Lot n° 10

LIVRE D’HEURES (usage de Rome). — En latin et en français, manuscrit enluminé sur parchemin. — France, Lyon, vers 1510. — Avec 5 grandes et 5 petites miniatures attribuables au Maître de l’Entrée de François Ier (Entry Master) et son...

Estimation : 15 000 - 18 000 €
Adjudication : 19 200 €
Description
entourage. — 214 ff., précédés et suivis de 2 feuillets de garde, deux feuillets lacunaires [collation: i12 ii7 (8-1, manque i), iii- xxiii8 xxiv7 (8-1, manque viii), xxv-xxvi8 xxvii4], écriture bâtarde à l’encre brune, 18 lignes par page, réglure à l’encre rouge pale (justification: 82x46 mm), quelques réclames en fin de cahiers, rubriques en bleu et en rouge, certaines capitales rehaussées de jaune, initiales ornées tracées en bleu avec rehauts blancs décorés de fleurs sur des fonds rose et or (3 à 6 lignes de hauteur), initiales peintes à l’or liquide sur fonds bleu ou rose foncé avec un décor floral ou végétal (1 à 2 lignes de hauteur), bout-de-lignes à l’or liquide sur fonds bleu ou rose, bordures enluminées dans les marges extérieures de certains feuillets avec motifs géométriques sur fonds réservés et fonds dorés avec fleurs, fruits, oiseaux et feuilles d’acanthe de couleur bleue, rouge et or, grandes miniatures inscrites dans des encadrements architecturés à colonnade avec putti, une petite miniature inscrite dans un encadrement à colonnes (fol. 185), cinq petites miniatures et cinq grandes miniatures.
Reliure du XVIIIe siècle, maroquin rouge à décor doré, dos à 5 nerfs cloisonné et fleuronné (fer figurant une couronne répétée au dos), encadrement de double filets dorés sur les plats avec fleurons aux angles intérieurs, armoiries dorées poussées au centre des plats (Charles de Baschi, marquis d’Aubaïs), gardes de papier décoré (camaïeu d’or sur fond mauve), tranches dorées.
Quelques restaurations à la reliure au XIXe siècle (?). – Quelques taches au parchemin, quelques défauts de peintures dans certaines marges, sinon en très bon état de conservation.
Dimensions des feuillets: 143x84 mm; dimensions de la reliure: 150x97 mm

Ce manuscrit offre un bel exemple d’enluminure tournée pour partie vers le XVe siècle avec des compositions classiques et soignées, mais aussi vers une nouvelle esthétique Renaissance avec des encadrements architecturés et des initiales ornées qui annoncent les décors du XVIe siècle.. L’artiste lyonnais, baptisé “Maître de l’Entrée de François Ier”, qui peint les présentes Heures est l’un des deux artistes importants qui domina le marché du manuscrit enluminé à Lyon entre 1500 et 1520.. Il figura un temps dans la prestigieuse collection de Charles de Baschi, marquis d’Aubaïs dont on connait le goût pour les ouvrages historiques et artistiques de provenance méridionale.

