Lot n° 242

Émile ZOLA. 2 manuscrits autographes, Pro Domo mea, et discours, [1881-1897] ; 13 pages et demie in-8 (découpées pour l’impression), et 7 pages petit in-4, le tout monté à fenêtre dans 24 et 7 feuillets de papier vélin, et relié en un...

Estimation : 5000 - 7000
Adjudication : Invendu
Description
volume in-4 maroquin rouge avec triple filet doré d’encadrement sur les plats, dos à 5 nerfs orné, cadre intérieur de maroquin avec dentelle dorée, tranches dorées. (Wallis){CR}Recueil de deux textes : vigoureuse réponse aux attaques contre lui, et hommage à Arsène Houssaye.{CR}Le premier manuscrit se rattache à la campagne d’articles donnés par Zola au Figaro pendant une année, du 20 septembre1880 au 22 septembre 1881, à la demande du directeur Francis Magnard ; ses 53 articles seront recueillis et publiés dans Une campagne, 1880-1881 (G. Charpentier, 1882).{CR}Pro domo mea a été publié à la « une » du Figaro du 18 juillet 1881, en réponse au « Courrier de Paris » d’Albert Wolff dans Le Figaro du 12 juillet, critiquant violemment l’article de Zola sur Alexis et Maupassant, publié la veille.{CR}Le manuscrit est rédigé à l’encre noire sur 14 feuillets de papier bleu très fin, qui ont été découpés au journal pour l’impression ; les trois derniers paragraphes, très brefs, manquent. Il présente quelques ratures et corrections.{CR}Zola commence : « On m’accuse de parler trop souvent de moi. Mais, en vérité, ma position est terrible. Attaqué de toutes parts, et presque toujours d’une façon odieuse, je n’ai naturellement que deux partis à prendre : ne pas répondre, ce que je fais neuf fois sur dix, et passer alors pour un homme écrasé sous des réquisitoires triomphants ; ou répondre, et alors être convaincu d’avoir encombré la presse de ma personnalité vaniteuse ». {CR}Cette fois, il vient d’être brusquement pris à partie par Albert Wolff, pour avoir parlé du jeune romancier Paul Alexis (qui s’était moqué du chroniqueur dans un article). Et Zola s’interroge : « Est-il tolérable qu’un collaborateur tombe sur un autre collaborateur, à propos d’un article où il n’est nullement question de lui, et sous le prétexte qu’on y accorde du talent à un écrivain qu’il déteste ? La réponse est certaine à l’avance. On jouit d’une très grande liberté au Figaro, liberté précieuse dont j’ai peut-être abusé moi-même. Mais jamais je n’ai poussé les choses jusqu’à mettre directement un de mes collaborateurs en cause, à le nommer, à l’interpeller, à fouiller sa conscience, à exiger des explications, à lui donner des conseils. Un rédacteur en chef n’oserait même prendre une pareille attitude. Il ferait venir le rédacteur dans son cabinet et ne rendrait pas le public témoin d’une lessive de famille ». L’article d’Albert Wolff est inacceptable : « Je n’ai aucune explication à fournir à M. Albert Wolff, et je refuse très catégoriquement ses conseils. Je ne lui accorde pas plus le droit d’intervenir dans ce que j’écris ici, que je ne m’arroge celui de contrôler ce qu’il publie à cette place. Il fait sa besogne, je fais la mienne. C’est à notre rédacteur en chef qu’il appartient de s’occuper de ces choses, et c’est le public seul qui doit juger nos articles ». {CR}Zola apprend que ses articles du Figaro blessent souvent Albert Wolff : « Il trouverait que je n’ai pas ses idées, que je le contrecarre, que je ne partage ni ses amitiés ni ses inimitiés. Cela est certainement fâcheux. Mais il ne songe pas à une chose : c’est que, de mon côté, je pourrais exhaler les mêmes plaintes. Pourquoi n’a-t-il pas mes idées ? pourquoi ne respecte-t-il pas mes amis et ne m’aide-t-il pas à vaincre mes ennemis ? » Zola tolère les articles de Wolff « qui vont contre tout ce que je pense et tout ce que j’écris », et Wolff devrait avoir la même patience à son égard… « Le plaisant de l’histoire est que les amis de M. Albert Wolff, journellement, me traînent dans la boue. Est-ce que je lui ai jamais fait une invitation publique à ne plus avoir à imprimer leur nom dans le Figaro ? Est-ce que je me mets en colère, quand