Description
d’Histoire d’une pétrification, 28 p. in-4 ; et le TAPUSCRIT corrigé, 121 p. in-4
Manuscrit autographe complet du second roman de Queneau, accompagné de l’important dossier de ses avant-textes et du journal de sa genèse.
Deuxième roman de Raymond Queneau, Gueule de pierre fut entrepris en août 1933 et la rédaction se poursuivit jusqu’au 18 mai 1934 ; il fut publié par Gallimard en septembre 1934. Le prière d’insérer résume ainsi l’intrigue : « Un père avait trois fils, il envoya Pierre à l’étranger pour y compléter ses études, il garda Paul près de lui pour le soutenir dans sa force, il laissa Jean vagabonder où il voulait. L’aîné revint de son voyage avec des idées si peu communes que son père en fut bien fâché : il le chassa de sa présence et le traita ignominieusement... Mais ses deux autres fils avaient découvert un secret tel qu’il dut s’enfuir. Poursuivi dans les montagnes, il y trouva la mort. Pierre redescendit vers la ville, Jean n’y retourna pas et Paul y était toujours resté. Quant au père, il devint un caillou gigantesque »… Le roman comporte trois parties, chacune correspondant à un des fils et à un des règnes naturels : la première (règne animal) est un monologue, la deuxième (règne végétal) prend la forme d’un récit, et la troisième (règne végétal) est une suite de douze poèmes en prose, chacun placé sous un signe du Zodiaque. En 1948, Queneau intégrera Gueule de pierre dans Saint Glinglin.
L’ensemble comprend :
A. Dossier de notes, plans, ébauches, listes des personnages, croquis et tableaux. Un bloc étiqueté « Gueule de Pierre Parerga 1933-1934 » comprenant 25 ff in-4 détachés du bloc ligné (dont 3 écrits et raturés au verso), 10 ff. épars et 9 ff. arrachés à un carnetin-12. On relève de nombreux plans, des notes préparatoires, des faux débuts, des schémas d’organisation du roman, certains sous forme de tableaux, un plan dessiné de la Ville Natale (daté 27 septembre 1933), une liste de noms de villages de Cornouailles datée du 28 septembre avec leur transformation en noms de personnages (Kuggar devenant Kougard, Poldowrian Pol Dovrian…), un tableau des signes du Zodiaque (avec leur symbole à l’encre rouge, le nom grec et romain des divinités qui s’y rattachent, et les organes du corps concernés), des projets de titres (Un Homme devient une Pierre, Totem et Tabou, Un père avait 3 fils, Saint-Glinglin, Les Origines du Totémisme, etc.), un projet de « Note liminaire et même, peut-on dire, préliminaire », des listes de personnages (une avec les « noms modifiés le 28.4.34 »), un « État du roman le 23 sept. », etc.
B. Fragments du premier état de la 2e partie (33 ff. provenant d’un bloc ligné), à pagination discontinue, à l’encre noire (plus 4 ff. réutilisés au verso pour le manuscrit, 2 pp. in-8 et quelques pages déchirées.)
C. Version intermédiaire des sections VIII à XI de la 2e partie et premier état de la 3e partie, dans 7 cahiers d’écolier (22,5 x 17 cm) représentant 103 pages en tout (plus 8 pp. éparses).
D. Manuscrit complet : 166 ff. chiffrés provenant d’un bloc ligné in-4 (22,5 x 17,5 cm), à l’encre noire r; il est abondamment raturé et corrigé. Au verso de nombreux feuillets, on trouve des brouillons raturés. Ainsi, au dos de la page de titre on peut lire un titre primitif; «Midi le juste ou Il est midi ». Il présente d’innombrables variantes et corrections par rapport au texte final, à commencer par les titres des parties, qui étaient primitivement « La Ville étrangère », « La Saint-Glinglin » et « La Montagne aride ». On voit aussi que le roman s’ouvrait sur une proclamation du héros, que Queneau a ensuite supprimée : « Je, Pierre Kougard, fils aîné de Kougard-le-Grand, maire de la Ville Natale, écrivis ces pages en la Ville Étrangère pour garder le Souvenir des [démarches spirituelles biffé] inquiétudes qui me conduisirent [à une conception bouleversante du monde que je biffé] à élaborer une doctrine nouvelle que je ne pus faire triompher qu’après avoir suivi les chemins étroits de l’humiliation et de la haine ». Parallèlement, et sur un mode burlesque, la seconde partie débute par une autre apostrophe, attribuant cette fois la paternité des pages à Raymond Queneau : « Tu, Raymond Queneau, écrivis ces pages à Coverack (duché de Cornouailles) et à Paris (département de la Seine) afin de conserver la mémoire des G. F. (Générations futures) le souvenir de ce qui se passa dans la Ville Natale le jour de la Saint-Glinglin XX34 ». Chaque page du manuscrit est couverte de corrections ; on relève aussi des annotations telles que « repris à Paris en avril 34 », « tentatives infructueuses », « impossible d’écrire ». La dernière page porte le mot « Fin » et la date « 18.5.34 14 h.20 ».
Au verso des feuillets, on peut découvrir une première version du texte, biffée mais lisible, et complètement différente du texte final.
E. Tapuscrit complet avec les pages de titre des parties autographes, et quelques corrections autographes (121 p. in-4, 27 x 21 cm).
F. Histoire d’une pétrification, manuscrit autographe du journal de l’écriture de Gueule de Pierre I et Gueule de Pierre II (Les Temps mêlés), dans un cahier d’écolier de 28 pp. à couverture mauve de la marque Union (22 x 17cm) ; il est dédié à sa femme : « Pour Janine ». À la manière d’André Gide pour Les Faux Monnayeurs, Queneau a consigné dans le Journal d’une pétrification les étapes de la composition de son roman, ses intentions, ses repentirs et ses commentaires, en mettant au net postérieurement ses notes du dossier de travail. La première note est datée du 19 août 1933, la dernière « FIN – (31 mai 1934) ». À la suite, on trouve le journal d’écriture de Gueule de Pierre II (qui deviendra Les Temps mêlés), d’août-octobre 1938 au 3 juillet 1941. Citons la première entrée du cahier : « Une petite ville du Midi près de Mondragon. Maisons blanches. Principale (et seule) curiosité : le tombeau de Gengis-Khan. Les touristes viennent voir cekcé. / Personnage : le fils du boucher ; perversion sexuelle à bas mathématique. À supprimer. Sophisticated. / Autre personnage : le bossu de la Saint-Jean. Va sur les routes porter chance aux voyageurs. À la fin, on le tuerait et on le mangerait. Repas totémique. En principe 3 parties de 7 chapitres. 1 e partie. 2 e partie (probablement la Fête du village). 3 e partie : titre : Tels des Enfants, sans autre précision ».
Ce cahier est accompagné de la copie ancienne d’une lettre de Queneau, 9 avril 1945, donnant d’intéressantes explication sur son roman (4 p.).
Ce manuscrit, tel qu’il se présente, avec le texte complet, les ébauches, les plans préparatoires et les commentaires de Queneau constitue un fascinant laboratoire où l’on voit l’œuvre en train de se faire et trouver peu à peu sa forme définitive.
Romans, I, (Œuvres complètes, II), Bibliothèque de la Pléiade, tome II, Gallimard, 2002 (pour Gueule de pierre, éd. de Jean-Philippe Coen : p. 249-339, 1266-1290, 1481-1513, 1737-1739).