Description
[Berry, Marie-Caroline, duchesse de]
Analyse des pièces saisies à Nantes, le 7 novembre 1832. Manuscrit, seconde partie du XIXe siècle.
99 pages in-folio (310 x 195 mm), couverture manuscrite. Plats souples en pavage de carrés de bois peint en faux bois, dos de veau brun, doublure de nubuck brun, étui (Jean de Gonet, 2010).
Passionnant ensemble de lettres et de documents relatifs à l’arrestation de la duchesse de Berry, à Nantes, le 7 novembre 1832.
Dans une reliure souple "en pavage" de Jean de Gonet.
55 pièces manuscrites, numérotées (lettres décrites ou retranscrites). Des notes marginales identifient les protagonistes qui apparaissent dans le manuscrit sous leur nom de guerre ; certains documents sont signalés comme chiffrés ou écrits à l’encre sympathique. Ce manuscrit de la seconde moitié du XIXe siècle, pourrait être de la main d’Hippolyte Thirria, l’historien scrupuleux qui déchiffra et retranscrit les documents conservés aux Archives nationales et qui écrivit l’une des premières biographies de la duchesse (L. Hillerin, La duchesse de Berry, p. 488, n. 181).
Après avoir tenté un soulèvement légitimiste pour rétablir les Bourbons — et son fils — sur le trône de France, la duchesse de Berry est arrêtée à Nantes, en novembre 1832. Les centaines de lettres et documents alors saisis, dont certains ont été rassemblés ici, permettent de retracer cette épopée. Par leurs lettres, les correspondants encouragent — ou tentent de dissuader — la duchesse dans son entreprise. On comprend les liens qui se tissent à travers l’Europe, d’Italie aux Pays-Bas (roi de Sardaigne, roi des Pays-Bas) sans oublier la propagande menée par l’intermédiaire de la Gazette de France, en faveur de ce soulèvement, son organisation très concrète ou son financement.
Extraits de lettres de personnalités impliquées, notes de la duchesse de Berry, notes sur le comité royaliste (n° 8), sur la situation des corps militaires, (n° 10), divers plans d’action, rapports d’émissaires à l’étrangers, plan (n° 42), etc. Les noms de codes employés par les scripteurs sont parfois révélés (Bernardin pour le comte Mesnard ; Le Petit pour le roi de Sardaigne) ; des lettres chiffrées sont décryptées (n° 47 et 48). Parmi les auteurs des lettres retranscrites, on reconnaît Chateaubriand, la duchesse d’Angoulême, le marquis de Coislin, ainsi que la duchesse de Berry elle-même, le baron Fitz James, le prince d’Orange, Latour-Maubourg, Ferdinand Berthier, Hyde de Neuville, Amédée de Pastoret, etc.
─ Charles X l’engage à renoncer à son entreprise "qui ne peut plus qu’être aussi dangereuse pour elle que funeste pour la bonne cause", avec un extrait de lettre (pièce n° 1). ─ Chateaubriand : "les fidèles amis de Madame […] pensent que la guerre civile est toujours une chose déplorable, mais de plus elle est, dans ce moment-ci, impossible. Les vrais amis de Madame pensent donc qu’elle doit s’éloigner au plutôt" (pièce n° 2). ─ Marquis de Coislin : "M. de Coislin annonce à Madame qu’on l’a trompée sur l’état de la Vendée ; que sans les puissances étrangères on ne pourra rien, qu’il va obéir aux ordres qu’ils a reçus, mais qu’il laisse à d’autres la responsabilité d’événements qui peuvent devenir très graves" (pièce n° 4). Le roi de Sardaigne : "l’entreprise héroïque de la Duchesse de Berry avait donné de l’énergie à tous les cabinets de l’Europe. L’empereur de Russie, en apprenant son arrivée à l’Ouest fit faire aussitôt un mouvement à ses troupes. La prudente Autriche en fut un moment électrisée." (pièce 22). ─ "Quelle femme ! Quel héroïsme ! Quelle page pour l’histoire. Dites à Madame que je lui suis dévoué en tout et pour tout" (pièce n° 23). ─ Le prince d’Orange : "Il admire son courage, mais il est à déplorer, dit-il qu’elle se soit risquée dans une entreprise aussi dangereuse, en se fiant peut-être trop l’élan de son noble cœur. […] notre entrée en Belgique produirait une puissante diversion qui, ainsi que des inquiétudes vers les Pyrénées et les Alpes forceraient le gouvernement actuel en France à diviser ses troupes, dont le nombre ôte à vos partisans les moyens d’agir" (pièce 26). ─ Charles Mesnard : "Une chouannerie quelle qu’elle soit est toujours funeste. Elle se serait surtout dans les circonstances actuelles. L’Usurpateur et les Républicains sont prêts à en venir aux mains." (pièce 39).
