Lot n° 440

Francis JAMMES (1868-1938). 2 L.A.S., 1897-1898, à Henri vandeputte ; 2 pages in-fol. et 3 pages in-8.{CR}Belles lettres littéraires à son ami Vandeputte, jeune poète belge.{CR}Juillet 1897. Sur son poème La Naissance du poète, paru dans la...

Estimation : 400 - 500
Adjudication : Invendu
Description
revue belge Le Coq rouge : « Je reçois des Gide une lettre élogieusement angoissée. Ils me couvrent de lauriers au sujet de mon poème La Mort du poète qui, s’il est triste comme la mort elle-même, est je crois ce que j’ai fait de plus terriblement beau. Il terminera probablement le volume que j’ai l’intention de publier [De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir]. J’ai senti en l’écrivant, la mort couler dans mes veines. J’ai eu véritablement le délire. J’ai été à la fois le poète, l’auteur, la mère, la fiancée, l’ami, la servante, le chien, etc... et, en le terminant, j’ai failli me révolter contre le Ciel, comme si, véritablement, j’avais vécu cette mort. Je ne sais pas ce qui se passe en moi quand j’écris de telles choses. C’est effrayant. Et toi, tu sais quel profond repos me donnent tes phrases ardentes et calmes. Quel jaillissement de vérité, de jeunesse, de poésie, s’émanent de tes phrases maladroites et cabrées, de tes chocs, des calmes tournoiements de tes valses foraines, sous la chênaie obscure où tremble l’adieu du jour. Les âmes comme la tienne, comme celle de Rency me semblent en partie faites pour calmer les cœurs comme le mien qu’agite, d’une façon trop tragique peut-être, l’univers douloureux. De préférence mon cœur va vers ceux-là, et si je mets Lamartine à l’un des himalayas de la poésie, jamais il ne me donna les consolations magnifiques et les leçons de sérénité douloureuse d’un Leconte de Lisle. Car Leconte de Lisle est, quoiqu’on en dise, l’une des âmes les plus débordantes de la poésie ; mais il a voulu que ce débordement, qui se prépare entre de prodigieuses rives, ne fût qu’une succession de cataractes égales. Et cette poésie a la largeur d’un Gange ou d’un Mississipi. Tant pis pour ceux qui ne voient qu’une vaine et savante musique, dans cette nappe océanique profonde comme un chant d’orgue et inspirée comme lui.{CR}Tu dois aimer Erckmann ? En voilà un méconnu encore ! On le laisse, là-bas, je ne sais où, en Lorraine, fumer des pipes de deux sous et douter de lui-même. Allons donc ! C’est épouvantable. C’est un prodigieux génie. C’est la simplicité incarnée dans la Bonté. Qu’est-ce que c’est que ça tout Verlaine, tout Dumas Fils, à côté des Contes des bords du Rhin et de l’Ami Fritz ? Tu es de sa race comme ce divin des Ombiaux. Salue-le. Je te le dis, cet Erckmann est un immortel.{CR}Voilà que je me fiche à parler littérature. [.. .1 Amitiés à tous ces bons Belges qui me donnent tant de sympathie. Je le sens bien, il y a en toi, en eux, la chose la plus sublime : l’amour de la vérité avec l’absence de la jalousie »...{CR}Mars 1898. Jammes félicite chaleureusement Vandeputte : « Quel délicieux oiseau chante en ces poésies gracieuses comme des adolescentes vierges qui ont de grands chapeaux sous les lilas ? Tu es poète. Tu l’es comme un pauvre est pauvre, comme la neige est blanche ; il y a là des cris d’azur filés par des gosiers d’oiseaux gris de cerises d’aube »... Jammes est reconnaissant à Vandeputte, à Ruyters et à Rency d’avoir été « de ceux qui commencèrent à gueuler en ma faveur, et à secouer la “colonne de silence” où me tenaient les impuissants ou les crétins qui ont peur de mes feuilles de chêne »...{CR}Ancienne collection André Bertaut (14 décembre 1983, n°164).
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