Lot n° 433
Sélection Bibliorare

Jean GENET (1910-1986). Manuscrit autographe signé, Le Grand Balcon, [vers 1955-1956] ; 102 pages petit in-4 (21,5 x 16,5 cm) en feuilles dans un cahier à dos toilé, sous chemise à rabats maroquin rouge, étui bordé (Alix).{CR}Manuscrit de...

Estimation : 15000 - 20000
Adjudication : 19 500 €
Description
premier jet et de travail de la pièce Le Balcon.{CR}La genèse du Balcon fut particulièrement complexe, avec pas moins de quatre versions successives, à laquelle vient s’ajouter le présent manuscrit, avant l’édition originale en 1956, puis une nouvelle édition remaniée en 1960. [Voir la notice dans le Théâtre complet (Pléiade), qui mentionne ce manuscrit d’après la notice de vente, sans avoir pu l’étudier.]{CR}Le Balcon fut créé au théâtre du Gymnase le 18 mai 1960 dans une mise en scène de Peter Brook, avec notamment Marie Bell (Irma) et Jean Babilée (l’Évêque).{CR}Le présent manuscrit donne un tout premier état de la pièce (avec le personnage de la Passionaria qui deviendra Irma) ainsi qu’une version nouvelle pour certains tableaux. Il est rédigé à l’encre bleu nuit d’une écriture cursive au recto de feuillets de papier quadrillé détachés d’un cahier Héraklés, avec quelques ajouts sur les pages en regard ; non paginé (en majeure partie), il présente quelques ratures et corrections et d’importantes variantes avec le texte publié. Sur la couverture saumon, Genet a inscrit le titre España et sa signature ; une première page porte le même titre, avec la mention « 4 actes » et la signature ; la page suivante porte le titre « Le Grand Balcon 2 actes » et la signature, ainsi que cette note, postérieure (et inexacte) : « Je certifie que le manuscrit du Grand Balcon est tout entier contenu dans ce cahier avril 1956 Jean Genet ». Il comprend les tableaux suivants.{CR}1er tableau (8 feuillets). « Une sacristie. Formée par trois paravents rouges. Dans le haut, un crucifix. Un paravent forme la paroi gauche de la sacristie. Sur la paroi de droite, un grand miroir où se reflète un lit défait. Un fauteuil, sur le fauteuil un pantalon, une chemise, un veston. L’évêque a retiré sa mitre dorée et il la considère avec ennui puis il la pose ». Ce tableau met en scène l’Évêque, Passionaria [Irma dans l’édition] et « l’enfant de chœur » (le nom, biffé dans les premières répliques, est remplacé par celui de Passionaria, qui lance la première réplique : « Ce qui est dit est dit. Quand les jeux sont faits il n’y a plus à y revenir »). Il s’achève sur cette réplique de « La femme » : « Les insurgés ont pris tout un quartier, mais la rue est libre… De temps en temps un peu de mitraille… »{CR}Une autre version de ce tableau (11 feuillets, chiffrés 2 à 12), en partie biffée et dont le début manque, met en scène l’Évêque, l’enfant de chœur et Irma ; elle est assez proche de l’édition, avec des variantes : ainsi, à sa 3e réplique, où commence le f. 2, l’Évêque jette l’ostensoir (la mitre dans l’édition). Le tableau s’achève par le départ d’Irma, et un échange de trois brèves répliques entre l’Évêque et l’enfant de chœur ; la didascalie finale est différente : l’Évêque « s’approche de la paroi de gauche et colle son œil à la fente. – Ce décor, qui était posé sur un plateau monté sur rail, se déplace, en glissant, vers la coulisse de droite de façon à rendre visible ce qui est supposé la pièce de gauche, où se passe le 2e tableau ».{CR}2e tableau (9 feuillets). « Toujours le même lustre. Trois paravents, mais gris. Même disposition. À droite un miroir où se réfléchit un lit défait. Debout, un géant, nu jusqu’à la ceinture. Très musclé. Une barbe. Il tient un fouet dont il frappe une femme à genoux, enchaînée, vêtements lacérés. Un juge. Robe rouge. Toque dorée ». Ce tableau met en scène le Juge, la Voleuse, et le Bourreau (parfois nommé « le géant ») ; proche de l’édition, il s’ouvre sur la tirade du Juge : « car tu es une voleuse ! »…, et il s’achève par cette réplique du Juge : « Merveilleux ! Je vais donc avoir à juger tout cela. Et tu vas me raconter encore, mais plus doucement. Ah Carmen, tu vas avoir un beau travail. Juge ! Je suis juge ! »{CR}3e tableau (11 feuillets). « Même lustre. Trois