Lot n° 116
Sélection Bibliorare

VOLTAIRE (1694-1778). L.A., Lausanne 29 janvier [1758], à D’alembert ; 4 pages in-4.{CR}Magnifique lettre sur sa collaboration à l’Encyclopédie, et sur l’affaire de l’article Genève.{CR}« Je reçois mon cher philosophe, votre lettre...

Estimation : 10000 - 12000
Adjudication : 23 400 €
Description
du 11. Je vous dirai dabord que je viens de lire votre article géométrie. Quoyque je sois un peu rouillé sur ces matieres, jay eu un plaisir tres vif, et jay admiré les vues fines et profondes que vous répandez partout ».{CR}Il a envoyé les articles Hémistiche et Heureux : « Hemistiche n’est pas une commission bien brillante. Cependant en ornant un peu la matiere j’en aurai peutetre fait un article utile pour les gens de lettres et pour les amateurs. Rien n’est a dedaigner, et je ferai le mot Virgule, quand vous le voudrez. Je vous répete que je mettray toujours avec grand plaisir des grains de sable à votre piramide. Mais ne l’abandonnez donc pas, ne faittes donc pas ce que vos ridicules ennemis voulaient ; ne leur donnez donc pas cet impertinent triomphe.{CR}Il y a quarante ans et plus que je fais le malheureux métier d’homme de lettres ; et il y a quarante ans que je suis accablé d’ennemis. Je ferais une biblioteque des injures quon a vomies contre moy, et des calomnies qu’on a prodiguées. J’étais seul, sans aucun partisan, sans aucun appuy, et livré aux bêtes comme un premier cretien. C’est ainsi que j’ay passé ma vie à Paris. Vous n’etes pas assurément dans cette situation cruelle et avilissante qui a eté lunique recompense de mes travaux. Vous etes des deux académies pensionné du Roy. Ce grand ouvrage de l’Enciclopedie auquel la nation doit s’interesser, vous est commun avec une douzaine d’hommes supérieurs qui doivent s’unir, a vous ». Ils doivent s’adresser tous en corps à Malesherbes : « que ne prescrivez-vous les conditions ? On a besoin de votre ouvrage. Il est devenu nécessaire. Il faudra bien quon vous facilite les moyens de le continuer avec honneur, et sans dégoust. La gloire de M. de Malzerbe y est interessée. On doit vous supplier d’achever un ouvrage qui doit toujours se perfectioner, et qui devient meilleur a mesure qu’il avance.{CR}Je ne conçois pas comment tous ceux qui travaillent ne s’assemblent pas, et ne déclarent pas quils renonceront a tout si on ne les soutient. Mais apres la promesse d’etre soutenus il faut qu’ils travaillent. Faites un corps messieurs. Un corps est toujours respectable. Je scais bien que ny Ciceron ny Loke n’ont eté obligez de soumettre leurs ouvrages aux commis de la douane des pensées. Je scais qu’il est honteux quune société desprits superieurs qui travaille pour le bien du genre humain soit assujetie a des censeurs indignes de vous lire. Mais ne pouvez vous pas choisir quelques reviseurs raisonables ? » Malesherbes pourrait aider à les choisir. « Ameutez vous, et vous serez les maitres. Je vous parle en républicain, mais aussi il sagit de la république des lettres ! O la pauvre republique ! »{CR}Puis il en vient aux remous causés par l’article Genève (rédigé par d’Alembert) : « Un ministre me mande qu’on vous doit des remerciments […] d’autres se fachent, d’autres font semblant d’etre fachez. Quelques uns excitent le peuple, quelques autres veulent exciter les magistrats ». Voltaire signale qu’une commission a été établie à ce sujet, où le théologien Vernet et le grand médecin Tronchin semblent favorables. « Vous n’ignorez pas combien on a crié sur l’ame atroce de Calvin, mot qui n’était pas dans ma lettre à Tiriot », très fautivement imprimée dans le Mercure galant. « J’ay une maison dans le voisinage qui me coute plus de cent mille francs aujourdui, on n’a point démoli ma maison. Je me suis contenté de dire a mes amis que l’ame atroce avait eté en effet dans Calvin, et n’était point dans ma lettre. Les magistrats et les pretres sont venus diner chez moy comme a l’ordinaire. Continuez a me laisser avec Tronchin le soin de la plaisante affaire des Sociniens de Geneve. Vous les reconnaissez pour cretiens ; comme Mr Chicaneau reconnait Me de Pimbeche pour femme tres sensée et de bon jugement. Il suffit. Je suis seulement tres faché que deux ou trois lignes vous empêchent de revenir chez nous. Je vous embrasse tendrement ».{CR}Et il ajoute : « Permettez moy seulement les politesses avec ces sociniens honteux. Ce nest pas le tout de se moquer d’eux il faut encore etre poli. Moquez vous de tout et soyez gai ».
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