Lot n° 96

MÉRIMÉE Prosper (1803-1870) — 100 L.A.S. (quelques-unes non signées), 1848-1870, à Francisque MICHEL ; environ 230 pages de formats divers, enveloppes avec timbres ; le tout monté sur des feuilles de papier Japon et relié en 2 volumes in-4,...

Estimation : 5 000 - 7 000 €
Adjudication : 4 940 €
Description
soie rouge brochée ornée de motifs floraux (une charnière usée).
Très importante et remarquable correspondance, souvent fort libre.

[François-Xavier Michel, dit FRANCISQUE MICHEL (Lyon 1809-Paris 1887), chartiste, médiéviste et philologue, fut chargé de nombreuses missions sur les monuments et nommé membre du Comité historique. Chargé du cours de littérature étrangère à la Faculté des Lettres de Bordeaux, il a publié de nombreux ouvrages et travaux, dont l’édition princeps de La Chanson de Roland (1837) et l’Histoire des races maudites de la France et de l’Espagne (1847).] Cette très intéressante correspondance, « embrassant presque toutes les connaissances humaines, depuis l’archéologie ou la philologie jusqu’à l’histoire et aux beaux-arts, discutant aussi bien sur une vieille étoffe de soie que sur une étymologie basque ou bohémienne, sur la grammaire de Palsgrave que sur un tableau de Giorgione, mêlant à l’érudition la plus aride la plaisanterie la plus graveleuse », a été publiée par Pierre Trahard en 1930 (Paris, H. Champion). Nous ne pouvons en donner ici qu’un aperçu très sommaire. Quatre lettres sont ornées de dessins à la plume. 1848. Mérimée est à la recherche d’une Histoire de Don Pèdre publiée à Séville ; il parle de ses recherches sur les bohémiens... 1849. Au sujet des Études de philologie comparée sur l’argot de F. Michel, que Mérimée soutient pour le prix Volney. La Bugorne et la Chicheface du château de Villeneuve-Lambron. La politique ; portrait de Falloux... Dispute philologique avec Victor Cousin. Discussion sur l’Argot : « ce que j’appellerai la loi de formation de l’argot français, c’est la métaphore, toujours burlesque »... ▬ 1850. Impression des Études sur l’argot. Achat de la Chanson de Roland à la vente Viollet-le-Duc. Retour d’un voyage à Londres. Recherches sur les étoffes précieuses au Moyen-Âge. Mérimée s’est remis au russe et travaille sur le faux Démétrius. Détails sur l’affaire LIBRI. Mérimée fait campagne pour la nomination de Michel comme membre correspondant de l’Académie des Inscriptions ; mais il y a là « beaucoup plus de couillons que d’hommes ». Recherches sur les armes et les lames de Damas.

