Lot n° 67

FLAUBERT (Gustave). Lettre autographe signée « Gve Flaubert » à Ivan Tourguéniev. [Croisset …

Estimation : 1 500 - 2 000 EUR
Adjudication : 2 875 €
Description
FLAUBERT (Gustave). Lettre autographe signée « Gve Flaubert » à Ivan Tourguéniev. [Croisset près de Rouen], « lundi 16 » [août 1875]. 3 pp. 1/2 in-8. GUSTAVE FLAUBERT ENTRAINE DANS LA RUINE. Sa nièce adorée, Caroline, avait épousé un marchand de bois, Ernest Commanville, qui fit faillite en 1875. Associé à cette débâcle financière, l'écrivain dut vendre une ferme à Deauville, quitter son appartement parisien, et finalement accepter une pension sans obligation de service du ministère de l’Instruction publique. « Comme vous êtes bon, mon cher Tourguénef... mais vous n'avez pas compris la situation. Il ne s'agit pas d'une "perte d'argent" mais bien d'une ruine. C'EST LA RUINE, complète, p[our] mon neveu Commanville, et pour moi, considérable. Ma nièce Caro abandonne tout ce qu'elle peut donner aux créanciers de son mari. – & quand nous aurons vendu le reste, c'est à peine s'il nous restera de quoi vivre. Très chétivement. En attendant que les affaires soient réglées, il faut que Commanville trouve une place, n'importe laquelle. Voilà où nous en sommes. peut-être, moi, ne perdrais-je pas tout ce que je possède ? LE PIRE DE MA SITUATION, C'EST QUE FORT PROBABLEMENT IL ME FAUDRA ABANDONNER LE PAUVRE CROISSET, où je vis depuis trente ans !... Vous voyez que mon existence est bouleversée, mon cher ami, & que c'est un désastre complet. Je doute que jamais je puisse re-travailler ? – & p[our]tant j'aurais besoin de travailler p[our] gagner de l'argent, mais je suis impropre à quoique ce soit. AH ! SI UNE MALADIE M'EMPORTAIT, QUELLE SIMPLIFICATION ! JUSQU'A PRESENT, J'AVAIS CRU QUE LA MORT ETAIT LE PIRE DES MAUX ; NON ! LE PIRE, C'EST DE VOIR L'HUMILIATION DE CEUX QU'ON AIME. Je [...] souffre cruellement, je vous en réponds ! D'ici à une quinzaine, il y aura du nouveau. C'est à dire que l'on saura si la faillite sera déclarée – après quoi, j'irai sans doute à Concarneau, car j'ai besoin de prendre l'air ! Depuis quatre mois, ma pauvre nièce & moi, nous vivons dans une solitude abominable, à cause des angoisses qui la remplissent, & il faut que je sorte d'un pareil milieu coûte que coûte. Ah ! ce qui serait beau, ce serait de venir me voir là-bas, à Concarneau ! Mais le voyage est long & je n'ose vous le proposer. Il est inutile que je vous attriste avec mes plaintes ! Vous connaissez maintenant la chose et vous voyez qu'elle n'est pas drôle. Je vous embrasse bien tendrement... Mes respects à m[adam]e Viardot [Ivan Tourguéniev entretint une longue amitié amoureuse avec la cantatrice Pauline Viardot]. » Gustave Flaubert et Ivan Tourguéniev nouèrent en 1863 une forte amitié qui dura jusqu'à la mort de Gustave Flaubert en 1880. Ivan Tourguéniev traduisit en russe « La Légende de saint Julien l'Hospitalier ». Provenance : collection Viardot (timbre sec).
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