Description
Alexandre DUMAS. L’Alchimiste. [1839]. Manuscrit in-8 (240 x 155 mm) dans une reliure de velours de soie vert, premier plat orné de motifs en argent doré et ciselé : dans le haut une couronne impériale, au bas deux branches de laurier surmontées du N russe, au centre un riche encadrement (121 x 103 mm) sur lequel est monté à charnières une fenêtre gravée de rinceaux et portant la dédicace. En ouvrant la fenêtre on découvre une peinture d’Isabey (95 x 75 mm). Doublures et gardes de soie moirée blanche, tranches dorées (Reliure de Alph. Giroux). La reliure est contenue dans une boîte gainée de chagrin vert au couvercle orné de fers et de filets dorés, doublée. Elle porte au revers la mention dorée : « A Paris chez A. Giroux et C ». 80 ff., et 6 peintures. Extraordinaire exemplaire de présent au tsar de Russie Nicolas Ier. Manuscrit calligraphié, peut-être par Dumas lui-même ; jeune homme, sa belle écriture était le seul avantage dont il pouvait se prévaloir pour réussir dans la vie. La pièce, écrite en collaboration avec Gérard de Nerval (qui aurait rédigé seul le premier acte) est une sorte de « méditation sur l’homme de génie tiraillé entre ses aspirations chimériques et l’amour de sa femme » (Hélène Laplace-Claverie) Dumas et Nerval l’adaptèrent librement de la tragédie de Milman, Fazio, créée à Londres en 1818. Dumas y introduit l’important personnage de Lelio et change la fin tragique en une autre plus heureuse. L’Alchimiste, drame en 5 actes et en vers, a été représenté pour la première fois au théâtre de la Renaissance le 10 avril 1839 avec Frédéric Lemaître dans le rôle de Fasio et Ida Ferrier dans celui de Francesca. Il se déroule à Florence au XVIe siècle. Le rideau s’ouvre sur l’alchimiste Fasio, héritier spirituel de Nicolas Flamel, tout entier absorbé dans son grand œuvre et son épouse Francesca délaissée et frustrée. Après maints tours et détours, dont une tentative de séduction par le podestat, les manœuvres d’une dangereuse courtisane, un meurtre et une fortune mal acquise, la pièce voit le triomphe de l’amour conjugal. L’atmosphère flamboyante de la Renaissance italienne, les mystères de l’alchimie, la violence des passions, tout concourt à faire de cette œuvre un archétype du théâtre romantique. La dédicace est gravée sur la fenêtre dorée de la reliure, en lettres gothiques : A sa Majesté Nicolas 1er Empereur de toutes les Russies Son très humble Et très obéissant serviteur A. Dumas Les meilleurs artistes romantiques participèrent à ce cadeau de prix : - Dans l’encadrement de la reliure, la peinture d’ISABEY (1804-1886), signée en bas à droite, représente l’Alchimiste dans son officine. Eugène Isabey, fils de Jean-Baptiste Isabey, suivit les traces de son père. Il s’illustra dans les scènes d’histoire et de genre comme celle-ci. Excellent maître, il eut Boudin comme élève. - La page de titre est ornée d’une miniature avec un grand encadrement dans le genre gothique signée au bas par Théodore MASSON (1811-1850). On sait peu de choses sur Masson, aquarelliste natif de Rouen, et spécialisé dans les vues d’édifices religieux, qui mourut trop jeune pour développer tout son talent. Mais il se peut que Dumas l’ait rencontré dans l’entourage du baron Taylor. - En tête des actes 1 et 5, aquarelle de Adrien DAUZATS (1804-1868). Dauzats, vieille connaissance de Dumas qui mit des notes qu’il avait rapportées du Sinaï un chef-d’œuvre de la littérature de voyage, s’illustra dans la peinture orientaliste. Les grands écrivains romantiques l’admirèrent et Dumas le cite à plusieurs reprises dans ses œuvres. - En tête des actes 2 et 4, aquarelle de Louis BOULANGER (1806-1867). Élève de Devéria, il devint très vite un intime de Victor Hugo et fréquenta les différents cénacles romantiques. Parmi ses œuvres majeures on peut citer le portrait de Balzac en robe de moine. Il appartint au premier cercle des amis de Dumas qu’il accompagna notamment dans son voyage en Espagne et en Algérie en 1846. Dumas laisse de lui un portrait sensible dans De Paris à Cadix : « peintre rêveur […] toujours accessible au beau, sous quelque aspect qu’il se présente, admirant presque à un degré égal la forme avec Raphaël, la couleur avec Rubens, la fantaisie avec Goya. Pour lui, toute chose est grande, et, au contraire de ces pauvres esprits dont l’œuvre stérile est d’abaisser sans cesse, lui se laisse prendre sans combat, tombe à genoux devant l’œuvre de Dieu, admire ou prie. » - En tête de l’acte 3, aquarelle de Jules DUPRÉ (1811-1889). Un autre proche de Dumas, dont les paysages remportèrent de grands succès. Dumas accroche ses tableaux dans l’appartement de garçon d’Albert de Mortcerf dans Monte-Cristo : « Il y avait des paysages de Dupré, aux longs roseaux, aux arbres élancés, aux vaches beuglantes et aux ciels merveilleux. » Dumas, dit-on, avait une passion pour les décorations. Ayant appris que le peintre Horace Vernet avait reçu du tsar l’ordre de Saint-Stanislas, espérait-il, en faisant réaliser ce somptueux manuscrit, obteni