il leur trouve beaucoup de talent, moi, qui ne leur en trouve pas du tout ? Non, je lui laisse sa liberté, et je ne me permets que de réclamer la mienne. […] En résumé, nous exprimons ici librement nos idées, nous signons nos articles, et c’est au public seul à prononcer, sans que nous ayons à nous blâmer les uns les autres »... {CR}Zola rappelle que c’est Francis Magnard qui lui a « offert de faire une campagne dans ce journal. Je ne lui ai point caché que je ne partageais pas toutes les opinions du Figaro ; mais je me suis engagé à exprimer les miennes poliment, de façon à ménager de justes susceptibilités […] Je ne suis donc ici que l’hôte d’un moment, auquel on veut bien donner toute liberté de langage, sachant qu’il n’en abusera pas. Quand M. Albert Wolff me conseille de rentrer dans les rangs, il se méprend d’une façon singulière, car je n’ai accepté aucun rang. Je suis en représentation si l’on veut, j’apporte ma note, dont le mérite n’est peut-être que dans le contraste ». {CR}Les attaques d’Albert Wolff viennent s’ajouter au « débordement de commérages odieux, d’histoires bêtes et sales, d’accusations abominables. Et toujours la même ordure, ma maison transformée en tonneau de vidange, tout ce que je touche changé en excrément, mes amis, les miens, tout ce que j’aime noyé dans ce flot de puanteurs »…{CR}Si Zola a accepté de faire une campagne dans le Figaro, c’est pour se « montrer à un grand public, tel que je suis, avec mes partis pris sans doute, avec mes injustices peut-être mais avec le souci de ma dignité et de la dignité des autres »... Et il peut dire au public : « Telles sont mes œuvres, j’ai tâché de me faire connaître, jugez-moi. Sans doute, il est explicable que j’expie certaines de mes franchises. Mais voici ma vie de travail, qui est claire et sans tache. Mon orgueil est un mensonge, ma méchanceté est un mensonge, je ne suis que l’humble soldat du vrai. Quand je me suis trompé, je l’ai fait par passion pour les lettres. Que le public, le public seul, me mette à ma place, et qu’il mette mes adversaires à la leur. J’accepte la décision »…{CR}{CR}Le second manuscrit est celui du discours prononcé par Zola au nom de la Société des Gens de Lettres aux obsèques d’Arsène Houssaye, le 29 février 1896. Le manuscrit, à l’encre noire sur 7 pages, présente quelques ratures et corrections.{CR}Zola souligne d’abord le rôle joué par Houssaye au sein de la Société des Gens de Lettres, dont il fut le président, puis le président honoraire : « on l’aimait comme un aïeul très doux, très accueillant, parfaitement bon pour les petits, toujours prêt à rendre service aux confrères dans la peine ». Il célèbre cette « existence remplie d’un si prodigieux travail, un nombre si considérable d’œuvres infiniment variées […] quelle admirable vie d’homme de lettres, quelle profusion continue de choses heureuses, quel éternel succès dans la grâce et dans le charme ! […] Il aura été un des derniers grands chênes de la forêt romantique, mais un chêne où les vignes folles avaient grimpé, où les roses d’une jeunesse sans fin montaient en guirlandes »… Tous ses livres « célèbrent le bonheur d’aimer, le bonheur d’être beau, de vivre au clair soleil, de chanter la chanson de l’espérance […] Il a touché à tout, avec une égale légèreté, simplement heureux de ses promenades au travers de tous les sujets, cachant le plus possible sa science et son labeur sous l’insouciance voulue de son charme »… Et Zola termine en évoquant la visite que le directeur de L’Artiste avait faite au jeune débutant « pour me demander une étude sur Édouard Manet, le peintre qui triompha plus tard, mais qu’on traitait alors en réprouvé »…{CR}On a monté en tête une L.A.S. à Fernand de Rodays, directeur du Figaro, Médan 22 août 1897 (2 p. in-8) ; Zola recommande un de ses amis d’Italie, le comte Bertolelli, ancien administrateur de la Tribuna, « homme intelligent et sûr », qui pourrait représenter le Figaro en Italie en « bon et dévoué représentant ».
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