Lot n° 318

Louis ARAGON (1897-1982). Manuscrit autographe, signé en tête, Aragon vous parle de lui-même, [1959] ; 6 pages in-4, avec quelques ratures et corrections.{CR}Très beau texte d’Aragon sur sa poésie (publié dans France Nouvelle, hebdomadaire...

Estimation : 1000 - 1500
Adjudication : 1 820 €
Description
du Parti communiste français, le 17 décembre 1959).{CR}« Comment parler de soi quand le monde retentit du bruit des tragédies... et la vie emportée par les eaux de Malpasset, Fréjus sous la pluie implacable, les corps dragués au large de Saint-Raphaël, et ces drames que traduisent les visages pour moi d’Anne Philipe, de Michèle Morgan [...] Justement, la tragédie, André Malraux, dont je n’aimais guère la désinvolture à juger Racine, en a fait son cheval de bataille dans les théâtres nationaux. Le lui reproche qui veut. Je n’ai guère le goût de polémiquer avec lui [...] Je ne saurais lui dénier le sens du tragique, et c’est son affaire sil s’associe à ce genre de comédie-bouffe qui fait des Ministres, de l’Instruction Publique ou de la Culture, des personnages de Flers et Caillavet »...{CR}C’est à propos d’une anthologie de ses poèmes qu’Aragon évoque « ces reflets oubliés, échelonnés le long de ma vie [...] Un poème, c’est daté comme un article [...] aussi comprendra-t-on que, me relisant, je voie, dans le miroir, par dessus mon épaule, un monde que les vers autant que moi-même me montrent, le journal du temps traversé, l’histoire des autres, qui est aussi mon histoire ». Aragon s’attarde sur Feu de joie écrit en 1918 et qui « paraît en même temps que Mont de Piété d’André Breton, marqué de ce divorce volontaire avec le mallarmisme de sa première jeunesse (que je resterai peut-être le seul à aimer contre le poète lui-même), cette science extrême du vers traditionnel, pour se jeter au feu d’un modernisme qui n’est pas encore le surréalisme ». Il évoque la genèse de la « conjuration particulière » du surréalisme autour de la revue Littérature, avec Soupault, Eluard, Tzara venu de Zurich « faire éclater ici la bombe Dada », l’adhésion au Parti Communiste en 1927, et les heurts avec ses amis « sur la conception même de la poésie » ; et Aragon recopie alors un poème de Feu de joie, le Couplet de l’Amant d’Opéra, et s’interroge sur certains poèmes directement liés à l’histoire... « Nous n’aurons été que la circonstance, la trace d’un pas. Peut-être pourtant à qui retrouvera sous nos paroles la vie, derrière les mots le pouls de l’histoire, de notre passage, de notre futilité, sera-t-il possible de déduire et la route parcourue, et le chemin de cet Homme à qui l’on met une majuscule comme une feuille de vigne aux statues, le sens au moins de sa marche, de notre tragédie ».
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