril 1900] comment pourrait-on nous refuser l’oubli du passé ? » Le journaliste dit que c’est bafouer la justice « que l’innocent n’est point en sûreté, s’il a contre lui l’Église, et le criminel haut placé peur faire trembler devant lui chambres et gouvernement ». Le ministre admet que Mercier est un bandit : « s’il n’était pas un criminel avéré, il n’y aurait pas besoin d’amnistie ». L’amnistie va aussi s’appliquer à Picquart, qui est innocent ; et empêcher la découverte de la vérité, « Mieux encore, vous allez amnistier Esterhazy lui-même de sa trahison, qui pouvait se prouver plus tard par la production des notes mentionnées dans le bordereau ». Tout cela sans enthousiasme.{CR}Clemenceau conclut que les ministères se valent : « Tout comme Waldeck-Rousseau et Millerand, Méline a pour programme d’assure l’impunité à Mercier et à toute sa bande. […] Aussi, je me demande si tous ces grands politiques ne finiront pas par se mettre d’accord à nos dépens… sans enthousiasme, bien entendu ».
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