Lot n° 56

Jacques BENOIST-MÉCHIN (1901-1983). 229 lettres, la plupart L.A.S., dont 13 cartes postales a.s., et 51 L.S. (la plupart avec ajouts autographes), 1948-1979, à Janine Duclos ; environ 380 pages in-4 ou in-8, quelques enveloppes, plus 2...

Estimation : 5 000  -  7 000 
Adjudication : Invendu
Description
télégrammes et quelques pièces jointes, le tout monté sur onglets et relié en 2 volumes in-4 maroquin janséniste bleu marine, doublures du même maroquin avec filet doré d’encadrement, gardes de moire bleu foncé, étuis (Georges Cretté).{CR}Importante et très intéressante correspondance à une amie dévouée, notamment pendant sa détention, complétée par les réponses de sa correspondante.{CR}La première lettre (Fresnes 27 décembre 1948) est adressée par Benoist-Méchin à sa « marraine » ; les suivantes, après son transfert à Clairvaux, et quasi hebdomadaires, à partir du 15 septembre 1949, sont destinées à sa « chère Janine », qui se démène pour adoucir le sort du prisonnier, par de nombreux envois (notamment de vivres et de livres) et des démarches, quelques lettres sont adressées à la chatte Sylvestre. Le prisonnier y parle beaucoup de sa mère, de sa vie monotone en prison, de sa santé qui se dégrade, de ses lectures : La Peste, Koestler « un farceur », Huxley « un pédant », Malaparte « une ordure », Zola, Fabre-Luce, le Rommel de Desmond Young, Vacher de Lapouge, les Poèmes de Brasillach (qu’il a vus naître à Fresnes : « Robert me les passait jour après jour sous la fente de ma porte »), les poèmes chinois de Mao Tse Tung (« incontestablement un grand poète »), Bertrand de Born, Verhaeren, Anne Green, Gaxotte, Marg. Yourcenar, Drieu la Rochelle, Von Papen, Ernst Jünger (« un dégoûté », « un esthète et un snob »), Blondin, Apollinaire, etc. Il évoque aussi son travail d’écrivain sur « le Loup » (Mustapha Kemal), son projet d’ouvrage anthologique pour « montrer comment, à travers les siècles, la guerre s’est reflétée dans l’âme des peuples, et comment l’âme des peuples s’est révélée à travers leur conception de la guerre »… La politique est aussi évoquée : « Bien sûr que la Monarchie est le meilleur système. Mais on n’y reviendra qu’à travers la Dictature. (La République est certainement le plus mauvais). J’ai bien des idées là-dessus »…{CR}Une longue lettre de 8 grandes pages, le 3 mars 1950, est consacrée à la note qu’il a rédigée, « en vue d’une démarche à l’Élysée, tendant à une diminution de ma peine. […] Je m’en suis tenu à un exposé des faits survenus (ou éclairés) depuis la date de ma condamnation. C’est la seule façon dont je puisse procéder, puisque je ne peux, ni ne veux 1°) renier quoi que ce soit de ce que j’ai fait. 2°) implorer la pitié de qui que ce soit. Ma politique, bonne ou mauvaise, a été ce qu’elle a été. Elle est aussi ce que les gens, plus ou moins bien informés, en pensent. Je ne puis rien changer ni à l’un, ni à l’autre. En définitive, le débat se ramène à ceci : les gens qui m’ont condamné l’ont jugée criminelle, et ils détenaient la force d’imposer leur point de vue. D’autres hommes, à leur place m’auraient peut-être félicité, je n’en sais rien. Ce n’est pas une question de vérité, mais de rapports de forces. C’est en ce sens, que c’est une affaire politique. […] Cette démarche est grave, car beaucoup de choses en dépendent. Il ne faut pas qu’elle rate. Un premier recours a déjà été repoussé. Si un second l’était aussi, ce serait très fâcheux, car cela remettrait ma sortie de prison à une date si lointaine, que je ne veux même pas y penser »... Il expose en détail la façon d’agir, les personnalités qui auront à intervenir, dont le Président Vincent Auriol, socialiste ; et il compte sur Janine pour prendre « en mains la direction d’une opération délicate, dont dépend ma liberté, ma possibilité de vous connaître enfin et de mettre un terme aux épreuves de ma mère, c’est-à-dire toutes les raisons qui font que je voudrais sortir d’ici »… Dans les lettres suivantes, il suit et commente l’avancement des démarches, en se désespérant souvent : « Et 49 ans aujourd’hui ! Quelle horreur ! “Qu’as-tu fait de ta jeunesse, ô toi que voilà…” Le temps passe à une vitesse étourdissante. Je sortirai d’ici tout blanc, dans un fauteuil à roulettes, et gâteux » (1er juillet 1950)…{CR}Le 22 septembre 