Lot n° 125

VOLTAIRE (1694-1778) — L.A.S. «Voltaire gentilh ord de la chambre du Roy », château de Ferney par Genève 24 juin 1767, à Jean-Bapstiste-Espérance, Comte de LAURENCIN ; 4 pages in-4.

Estimation : 5 000 - 7 000 €
Adjudication : 7 800 €
Description
♦ Voltaire explique pourquoi il ne peut quitter Ferney, et envoie son écrit sur l’affaire Calas .

[Le Comte de LAURENCIN (1740-1812), officier et littérateur, croyant que Voltaire voulait s’établir près de Lyon, lui avait proposé son château.] Voltaire est touché de la lettre du comte. « Je me suis retiré il y a environ treize ans dans le pays de Gex pres de la Franche Comté où jay la plus grande partje de ma fortune. Mais mon age ma faible santé les neiges dont je suis entouré huit mois de l’année dans un pays d’ailleurs tres riant, et surtout les troubles de Geneve et l’interruption de tout commerce avec cette ville m’avaient fait penser à faire une acquisition dans un climat plus doux. On m’a offert vingt maisons dans le voisinage de Lyon. Tout ce que vous voulez bien mécrire et votre façon de penser qui me charme, me détermineraient à préférer votre chatau pourvu que vous nen sortissiez pas. Mais jay avec moi tant de personnes dont je ne puis me séparer, que ma transmigration devient très difficile. Car outre une de mes nices à qui jay donné la terre que jhabite, jay marié une descendante du grand Corneille à un gentilhomme du voisinage. Ils logent dans le chatau avec leurs enfans. Jay encor deux autres ménages dont je prends soin, un parent impotent qu’on ne peut transporter, un aumonier auparavant jesuite, un jeune homme que M. le maréchal de Richelieu m’a confié, un domestique trop nombreux, et enfin je suis obligé de gouverner cette terre parce que la cessation du commerce avec Geneve empêche qu’on ne trouve des fermiers. Toutes ces raisons me forcent à demeurer où je suis quelque dur que soit le climat et dans quelque gêne que les troubles de Geneve puissent me mettre. Monsieur le duc de Choiseuil a bien voulu adoucir le désagrément de ma situation par touttes les facilités possibles. D’ailleurs ma terre, et une autre dont je jouis aux portes de Geneve, ont un privilège presqu’unique dans le Royaume, celuy de ne payer rien au Roy et detre parfaitement libres excepté dans le ressort de la justice. Ainsi vous voyez monsieur que tout est compensé, et que je dois supporter les inconvenients en jouissant des avantages ». Il remercie le comte de ses offres avec « bien de la reconnaissance. Vos sentiments mont encor plus flatté. Je vois combien vous avez cultivé votre raison. Vous avez un cœur généreux et un esprit juste. Je voudrais vous envoyer des livres qui pussent occuper votre loisir. Je commence par vous adresser un petit écrit qui a paru sur la cruelle aventure des Calas et des Sirven. […] Il est fort difficile de faire passer des livres de Geneve à Lyon. Il est triste que ces ressources de l’ame, et les consolations de la retraite soient interdites »….

Correspondance (Pléiade), t. VIII, p. 1175.
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