Provenance:
1 - Manuscrit copié et enluminé à Lyon par le Maître de l’Entrée de François Ier [Entry Master d’Elisabeth Burin, Manuscript Illumination in Lyon 1473-1530, Turnhout, 2001] ou un artiste de son entourage immédiat. Ce manuscrit renferme un calendrier dit “composite” parisien avec peu de saints honorés localement ou associés à une région donnée. Les Heures de la Vierge et l’Office des morts sont à l’usage “universel” de Rome. C’est donc sur des bases stylistiques que ce manuscrit peut être rattaché à la région lyonnaise ou fut-il peint à Lyon pour un commanditaire du sud de la France.
2 - Charles Baschi (1686-1777), marquis d’Aubaïs et baron du Cayla, reliure à ses armes (D’argent à une fasce de sable) et ex-libris armorié contrecollé sur le contreplat supérieur (Écartelé: au 1, d’or à six fleurs-de-lis d’azur, 3, 2 et 1, au 2, d’or à un ours de sable, armé et lampassé de gueules, ayant un baudrier du même, auquel pend une épée d’argent, au 3, parti: de gueules plain et un écusson d’argent au chef de sable posé en abisme, et fascé d’or et de gueules, au 4, d’azur, à deux jumelles d’or, acc. de six besants d’argent 3 et 3, sur le tout d’argent, à une fasce de sable; voir OHR, pl. 452.2 [Olivier, E., Hermal, G., and de Roton, R.Manuel de l’amateur de reliures armoriées françaises]). Important bibliophile, Charles de Baschi fut historien et collectionneur, de souche huguenote mais le premier catholique de sa lignée. Il rassembla une importante collection d’imprimés mais aussi de manuscrits et s’est fourni chez plusieurs libraires lyonnais. Il composa lui-même de nombreux travaux, plusieurs restés sous forme manuscrite, d’autre publiés comme ses Pièces fugitives pour server à l’histoire de France (Paris, 1759). Charles de Baschi fut un membre de plusieurs académies dont celle de Nîmes et Marseille. Voir H. Omont, «La bibliothèque du Marquis d’Aubais», Bibliothèque de l’école des chartes, vol.76, 1915, pp.471-472.
Après 1777, la fille de Charles de Baschi vendit une grande partie de la bibliothèque de son père à des érudits (voir Notice des principaux livres faisant partie de la bibliothèque de feu M. le marquis d’Aubais, dont la vente se fera mercredi 18 juin
1777, en sa maison, rue du Jardinet, Paris, Saugrain le jeune, 1777. Avant sa disparition, la bibliothèque du château d’Aubais était ouverte aux savants et Charles de Baschi a entretenu des liens amicaux avec Léon Ménard, l’érudit nîmois, avec lequel il collabora pour la rédaction des Pièces fugitives pour servir à l’histoire de France (1759). Voir Soubeiran de Pierres, Un grand lettré languedocien du XVIIIe siècle. Charles de Baschi, marquis d’Aubais et son château, Montpellier (1937).
3 - Inscriptions en fin de manuscrit, écriture cursive de grand module : “Diva Ioanna regina Sicilia” et “Divi heroes francis liliis cruceque illustris icedunt ingiter parantes ad superos iter”. Ces inscriptions renvoient à des bustes détruits de René d’Anjou
et Jeanne de Laval son épouse à Tarascon avec la deuxième inscription au-dessus de la niche qui conservait les bustes dans la seconde cour du château de Tarascon. Voir Aubin-Louis Millin, Voyage dans les départements du midi de la France, vol. 3
(1808), p. 442.

