Lot n° 123

Darius MILHAUD (1892-1974) — 16 L.A.S., 1912-1936 et s.d., à Yvonne GIRAUD, puis marquise de CASA FUERTE ;

Estimation : 1500 - 2000 €
Adjudication : 4 750 €
Description
33 pages formats divers, 7 enveloppes (quelques petits défauts). Très intéressante correspondance amicale et musicale.
Yvonne Giraud (1895-1984), devenue marquise en épousant en 1921 Illan de Casa Fuerte, fut une condisciple de Milhaud en classe de violon au Conservatoire, et une excellente violoniste. Elle créa en 1931 les concerts de la Sérénade, et resta une amie très proche de Milhaud tout au long de sa vie.
Cette correspondance, qui va des années 1912-1913 jusqu’à 1936, relate les débuts du compositeur ; il y évoque ses rencontres avec Jammes, Claudel et Gide ; on y croise la princesse de Polignac, la pianiste Jeanne Herscher, la chanteuse Jane Bathori, la photographe Céline Laguarde, les compositeurs Jean Wiener, Georges Auric, Charles Koechlin, Alfred Casella. Les lettres sont écrites de Paris, de sa ville natale d’Aix-en-Provence, et aussi de Rio de J¬¬¬¬aneiro…
[1913] Il complimente sa chère Yvonne sur son jeu : « Ce concerto triple est ravissant et chaque sonorité individuelle se détachait avec limpidité, parfois des sonorités éblouissantes comme des jets translucides, parfois une atmosphère très douce et très enveloppée (comme dans la 2ème partie), parfois une grande puissance (à la fin surtout) on eût dit un orgue […] Je vous raconterai Jammes qui est touchant […] La Brebis égarée se joue les 9, 10, 11 […] puis je vous jouerai Alissa que vous ne connaissez pas ». – [6 novembre 1916] (en-tête Maison de la Presse) : il la remercie pour la boutargue qu’il va faire goûter à André Gide qui vient déjeuner. Il est allé à Aix pour une permission de 4 jours mais n’est pas arrivé à travailler. Il fait « partie (à titre de basse) du quatuor vocal Engel. Je fais mes débuts Dimanche dans les quatuors vocaux de Schmitt (très “viennois”) et le Madrigal de Fauré, dans une soirée pour la Psse de Polignac ». Il a dû orchestrer le Point pour l’Amérique « ce qui m’a privé de nouvelles musiques. Maintenant il faut que j’écrive un chœur à 12 voix pour l’Agamemnon. Claudel a des idées splendides mais bien difficiles à réaliser […] M. Durand me demande une sonate à 2 violons »…
[Rio de Janeiro] 28/2/17. Il a reçu des lettres arrivées par bateau, mais c’est très long. « J’écris une sonate de violon. Jeanne Herscher vous racontera ». Il découvre Rio et est allé au Jardin Botanique : « toutes les variétés de “palmes” s’y trouvent, et des avenues d’arbres solennelles allées de manguiers, de palmier royaux […] c’est d’une opulence élogieuse, et je dis que les plantes sont obséquieuses – une perpétuelle salutation. Mais surtout la lumière, la limpidité et la coloration du ciel »… Il travaille : « Mon Enfant Prodigue avance » Il espère aller dans le Sud à la découverte de ce grand pays ; tout l’enchante : la forêt, la faune et la flore… – Rio de Janeiro, Légation de France, 27 mars [1917]. Lettre avec collages photographiques (Milhaud, Claudel…).
« Voulez-vous venir jouer ma 2ème sonate à Widor jeudi matin ? ». – « J’écris mon 7ème poème juif »… – « Mon concerto m’énerve et je joue de plus en plus mal. Hier seulement un beau moment j’ai joué la Lekeu avec Céline Laguarde qui a été admirable »… – « Je suis très content de Thibaud, Cortot, Casals. C’était très bien la Lekeu »…. – « Ce matin, il faut faire des gammes…. Et c’est plus dur que d’habitude parce que je suis encore dans l’atmosphère si enveloppante de Pelléas, et j’ai peur d’y rester longtemps, et j’espère aussi y rester longtemps »… – En pleine période « paludes », il énumère les personnes de retour à Paris (Jeanne Lacoste, Jeanne Herscher, Germaine Schmitz, Jane Bathori), et les travaux en cours : « Auric a fait un trio, Koechlin a fini sa sonate de piano et violon, Milhaud a fini sa sonate de piano, Milhaud a écrit son 8ème et dernier poème juif […] Paul Claudel va venir à Paris, Alfred Casella va venir à Paris »… – « Je continue à travailler Chopin de bien près. Il y a tant à dire […] Vous savez combien je suis curieux des interprétations différentes – souvent tenant à l’âme, au cœur de l’interprète – très peu savent »…
[15 octobre 1934] : « Carissima Yvona » est à Rome et Milhaud lui écrit de Paris une lettre charmante et amusante en italien : « La musica e le concerte acqui sono bastone merdosi »…
On joint 9 lettres adressées à Yvonne de Casa Fuerte, dont une de Mme Milhaud mère.
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