Lot n° 392

Louis-Ferdinand CÉLINE. 9 L.A.S. « LF » ou « LFC » (une « LFCéline »), [Korsør janvier-février 1950], à son ami l’éditeur Jean-Gabriel Daragnès ; 35 pages in-fol.{CR}Longues lettres avant son procès (21 février).{CR}Le 3...

Estimation : 4000 - 5000
Adjudication : Invendu
Description
[janvier]. « Oh oui mon cher vieux, ça pue. Le Drappier [magistrat] est en train de me fignoler une corde à nœud express, où je serai pendu dans le plus grand silence. Ça ne m’avancera guère hélas de raller après, le mal sera fait, et à mon âge et dans mon état, définitif. […] C’est du procès Dreyfus en Samedi-Soir ? Pas un mot de vrai ! Des énormités burlesques à flatter les chacals ! C’est moi qui ai fait anéantir St Malo imagine ! »… Il parle de ses séjours à Saint-Malo et à Rennes, où sa fille est née… Il y a « surtout haine littéraire » contre lui, notamment de Mauriac, « un “mauvais prêtre” un “rongé pédé qui n’a jamais osé” », et de Mac Orlan, collaborateur de la Continentale… « Il faut quand même un empalé dans la Littérature. Ça sera moi. Après tout le monde respirera ! »…{CR}Le 16 [janvier]. « Eh bien mon vieux ton papier [témoignage à décharge de Daragnès] est joliment admirable je savais que tu étais un sacré artiste mais là tu me fous en statue de quoi faire crever toute la maison de la culture ! et d’un seul jet en bronze ! » Il faut le faire copier et diffuser… « Le malheur c’est que ça va aussi faire grésiller la haine de mes chacals de façon atomique ! Le Drappier il va flancher il va me PoncePilater et d’une façon ou l’autre. La peur des cocos pétrifie les bourgeois et leurs magistrats. Ils sont devant l’Humanité comme le lapin devant le Python. Ils attendent d’être bouffés vifs »…{CR}Le 23 [janvier]. « Il s’agit bien d’une condamnation sur ordre – donc rien à chiquer. […] Je vais recevoir ce Réquisitoire et y répondre […] mais ça ne changera rien. Il se raccrochent à des poils de cul imaginaires de crimes. J’ai mille fois répondu à Seltensperger et il avait conseillé un non lieu. Il a fallu qu’il se désiste… Les youtrons engagés, les industriels de l’Épuration ne me lâcheront jamais. Enfin on peut essayer de les emmerder c’est tout »…{CR}Le 30 [janvier]. « La campagne d’infamies donne à plein ! Tous les chacals sont aux abois ! » Réaction à un article de Roger Vailland, qui déplore « de ne m’avoir point abattu dans mon escalier – sans autre forme de procès – de sa justice à lui, au-dessus des Lois. Il se promet de faire mieux la prochaine fois. Il l’écrit. C’est de la Provocation au meurtre »… Il dément le témoignage de Vailland, n’ayant jamais reçu chez lui les journalistes (Laubreaux, Brasillach, Cousteau…) de Je suis partout…{CR}Le 4 [février]. « Ton plan de déposition me paraît excellent mais peut-être un peu idéologique – veux-tu ajouter que je suis un patriote français pacifiste. Que la guerre pour moi est la plus horrible des catastrophes. Que je pensais que les juifs, certains publicistes juifs, nous lançaient dans la guerre, et que j’ai réagi à ma manière, outrancière, burlesque – mais je n’ai jamais empêché personne de me répondre de la même encre que je déconnais. Je n’écris pas d’Évangile ! Je n’ai réclamé la mort d’aucun juif – j’ai demandé à ce qu’ils tempèrent leur hystérie et ne nous lancent pas dans une guerre que je jugeais perdue d’avance, et qui serait pour la France l’anéantissement final. […] Ai-je deux Patries comme les Juifs ? […] Je ne m’occupe que la France Patriote Patriote Patriote pacifiste français – C’est tout absolument tout. Je me foutais d’Hitler comme de Blum. […] Je suis du Pays de Couperin, de Vallès – pas du tout germanisant oh la la l’horreur !»… Etc.{CR}Vendredi 10 [février]. Il va rectifier sa défense selon les indications de Me Naud, et faire établir un certificat médical. Il donne des précisions sur son travail au dispensaire de Bezons, corvée éreintante et mal payée ; il n’a jamais voulu prendre la place du Dr Hogarth, c’est ce dernier qui voulait partir…{CR}Le 11 [février]. Il faut absolument que Lemaître vienne témoigner qu’il « m’a vu et écouté insulté des médecins collaborateurs »…{CR}Le 14 [février]. « La marmite est en train de bouillir où l’on va me précipiter le 21. Tous les “Ingrats d’Hitler” qui ne seraient rien, qui n’auraient jamais rien été, sans la venue de ce fou walkhérien, les bâtisseurs, fournisseurs, les 20 millions de collaborateurs réels ceux-là, peu ou prou, cul terreux à lessiveuses, préfets de la Résistance et autres Farges Vercors et consorts, il la leur faut ma carne ma dépouille pour faire passer la monstrueuse muscade : d’eux rien du tout petits merdeux devenus par la grâce d’Hitler, d’immenses héros, artistissimes patriotissimes ! »… Etc.{CR}Le 16 [février]. « De quoi s’agit-il en définitive ? de savoir si j’ai collaboré ? Il ne faut pas se laisser entraîner dans les arabesques du bafouillage toujours tendancieux ». Il faut s’en tenir aux faits. « Comment pouvais-je collaborer ? – En engageant à la LVF […] – En écrivant dans la presse occupée, dans la presse allemande, en parlant la radio – ou en conférence. – En livrant des patriotes, des réseaux, des juifs ? Ai-je fait rien de tout ceci ? NON […] Ai-je collaboré ? Non Non Non 36000 tribunaux, couchés, debout, à genoux – n’y changeront rien »…
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