Lot n° 180

STENDHAL (1783 - 1842) L.A., château de Salzdahlum 2 septembre [1807], à sa soeur Pauline BEYLE …

Estimation : 4 000 - 5 000 EUR
Adjudication : 3 640 €
Description
STENDHAL (1783 - 1842) L.A., château de Salzdahlum 2 septembre [1807], à sa soeur Pauline BEYLE ; 4 pages in-8. Belle lettre, illustrée d'un croquis, sur le souvenir de sa passion pour Victorine Mounier. «Tu ne peux te figurer, ma bonne Pauline, le plaisir que ta lettre vient de me faire. J'avais presque oublié ton écriture [...] Aucune raison ne doit jamais te faire jetter au feu ce que tu m'écris. Ne sais-tu pas combien je t'aime ? Faut-il te le redire ? Mais écris-moi beaucoup sur cette charmante V. [Victorine MOUNIER]. Je crois que tu as raison c'est une âme bien rare. Je l'ai bien aimée, et je l'ai vue sept fois en ma vie. Toutes mes autres passions elles n'ont été qu'une réflexion de celle-là. J'ai aimé Mélanie parce qu'elle me rappelait son caractère. Tu sens combien les moindres détails sur V. me sont précieux. Aime-t-elle son frère autant que tu le dis. C'est un des plus secs personnages que je connaisse, vraiment fait pour la bonne compagnie de ce siècle. Mais je ne dois pas me plaindre de l'illusion qui rend les frères aimables. Je voudrais seulement qu'elle portât à leur écrire plus souvent. Cette douce pensée de V. qui dans mon âme précède à peu près tous les chagrins dont je me souviens actuellement, est venue à moi, au milieu de forêts superbes, encore fraîches de la rosée du matin, au moment où, avec 8 bons amis, avec lesquels je me garderais bien d'oublier un instant qu'il faut être aimable, au moment où nous allons chasser le cerf. Mon chef M. [Martial DARU] a pris la passion de la chasse ce qui fait qu'il voit avec indulgence ou qu'il feint de ne pas voir les échappées que je fais de mon antre. Je vais penser à vous deux toute la journée. Tâche de savoir si elle aime à Paris ou à Rennes; j'ai presque envie de te dire comme le bon dieu, toutes les fois que vous serez ensemble je serai au milieu de vous. Quel doux plaisir si les mille sottes vanités qui nous séparent, nous permettaient, pendant que nous sommes encore jeunes, de passer une journée dans ces bois épais, au milieu de leur vaste silence. Nous trouverions presque cela à la grande Chartreuse, mais les convenances, mais les bavardages de la grande Rue &a &a. Alors cherchez votre bonheur dans un collet brodé et fuyez la grande Rue. [...] À propos, j'ai tué hier une perdrix. C'est la 1re de ma vie, mais ça ne m'a pas fait la millième partie du plaisir que me donna une grive que je tuai dans le sentier sous Doyatière sur un grand frêne à droite en montant». Et il dessine à la plume la scène. Correspondance générale, t. I, n° 284.
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