Lot n° 136

Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE. L.A., [donjon de Vincennes] 22 mars [1779], à sa femme ; 4 pages in-4 remplies d’une petite écriture serrée.{CR}Longue lettre de prison à sa femme.{CR}Il a écrit une grande lettre à Milli...

Estimation : 2500 - 3000
Adjudication : 3 120 €
Description
Rousset pour lui faire ses adieux ; mais il faut « arretter ce projet ridicule. Au reste il me fait bien voir combien ma detention doit etre encor longue, car si ce n’etoit que l’affaire de quelques mois elle me tiendroit la parole quelle m’avait donnée de m’attendre »… Si elle part vraiment, « je serai dans un grand désespoir de toute façon, et faché de la perdre, et bien sur alors, que mes malheurs n’ont point de terme ». {CR}Il se réjouit que sa femme engraisse et que son régime lui fasse du bien ; il l’adoptera quand il sera dehors…{CR}Le Noir ne lui a point fait augmenter ses promenades ; il joue donc la comédie à sa femme : « En attendant demande toujours cette troisième promenade que je désire plus que jamais vu que voila le moment d’en jouir ; mais tache qu’elle me soit accordée dans l’après-midi car elles ne me font vraiment de bien qu’alors »... {CR}Il raille les vers de Paillet, amoureux de Sainte Rousset… Il interprète des « signaux » envoyés par Rousset, comme un almanach d’« étrennes mignonnes avec augmentations », et « la petite glace fracassée en mil morceaux ce qui sans contredit veut dire très affirmativement que l’année ne sera pas heureuse pour moi, n’y ayant rien de si malheureux que les glaces cassées »... Quant au reste, il ne sait pas lire la lettre de Milli Rousset, avec ses « marques, les points, virgules, lignes », etc., dont elle farcit ses lettres… « La vérité J’aime beaucoup qu’elle ose me soutenir qu’elle m’a dit la vérité la sait-on la vérité que je demande, elle est courte, elle est brève, il est inutile de la noyer dans un fatras de rabachaches de l’autre monde, il faut m’écrire dans une seule ligne Vous sortires le — du mois de — année — à — heures du matin ou du soir. C’est bien court comme tu vois ce que je demande, et il n’y avoit pas besoin de tant tortiller pour me le dire »…{CR}On a dit à Gothon de lui écrire tous les mois ; elle risque de comprendre qu’il sera encore détenu longtemps, et alors « elle ne sera plus dans cette illusion où je vous ai dit quil était necessaire de la tenir, afin que croyant nous voir arriver à chaque instant, elle tienne le chateau toujours en état et ne fasse surtout point de vers à soiye »….{CR}Il parle encore des « pièces d’estomac », dont il est pourvu pour encore 21 mois… « Quand je me rappellerai le temps de mes souffrances, je pourrai dire que vous avez bien rempli vos devoirs envers moi, et que j’ai reçu de vous de grandes consolations. Je scai bien que vous allez me dire à cela que je n’ai pas le sens commun, que je me tourne le sang en pure perte et que je vois toujours tout à mon desavantage ». Cela fait deux ans, deux ans de souffrances, qu’on lui dit la même chose ; et il se juge « plus reculé que je n’étois les premiers mois... Et vous croyies que je le pardonnerai à ceux qui ont imaginé cet espèce de supplice la contre moi… Je m’y mangerais l’âme plutost que de ne pas m’en venger... Je prouverai à ces indignes monstres, à ces execrables bêtes que l’enfer a vomi pour le malheur des autres que je ne suis pas leur jouet, et que si j’ai eu l’infortune de l’être quelques temps, ils pourront bien un jour devenir aussi les miens (quelquils soient). »{CR}Il ne veut plus de vin muscat : « On desire vingt fois par jour avec une violence singulière toute sorte de choses, et l’instant d’après sans se les être procurées… on en a un degout horrible »… {CR}Il parle encore du docteur et de sa fille, d’une duchesse, et de la Martignan, « une gueuse, en grande partie cause de mon affaire et qui a voulu se venger de ce que je n’ai pas voulu d’elle dans mes premiers voiyages de Provence. Elle est grimacière, petite et l’air commun au lieu que la duchesse, avec un caractère très aimable, a une phisionomie très noble et l’air de Minerve »… Il évoque aussi la visite d’un avocat, « sombre animal », à figure ingrate ; demande des livres et des petites bougies ; parle du père de la marquise. Et il termine en parlant d’un portrait fait par Mili Rousset : « Elle fait tout ce qu’elle veut de ses cinq doigts il n’y a qu’une chose que je voulois lui faire faire à La Coste, de ces mêmes doigts là et qu’elle n’a jamais voulu faire... Eh ! bien vous voila til pas Mesdames. Vous allez entendre une poliçonerie et cest la chose du monde la plus simple je le dirais à la Ste Vierge elle meme si elle me le demandoit tant c’est simple et honète. […] je garderai toute ma vie ce portrait […] on ne doit pas partir quand on aime les gens au point de s’amuser à tracer leur portrait. Dis lui encor que quelque bien qu’il soit j’aime à croire qu’il auroit encore été plus ressemblant si elle n’eut pas travaillé sur le tableau attendu que je suis sur qu’il existe en elle meme un petit endroit où je suis plus frappant que sur la toile de Van Loo... Mais si elle part je ne la revois de ma vie. […] A l’égard de toi ma petite poularde je t’embrasse sur... et puis sur... et puis sur... »{CR}Et il date : « Ce 22 mars ayant encor onze mois à souffrir ».{CR}Correspondance (Lély), XCVIII.
Partager