Un plan (pièce n° 42) indique l'amarrage d'une barque de pêcheur "à voile rouge" entre Belle-Île, l’île d'Yeu, Noirmoutier et Nantes et la manière dont il faut communiquer "en cas de P.P." (nom de code pour la duchesse de Berry, selon la pièce 43).
Une note sur les principaux membres du Comité Royaliste à Paris dresse un portrait de Chateaubriand : "génie fantasque, plein de contraste, compromis par le passé, rêvant des libertés absurdes, accoutumé à la flatterie et trop plein de la pensée que sa plume seule suffit à relever un trône, comme a pu servir à le renverser. Néanmoins, ses services, s’il veut les engager franchement, pourront selon l’occurrence, être heureusement employés." (pièce n° 8).
En appendice, on trouve une 49e note, rédigée le 9 octobre 1832 par Simon Deutz, l’homme qui, ayant gagné sa confiance, trahit la duchesse auprès des autorités ; il retrace son parcours depuis juillet 1831.
Reliure de Jean de Gonet réalisée pour Hubert Guerrand-Hermès (lettre du 14 avril 2010 au collectionneur jointe), dans le style développé à partir de l’année 2000, celui des "reliures en pavage". "À partir de 2007, leur nombre dépasse celui de ses créations les plus élaborées. On en compte une vingtaine en l’espace de quatre ans, de préférence sur des manuscrits ou des livres minces, plutôt larges, voir oblongs, pour que la souplesse des plats en soit plus sensible. Toutes également […] sont réalisées en bois ou en médium." (Jean de Gonet relieur, BNF, 2013, p. 268 ; pour d’autres reliures en pavage, voir cat. n° 121-124). Non sans humour, le relieur a peint sur le bois même, un motif de faux bois.
[On joint :]
BEAUCHESNE, Alcide, vicomte de. ─ Vue de la chambre et cachette de S.A.R. Mme la Duchesse de Berry, chez Mlles Duguigny, à Nantes. 29 août 1838. Dessin original, avec annotations, encre brune (162 x 200 mm), monté au format A4. Le croquis montre la disposition de la pièce, indiquant la position de la cheminée, de la table et des portes ; l’auteur a indiqué la couleur du décor mural l’emplacement des papiers peints "papier dont [il a] l’échantillon". — Dessin de la plaque de cheminée de la pièce. 7 juillet 1864. Encre, lavis d’encre (104 x 137 mm), monogrammé AB. — Deux fragments du papier peint de la pièce où se cacha la duchesse pendant plusieurs heures, l’un avec une annotation au verso identifiant le papier. On reconnaît la bordure jaune dont le plan supra fait mention. Provenance : vicomte Alcide de Beauchesne (vente 4 mars 2015, n° 233 et 234).
GUIBOURG, Achille. Relation fidèle et détaillée de l'arrestation de S.A.R. Madame, duchesse de Berry. Nantes, Merson, 1832. In-8. Demi-chagrin bleu à coins, dos lisse (Reliure de l’époque). Dos passé, nombreuses rousseurs, déchirure à la planche. Édition originale, illustrée d’une lithographie représentant la cachette de la duchesse.
ANNE, Théodore. La Prisonnière de Blaye. Paris, Charpentier, 1832. In-12. Veau olive de l'époque, roulette dorée en encadrement, armes dorées, dos orné d’un semé de fleurs de lys, tranches dorées (Danzanvilliers). Édition originale. Frontispice sur Chine et vignette sur le titre de Tony Johannot, gravés par Porret. Provenance : duchesse de Berry (armes). — F. et Gastambide (ex-libris).
MOREL, Ignace-Xavier. La Vérité sur l'arrestation de Madame duchesse de Berry. Paris, Levasseur, 1836 [Méquignon, 1837 sur la couverture]. Broché, à toutes marges. Exemplaire portant des corrections, probablement de la main de l’auteur, dans les marges et dans les notes, peut-être en vue d’une réédition.