paravents, même disposition. Le miroir qui reflète le lit défait. Les paravents sont verts. Dans la chambre un monsieur, l’air timide [ajout : avec un cheval de bois, comme en ont les danseurs, sur une chaise]. Mais peu à peu il se durcit, prend de l’autorité. Il parle avec la Passionaria, qui vient d’entrer. Il enlève son chapeau melon, et ses gants ». Ce tableau met en scène la Passionaria et le Général, puis le Général et la Fille. Il commence par la réplique du Général « (timide). Je voudrais que l’on ne laisse pas traîner ça si c’est possible. (il montre le chapeau et les gants et la veste) ». Il s’achève par les mots du Général qui a passé le cheval sur la fille) : « Tu es prête, alors, en route ! (il fait claquer sa badine) ».{CR}[3e tableau] (11 feuillets chiffrés 26 à 36, plus 2 ff. vierges 37-38). Nouvelle version, proche de l’édition, mettant en scène Irma et le Général, puis le Général et la Fille. Il commence par la réplique d’Irma : « Vous avez aperçu quelque chose, en venant ? », et s’achève par celle de la Fille : « Le défilé est commencé… Nous traversons la ville… Nous longeons le fleuve. Je suis triste. Le peuple pleure en silence un si beau héros mort à la guerre. Tes officiers d’ordonnance me précèdent… Puis me voici, moi Colombe, ton cheval de bataille… La musique joue une marche funèbre… (elle chante en marchant sans bouger la marche funèbre de Chopin) ».{CR}4e tableau (2 feuillets), qui n’est qu’une didascalie : « C’est la chambre avec le lit. Même lustre. Mais quatre miroirs, où se réfléchissent le lit et le petit vieux qui est au milieu de la pièce. […] Le visage du petit vieux s’illumine. La fille rousse a un air altier et cruel. Le petit vieux sort de sa poche un petit bouquet de fleurs artificielles. Il le tient comme s’il allait l’offrir à la fille qui le cravache, et le lui arrache d’un coup de martinet. Le visage du petit vieux est illuminé de bonheur ».{CR}5e tableau (28 feuillets). « La chambre de la Passionaria. Très élégante. Grandes guipures qui tombent du plafond. Même lustre. Quelques fauteuils. Poufs. Canapés. Bibelots dorés. La passionaria est déjà dans sa chambre. Elle fait ses comptes. (à côté d’elle, une fille) ». Ce tableau met en scène la Passionaria et la Fille (qui sera plus loin nommée Carmen) ; il commence par la réplique de la Fille : « Deux mille de l’Évêque… Deux mille du Juge, deux du Général, et deux du bébé ». Plus tard, entreront en scène le Bourreau (plus tard nommé Arthur), puis le Chef de la Police, qui prononcera la dernière réplique : « J’espère que non ».{CR}[6e tableau] (7 feuillets). « La rue (au loin le G. B.) » ; en marge, l’indication : « Chantal. Roger. 5 femmes. 10 hommes ». Le tableau met en scène Roger et Henry (ou Henri), puis un homme, Chantal, un des hommes ; au début, Roger s’adresse à Henry : « Qu’est-ce que tu fais, toi ? ». Le tableau s’achève sur cette réplique de Chantal : « Tu le feras, on n’en doute pas. Tu tueras donc des cadavres. Mais pour le moment tu as besoin de notre ivresse. Mais nous ne ferons pas de cette lutte, le combat de deux camps également nobles et loyaux. Nous revendiquons d’abord ce au nom de quoi l’on nous condamne ! Je suis une mégère ! la mégère sera à l’honneur. Et l’immonde. Et l’innommable sera nommé ! »{CR}7e tableau (16 feuillets). « Chambre d’Irma, mais toute détruite. Faite avec des dentelles en loques. Lustre éteint. Ruines. Le cadavre d’Arthur ». Le tableau met en scène Irma, l’Envoyé et le Chef de la Police ; il commence par la réplique d’Irma : « C’est maintenant que je l’aime. Il est plus vrai que vivant. Il avait du reste besoin de cette consécration. Je veux dire : il la recherchait. Tout en lui se dépêchait vers l’immobilité ». Plus loin, le Chef de la Police « reste seul un moment puis arrive Irma avec l’Évêque en civil) » ; sur la page en regard, note pour un changement de tableau : « Chambre de l’Évêque ». Réplique finale de l’Évêque : « Ornements, mes beaux ornements…. – Discrètement le Chef de la Police sort… ».{CR}8e tableau. L’intérieur du balcon (titre seul).{CR}Provenance : vente Nouveau Drouot, 6 mars 1987 (notice jointe).
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