Texte :
ff. 1-12v, Calendrier, en français, encres rouge, bleue et brune (calendrier composite de Paris, avec Octave de saint Jean au 3 janvier, pour usage en dehors de Paris (voir E. Drigsdhal, The Composite Paris Calendar).
ff. 13-17v, Péricopes évangéliques, avec le premier feuillet lacunaire avec le début de l’Extrait évangélique selon saint Jean.
ff. 18-21v, Obsecro te, forme masculine.
ff. 21v-25v, O intemerata.
ff. 25v-27, Prière “Saluto te beatissima virgo maria…”.
ff. 27-37v, Passion selon saint Jean, suivi d’une prière “Deus qui manus tuas et pedes tuos...”.
ff. 37v-41, Prière dédié au Christ : “Conditor celi et terre…”.
ff. 41-43, Stabat mater, suivi de la prière “Interveniat pro nobis…”.
f. 43v, feuillet blanc.
ff. 44-99v, Heures de la Vierge, à l’usage de Rome, suivi de prières mariales.
ff. 100-107, Hymne marial, “Salve sancta parens…”, suivi de la prière “Concede nos famulos tuos…”, un extrait du Livre de la Sagesse, Lectio libri sapientiae, “Ab initio et ante secula…”, un extrait de l’Évangile selon saint Luc, “In illo tempore…”, suivi
de prières mariales.
f. 107v, feuillet blanc.
ff. 108-111, Heures de la Croix.
f. 111v, feuillet blanc.
ff. 112-115, Heures du Saint-Esprit.
f. 115v, feuillet blanc.
ff. 116-136, Psaumes de la pénitence et litanies.
f. 136v, feuillet blanc.
ff. 137-179v, Office des morts, à l’usage de Rome.
ff. 180-181v, Prière, “O bone ihesu, o dulcissime ihesu…”.
ff. 181v-184, Sept vers de saint Bernard.
ff. 184-186v, Sept prières de saint Grégoire, précédées d’une longue rubrique en français, commençant : Nous trouvons es
escriptures que nostre Benoist sauveur Ihesucrist s’apparut une foys a Monsieur saint Gregoire luy estant en contemplacion
au secret de la messe...
ff. 186v-202v, Suffrages en l'honneur de la Trinité, le Saint Sacrement, la Sainte Face, Michel, Jean-Baptiste, Jean l’Evangéliste,
Pierre et Paul, Jacques, Tous les Saints, Laurent, Christophe, Sebastien, Denis, Martyrs, Nicolas, Claude, Antoine, Anne,
Marie-Madeleine, Catherine, Marguerite, Barbe et Apollonie, suivi de la prière “Omnipotens sempiterne deus…”.
ff. 202v-209, Prière mariale Missus est, précédée de la rubrique en français, Ceste oraison se doit dire tous les samedis en
honneur de la benoite vierge marie, incipit, “Missus Gabriel angelus…”.
f. 209, Prière, “De deprecor ergo”.
ff. 209v-210v, Sept joies de la Vierge.
ff. 211-214v, feuillets réglés blancs.

Illustration :
Ce manuscrit est illustré de cinq grandes miniatures inscrites dans des bordures architecturées dorées, avec les premiers mots
du texte copiés sur des banderoles ou phylactères déroulés. Il renferme aussi cinq petites miniatures.
f. 44, Annonciation.
f. 108, Crucifixion.
f. 112, Pentecôte.
f. 116, David et Bethsabée.
f. 137, Job sur un tas de fumier, raillé par ses amis.
Cinq petites miniatures :
f. 18, Vierge à l’Enfant (8 lignes de hauteur).
f. 21v, Pietà (8 lignes de hauteur).
f. 27, Baiser de Judas, Arrestation du Christ (8 lignes de hauteur).
f. 100, Vierge à l’Enfant Virgin and Child (8 lignes de hauteur). Cette composition rappelle celle adoptée aussi par Jean Poyer dans une enluminure provenant des “Heures d’Henri VIII” et conservée maintenant au Louvre, Département des arts
graphiques, R. F. 3890.
f. 185, Messe de saint Grégoire (11 lignes de hauteur).

Ce manuscrit contient des enluminures attribuables à un artiste des plus intéressants et prolifiques, à savoir le Maître de l’Entrée de François Ier (E. Burin : the “Entry Master”). Cet artiste actif à Lyon fut l’un des deux artistes à dominer le marché du manuscrit enluminé à Lyon vers 1500-1515 : ainsi ont été identifiés deux artistes distincts, Guillaume Le Roy (actif Lyon, c. 1485-1528) et le Maître de l’Entrée de
François Ier (actif à Lyon c. 1485-1520). Ce dernier fut nommé d’après un manuscrit réalisé à l’occasion de l’entrée du Roi François Ier à Lyon en 1515 (Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, Cod. 86.4 Extravagantes). Cet artiste succède au
Maître de Guillaume Lambert (actif Lyon, c. 1475-1490) et fut certainement formé auprès d’un autre artiste lyonnais, le Maître des Alarmes de Mars (actif à Lyon, c. 1485-1510). Des recherches en archives ont conduit Elisabeth Burin à suggérer que l’artiste anonyme dit Maître de l’Entrée de François Ier pouvait être un artiste lyonnais du nom de Jean ou Antoine Pingaud qui effectua des travaux de décorations lors de l’entrée lyonnaise de François Ier en 1515 (d’après les travaux de Bourt et Ramel ; voir Burin, 2001, p. 33). Tania Lévy identifie l’artiste comme pouvant être le peintre verrier
Jean Ramel (Lévy, 2017).

