Lot n° 169

SAND George (1804 - 1876) L.A.S. «George», [vers le 20 octobre 1835], à Adolphe GUÉROULT ; 8 …

Estimation : 1 500 - 2 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description
SAND George (1804 - 1876) L.A.S. «George», [vers le 20 octobre 1835], à Adolphe GUÉROULT ; 8 pages in-8 à son chiffre. Très belle et longue lettre politique, à propos des saint-simoniens et de l'Égypte. [Sand réagit à l'article d'Adolphe GUÉROULT (1810-1872), dans le Journal des Débats, à propos du transport de l'obélisque de Luxor jusqu'à Paris.] ... «Pour du talent, vous n'en manquez pas ; votre article en est rempli. Mais ce n'est pas le compliment que vous attendez de moi, vous voulez que je rende justice à vos opinions. En leur rendant justice, je ne vous dirai que des injures. Oui, mon ami, vous êtes une canaille, une franche canaille. [...] Que vous vouliez du bien aux Arabes, que vous soyez tenté de travailler à leur liberté, que vous accusiez le despotisme de l'égyptien c'est bon, certes. C'est prendre le bon côté des choses, en ce qui concerne l'Orient. Mais, malheureux, et je parle ici aux Saintsimoniens plus qu'à vous, qui ne l'êtes guères, vous abandonnez la cause de la justice et de la vérité en France, là où elle pouvait être comprise plus vite que partout ailleurs, et où elle le sera, n'en doutez pas, par nos enfans. Si peu que vous eussiez fait, on eût pu dire qu'il existait une société d'hommes de bien conservatrice du grand principe d'égalité, principe banni et chassé, honni et persécuté par toute la terre, mais réfugié dans le coeur d'un petit nombre. [...] Vous avez été forcé de chercher à l'étranger des moyens d'existence. Il vaudrait mieux se brûler la cervelle que de les tenir d'un gouvernement infâme, d'un homme qui est le principe d'oppression et de démoralisation incarné. [...] Vous avez cédé à la persécution, à la honte [...] Vous avez eu tort, si faible que fût la rédaction de votre morale, comme votre morale était la seule, la vraie, elle eût fini par attirer sur vous la considération que vous méritiez et si la grande affaire ne se fût pas opérée un jour au nom de St Simon et d'Enfantin, du moins Enfantin et St Simon eussent eu une grande place dans l'histoire de la morale à côté peut-être de celle que Lafayette occupe dans l'histoire politique. Mais tout cela est fich u. Vous êtes tombés dans un système de transaction mystérieuse auquel on ne comprend plus rien, vous semblez pressés de vous faire oublier en France, et d'obtenir le pardon du bien que vous avez tenté. Vous parlez de régénérer des peuples qui n'existent pas encore. Mais en fait, vous vivez par la grâce de L[ouis]-Philippe. Et vous, vous voilà rédacteur des Débats ni plus ni moins que mon ami Janin. Taisez-vous, relaps, vous feriez mieux de monter une boutique de savetier et de ressemeler de vieilles bottes. [...] En vérité, le juste milieu ne s'embarrasse guère des libéraux des bords du Nil, pourvu qu'en leur faisant des complimens, vous ôtiez votre chapeau bien bas devant la poire royale». Elle reproche à Guéroult certaine phrases qui sont des blasphèmes... «Certainement si vous raisonnez comme Thiers et Guizot, si la liberté est pour vous compatible avec la monarchie, si la dignité humaine sans l'égalité vous paraît admissible, si vous appelez abolition des distinctions sociales, le principe qui serre comme un cadenas dans le coeur de l'homme l'amour de la propriété, l'égoïsme, l'oubli complet du pauvre ; qui érige en vertu dite ordre public, le droit de tuer quiconque demande du pain d'une voix forte et avec l'autorité de la justice naturelle de la faim. Certes si vous acceptez tout cela, vous raisonnez bien et je n'ai pas le plus petit mot à dire. Mais s'il vous reste du Saint-simonisme au moins la religion du principe fondamental, la loi de partage et de l'égalité, comment pouvez-vous faire ces concessions même avec de bonnes intentions, à un état de choses odieux !»... Etc. «Je vous dis, moi, que je ne connais, et n'ai jamais connu qu'un principe : celui de l'abolition de la propriété. Voilà en quoi j'ai toujours vénéré le st simonisme. Voilà en quoi j'adore certains républicains véritables. [...] Si je ne suis ni St simonien, ni républicain (je me suppose homme un instant) c'est que je ne vois pas une formule digne de rallier des hommes, pas une circonstance capable de développer par des actions, les bons sentimens. Le moment ne permet rien à des hommes ordinaires, comme Enfantin comme vous et moi». Mais un jour viendra où le «bon principe» triomphera... Quant aux saint-simoniens, «ce sont des républicains à l'eau de rose, des gens de bien, mais beaucoup trop doux, trop évangéliques et trop patiens. Les élémens de l'avenir, seraient une race de prolétaires farouches, orgueilleux, prêts à reprendre par la force tous les droits de l'homme. Mais où est cette race ?»... Correspondance, t. III, n° 995.
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