STENDHAL. Histoire de la peinture en Italie par M. Beyle, ex-auditeur au Conseil d'État. Paris, P. Didot l'aîné, 1817. 2 vol. in-8, demi-basane fauve, dos lisse orné en long, tranches marbrées (Reliure de l'époque).
Édition originale. Un des rares exemplaires avec le nom de l'auteur sur le titre, enrichi d'un envoi autographe de Stendhal, dans une plaisante reliure de l'époque. Six années furent nécessaires à Stendhal, de 1811 à 1817, pour composer ce manuel d'histoire de l'art italien. Véritable manifeste du Beau moderne, ce traité est en fait une partie du projet initial : du catalogue exhaustif imaginé aux débuts, Stendhal, qui perdit son manuscrit d'origine, cible finalement l'École de Florence en présentant les œuvres de Vinci, Michel-Ange… L'édition contient (tome II) pour la première fois la fameuse épigraphe "To the happy few", que Stendhal fera également figurer à la fin des Promenades dans Rome, du Rouge et Noir et de La Chartreuse de Parme. Rare exemplaire de seconde émission, avec le nom de Beyle sur la page de titre - alors que la première émission de ce titre cache le nom d'auteur derrière l'acrostiche "M.B.A.A." : "Monsieur Beyle Ancien Auditeur". Stendhal préféra l'anonymat car cet ouvrage livre quelques thèses tendancieuses : son ami Louis Crozet, qui avait pour mission de corriger et faire imprimer l'ouvrage, "dut d'abord discuter les idées du livre avec l'auteur ; il ne lui ménagea pas ses avertissements et il s'évertua en particulier à lui faire adoucir certaines théories, certains passages dangereux qui pouvaient être signalés tant en France à la police sourcilleuse de la Restauration, qu'en Italie au sévère gouvernement autrichien. Ces craintes n'étaient pas vaines et quand en 1828 Stendhal sera expulsé de Milan, ce sera en grande partie pour avoir écrit cet ouvrage, qui plus tard l'empêchera encore d'être accrédité comme consul à Trieste. […] Sa seule précaution, en réalité, fut de ne pas signer ce livre." (Martineau, L'Œuvre de Stendhal, Le Divan, 1945, p. 121-122). Ces quelques exemplaires avec le nom de Beyle ont été réalisés en 1820, et datés 1817. Ce sont aussi les seuls volumes publiés du vivant de l'auteur à porter le nom "Beyle". Ces exemplaires de seconde émission ont également pour caractéristique de ne plus porter le chiffre de l'éditeur, et l'épigraphe des Caraches a été remplacée par des vers du Monti de Manfredi. On ne connaît que 7 exemplaires de cette seconde émission : - Jules Guillemin, avec une note autographe bibliographique destinée à M. Stritch (première mention en 1875, cf. Cordier, Bibl. st., 18-1, p. 35) ; - Mérimée (décrit Vicaire d'après la vente de 1891, et Cordier, Bibl. st., 18-1, p. 33) ; - Heilbrun (Catalogue n° 4, mars 1952, n° 1026) ; - Deux exemplaires de la bibliothèque de Stendhal : celui de Jacques Guérin (20 mars 1985, n° 101 ; ensuite dans la Bibliothèque Jaime Ortiz-Patino, II, 2 décembre 1998, n° 67) et celui du Colonel Sickles (I, 20-21 avril 1989, n° 196). - Louis de Potter (4 juillet 2023, lot 81). - Comte Kosakowski, le présent exemplaire. De plus, cet exemplaire de choix est un des trois connus avec envoi (avec celui de Mérimée et celui de Louis de Potter). Stendhal écrivit cet envoi autographe au comte Kosakowsky, sur les pages de titre des deux volumes : "À Monsieur le Comte Kosakowsky Secrétaire de la Légation Russe à Rome". Le comte Kosakowsky fréquentait les événements mondains romains ; peut-être rencontra-t-il Stendhal dans le célèbre salon littéraire de Cornelia Martinetti, à Rome (on connaît un exemplaire de cette Histoire de la peinture, avec un envoi à la comtesse Martinetti - Christies, Collection Alfred Cortot, 2019, n° 219). Le comte Kosakowsky est évoqué par E.J. Delécluze dans ses Impressions romaines, et Prosper Duvergier de Hauranne le cite dans une lettre à Stendhal le 14 juin 1824 : "nous sommes arrivés dans la Ville éternelle sans le moindre petit accident […]. Après plusieurs fluctuations, la Martinetti et Kosakowski qu'on avait cru au moment de se séparer se sont accrochés de nouveau l'un à l'autre et ils forment le soir avec la Gabrielli et Mgr Marini une partie carrée, qui au nombre de ses péchés ne compte pas au moins la dissimulation. Tout le monde au reste dans cette maison nous a beaucoup demandé de vos nouvelles, et l'ouvrage Sur l'amour y est attendu avec impatience par l'auteur d'Amélie [publié par Cornelia Martinetti en 1823 à Rome]." (Stendhal, Correspondance, p. 785.). Exemplaire complet des cartons signalés par Cordier (p. 209-210, 211-212 et 212 bis-212 ter du t. I et p. 21.22-23.24 du t. II), des 3 feuillets d'errata (2 ff.n.ch. au t. I et 1 f.n.ch. au t. II), reliés en fin des volumes, et qui manquent très souvent. Annotations bibliographiques du XIXe s. sur une garde tome I. Ex-libris gravé Julien Bogousslavsky. Cordier, 18-1.