Lot n° 335

Antonin ARTAUD (1896-1948). L.A.S., Rodez 20 septembre 1943, au Président Pierre Laval ; 6 pages in-4.{CR}Extraordinaire lettre où Artaud raconte son voyage en Irlande et son internement. [La lettre n’a pas été envoyée ; elle fut...

Estimation : 1500 - 2000
Adjudication : 2 340 €
Description
interceptée par le Dr Gaston Ferdière.]{CR}Artaud veut rappeler au Président Laval « le souvenir de notre ancienne amitié [...] les sept ans qui ont précédé mon départ en Irlande qui a été le véritable début de mes épreuves ici-bas. Vous êtes venu me voir pour la première fois en voiture avec José Laval, au printemps de 1930, 178 quai d’Auteuil à Paris où j’habitais avec ma mère et vous êtes revenu à une représentation des Cenci au mois de mai 1935 » ; et Laval avait invité Artaud à dîner en 1930... « vous savez que dans toutes les circonstances publiques graves où vous avez eu à faire appel à moi je me suis toujours appliqué à vous porter mon aide dans toute la mesure de mes possibilités et de mes moyens »...{CR}Artaud parle de la Prophétie de Saint Patrick, et rappelle à Laval qu’ils s’étaient trouvés d’accord « sur un certain nombre de points sacrés éminents de la Religion chrétienne [...] Vous savez que, depuis, la Canne de Saint Patrick qui avait été volée en Irlande à la fin du siècle dernier, est venue entre mes mains, et vous connaissez tous les efforts que j’ai faits pour la faire revenir à Dublin à ses légitimes possesseurs. Je ne sais pas pourquoi les Polices Françaises et Anglaises se sont émues de cette action de restitution qui ne concerne que de bien loin les choses humaines et où je ne me suis jamais écarté du principe qui veut que soit rendu à Cesar ce qui est à Cesar et à Dieu ce qui est à Dieu ». Il a vu au Musée de Dublin « l’Émeraude Mystique fameuse dénommée “Le Saint Graal” [...] je suis revenu à Dublin à la pratique de la Religion Catholique [...] c’est à ce moment là (septembre 1937) que mes épreuves ont commencé. J’ai été déporté d’Irlande comme indésirable après avoir passé six jours à la Prison de Dublin comme indigent [...] sur le bateau au retour des Agents de la Sureté Nationale ont cherché à se debarasser de moi [...] j’ai été interné à mon arrivée en France [...] voilà six ans que mon internement dure. – Et vraiment je ne crois pas avoir jamais été affecté par l’ombre d’un dérangement cérébral. Mais voilà six ans que je souffre de la privation de la liberté. J’ai passé par Rouen, cinq mois, Sainte Anne une année et Ville Evrard trois ans et demi. Je me trouve maintenant à l’Asile de Rodez Hôpital Psychiatrique [...] où un ami qui le dirige le Docteur Ferdières, qui m’avait connu à Paris au temps où je faisais de la littérature, et qui est l’ami de certains de mes amis des Lettres entre autres Robert Desnos, m’a fait réclamer. [...] je suis dans un milieu d’amis ; mais je suis toujours interné. Les circonstances bien sûr sont difficiles, pour tout le monde, en ce moment — et vous êtes harcelé de soucis ; mais sans doute considérerez vous que cet internement n’est pas juste, et que je pourrai être beaucoup plus utile à ce pays, dehors, et libre, que dans un Asile d’Aliénés. Ces six ans d’internement ont achevé de me détacher et de m’éloigner du monde et je n’ai plus l’intention que de finir mes jours dans la prière et dans un cloître, à moins que vous ne jugiez bon de faire appel à moi »...{CR}Nouveaux écrits de Rodez (Gallimard, 1977), p. 125.
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