On reconnait le style des miniatures attribuées au Maître de l’Entrée de François Ier par sa palette aux tons pâles, avec des personnages aux proportions trapues, aux grands yeux un peu creusés et cernés et aux visages arrondis. Les personnages sont vêtus de tissus brocardés ou dont les plis sont rehaussés d’or. Les grandes miniatures sont inscrites dans des encadrements architecturés caractéristiques de cet artiste (à l’imitation de ceux que l’on trouve chez le Maître des Alarmes de Mars auprès duquel le “Entry Master” a pu être formé), avec colonnes et pilastres surmontés de putti et présentant du lettrage en capitales romaines au pied de l’encadrement (dans l’Annonciation, fol. 44). Ces encadrements se retrouvent dans d’autres livres d’heures attribués au “Entry Master” tel des Heures conservées à Paris, BnF, latin 1404 ou encore San Marino, Huntington Library, MS 1181. Le type d’initiales ornées avec de grandes fleurs introduisant les grandes divisions textuelles se retrouvent aussi dans des manuscrits liés au “Entry Master”, par exemple Lyon, BM, MS 577 (voir reproductions dans Burin, 2001, cat. 72, ill. 138 et 139).
Parmi les manuscrits associés au Maître de l’Entrée de François Ier (Entry Master), on compte plus d’une trentaine d’oeuvres, dont une quinzaine de livre d’heures, des ouvrages liturgiques (par exemple un Missel pour l’Ordre de Saint-Jean-de-Rhodes
enluminé pour Charles Aleman de la Rochechinard, dit le Rhodes Missal (Londres, Museum of the Order of Saint John) ; un Missel pour l’Abbaye de Saint-Claude (Jura) (Paris, Assemblée nationale, MS 10) ; le Pontifical de l’évêque Louis Guillard
d’Épichelière, aumônier de François Ier (Paris, BnF, Latin 955) ; un Bénédictionnaire-Évangéliaire à l’usage de Saint-Nizier de Lyon (Lyon, BM, MS 5136 : on remarque l’esthétique très proches des initiales ornées et des bordures enluminées). L’artiste a
aussi peint un certain nombre de traités théologiques ou littéraires tels un Trésor de sapience (Chantilly, Musée Condé, MS 147) ou le Pas d’armes de Sandricourt (Paris, Bibl. Arsenal, MS 3958).

Bibliographie :
Avril, F. and N. Reynaud. Les manuscrits à peintures en France : 1440-1520, Paris, 1993, pp. 357-362. – Burin, E. Manuscript illumination in Lyons, 1473-1530, Turnhout, 2001, pp. 31-33, 159-211. – Chancel-Bardelot, B. de, et al. Tours 1500 : capitale des arts, Paris, Tours, 2012. – Hermant, M. “Production et commande de manuscrits enluminés à Lyon à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance,” in Arts et humanisme : Lyon Renaissance, dir. L. Virassamynaïken, Paris, 2015, pp. 274-279. – Levy, T. Les peintres de Lyon autour de 1500, Rennes, 2017, pp. 80-82, 196-201. – Voir aussi : J.-P. Fontaine, “Le Marquis d’Aubais, un des esprits les plus accomplis du XVIIIe siècle” : http ://histoire-bibliophilie.blogspot.com/2013/02/le-marquis-daubais-un-des-esprits-les.html
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