1950, il écrit : « J’entre, aujourd’hui même, dans ma septième année de détention, ayant été arrêté le 22 septembre 1944. Cela fait une coupe sombre dans la vie d’un homme. Moins sombre évidemment, que le poteau. Mais tout de même »… Et il accompagne sa lettre d’une Note confidentielle de 5 pages pour « sortir d’ici », examinant la voie légale, avec les démarches en cours, puis la voie illégale, au cas où les Communistes prendraient le pouvoir et où les Russes marcheraient vers l’ouest, Clairvaux se trouvant entre les Russes et Paris, demandant à Janine de fournir des motos pour organiser son évasion et sa fuite… Le 28 décembre, il apprend l’échec des démarches, en la réussite desquelles il n’avait pas cru ; il faudrait pour cela une nouvelle Chambre, un nouveau gouvernement, le départ de certains magistrats : « il ne reste plus pour la Haute Cour, que le Maréchal, l’amiral de Laborde et moi »…{CR}En janvier 1951, il est question d’une intervention en sa faveur du général Juin, appuyé par Eisenhower et les Américains … En juin 1951, Janine Duclos obtient l’autorisation (jointe) de visiter le détenu, qui évoque dans ses lettres le souvenir des visites de son amie, et suit par la pensée ses séjours en Bretagne ; il espère que les efforts de Janine vont abréger sa détention… Il la charge de vendre son piano Bechstein, pour venir en aide à sa mère…{CR}En 1952, il est question d’un second recours déposé par Me Aujol. En janvier 1953, sa mauvaise vue perturbe l’historien qui comptait consacrer son hiver « à la mise au point définitive de mes manuscrits – Les 60 jours (qui nécessitent certaines corrections), le Loup et le Léopard, l’Anthologie et le Soleil de Minuit – mais hélas, il me faut absolument y renoncer, non parce que cela me fatigue, mais parce que c’est une impossibilité matérielle. Écrire même, demeure difficile. Songez que je vois à peine ce que je vous écris sur cette feuille… il est vrai que cela a peu d’importance, puisque je vous écris moins avec les yeux qu’avec le cœur »… Le directeur de Clairvaux va mettre en marche son dossier de libération conditionnelle… Le 3 avril, il annonce son départ le 7 pour Troyes ; il va passer devant une commission préfectorale : « un jour, je vous expliquerai ce que c’est que “l’épuration”, et 8 ans 1/2 de détention, et les chaînes, et toute la séquelle. Et vous verrez que c’est tout autre chose que ce que l’on croit en général. Ce n’est pas terrible, physiquement ; mais c’est désespérant moralement, et épuisant pour les nerfs, d’être constamment sous la coupe – mais sous la coupe absolue – de fonctionnaires mesquins, hypocrites, sournois et surtout imbéciles »… Le 5 juin : « Demain, 6 juin, il y a six ans, jour pour jour, en 1947 j’étais condamné à mort. Nous ne nous connaissions pas encore. C’est étrange comme la vie arrive à tisser sa toile, victorieuse de l’absence, des murs, des bourreaux »… Des complications surviennent en juillet, avec une interdiction de séjour prononcée par le préfet du Finistère…{CR}De février à avril 1954, JBM séjourne avec sa mère au château d’Argeronne (Eure), chez la comtesse de Monmort. Il se remet au travail, mettant au point la préface de son Histoire de l’armée allemande, Le Loup et le Léopard, les Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident, Le Soleil de Minuit, etc. En septembre, séjour à Beg Meil (et envoi à Janine de la traduction d’un poème de Walter Scott). Le 18 novembre, il est de retour dans son appartement parisien de l’Avenue de Clichy. Les lettres et les cartes postales donnent désormais des nouvelles de son intense activité littéraire (dictant quand il est trop occupé), de ses voyages (Jérusalem, Égypte, Allemagne, Libye, Maroc, etc.), de sa santé et de celle de sa mère, commente la situation politique en France et dans le monde, etc..{CR}On a relié à la fin du 2e volume 9 L.A.S. de Benoist-Méchin à L. Duclos (père de Janine), du 28 décembre 1950 (à Clairvaux) au 10 novembre 1958.{CR}On joint plus de 500 L.A.S. de Janine DUCLOS à Jacques Benoist-Méchin, du 16 février 1949 au 18 janvier 1980 (montées sur onglets en 5 volumes in-4 reliés toile bise avec pièces de titre), souvent longues (plus de 1 000 pages in-4 ou in-8), qui permettent de rétablir le dialogue.
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