▬ 1851. Sur le prénom de Prosper. Mérimée parle de ses chats. Il a passé « six mois à me fendre le cul sur des livres russes »... L’argot militaire : les crabes, les tourlourous, les bigorneaux... La chape de Charlemagne à Metz, les vêtements de Saint Bertrand à Comminges. Histoires graveleuses de corps de garde. Étymologie de cagne (cheval). Polémiques et controverses autour de la Chanson de Roland. « Je tiens de feu mon ami BEYLE qu’il ne faut jamais se fâcher pour chose qu’on dise de vos ouvrages. J’ai eu souvent occasion de pratiquer ce précepte et ne m’en suis pas mal trouvé ». Les vols supposés de Libri. Feuillet de Conches accusé de vol par Naudet. Voyages archéologiques à Laon et Sens. Mérimée a lu dans Pontanus « l’histoire d’un homme qui avait donné son anneau à une Vénus de marbre ou de bronze » (source de La Vénus d’Ille). Sur les châles de cachemire recouvrant les tombeaux des sultans à Constantinople (dessin). Anecdote d’un médecin allemand fait prisonnier « par des Calmucks et enculé »... Situation calme à Paris après le coup d’Etat ; violences et émeutes à Digne et Clamecy : «Voilà une grande révolution faite presque sans effusion de sang ». Mérimée conseille à Michel de faire comme M. de Lameth qui « baisait tous les jours, mais ne foutait que le dimanche ». 1852. Quinet et le Collège de France. Mouvements ministériels. Lecture commentée des Recherches sur le commerce, la fabrication et l’usage des étoffes de soie, d’or et d’argent et autres tissus précieux... de F. Michel. Condamnation à quinze jours de prison dans l’affaire Libri. Séjour en prison, « le seul endroit frais de Paris », où il a appris le mot gougnotte. Anecdote de Villemain avec deux petites filles, dont l’une ne fait que branler en attendant sa première communion. Déménagement pour la rue de Lille. Chanson grivoise. Demande de vin de Larose. Correction des épreuves des Faux Démétrius. Le célibat. Les « étoffes brochées d’or à ramages » chez les peintres flamands et italiens du Musée du Louvre (dessins). Recherche sur la ville de Quinsai citée par Marco Polo...
▬ 1853. Mariage de Saulcy avec « une jeunesse de 18 ans ». Mérimée songe à se marier, « surtout le matin »... Plaisanterie salace sur le nez de François Génin... « On dit que l’Empereur est le résultat de l’Élection, et l’Impératrice de l’Érection »... Le costume des Tsars (dessin). Amusante lettre sur sa nomination au Sénat. Vêtements sacerdotaux du XIIIe siècle trouvés à la cathédrale de Bayonne (dessins). Histoires grivoises : «Mais je suis trop vieux, et il est rare à présent que je le fasse plus de 120 fois par mois ». Séjour à Madrid, « où la chemise de chair vive coûte cher, mais on en a pour son argent »...
▬ 1854. Retour d’Espagne. Nomination de Fortoul au Sénat. Lectures. Spleen. Amusante relation d’une séance au Sénat. Travail sur les Cosaques. Recherches sur Fæneste. Mérimée suggère à Fr. Michel de travailler sur
les machines de guerre, et parle du livre de Napoléon III sur l’artillerie. Lecture de l’Histoire des hôtelleries, cabarets... de Michel. Projets de voyages en Angleterre, à Venise, en Allemagne...
▬ 1855. Sur les ciments au Moyen-Âge. Commande de vin (château Palmer, Margaux). Fortoul a proposé à Mérimée une chaire de littérature comparée à la Sorbonne ou au Collège de France.
▬ 1856. Correction des épreuves des Études de philologie comparée sur l’argot de Michel ; Mérimée suggère des additions. Protocole des présentations à l’Empereur. Michel est accusé de viol en Angleterre ; Mérimée lui donne des conseils, mais ne peut lui servir de témoin de moralité : « Dans ma jeunesse je me suis fait casser un bras par un mari qui trouvait à redire que je le fisse cocu. Depuis je n’ai jamais vécu en hypocrite, et la conséquence a été qu’encore aujourd’hui je passe auprès de bien des gens pour un homme immoral. À mon âge, j’en suis assez flatté »... Départ pour Nice et la Provence.
▬ 1857. Correction du chapitre sur le vocabulaire bohémien du Pays basque de Michel, et lecture de ce livre (Le Pays basque, sa population, sa langue, ses mœurs, sa littérature, et sa musique).
▬ 1858. « Je passe mon temps for t tristement à la commission de la Bibliothèque. [... ] il faut que j’étudie le système des catalogues, ce qui est peu récréatif ».
▬ 1859. Sur les Montijo et les Kirkpatrick. Un tableau attribué à Giorgione.
▬ 1861. Au sujet du livre de Michel sur Les Écossais en France et du prix Gobert. La commission du Sénat pour le nouveau sénatus-consulte.
▬ 1870. Dernière lettre de cette correspondance (Cannes 8 janvier) : Mérimée est bien souffrant à Cannes et ne sait quand il pourra rentrer à Paris. Note autographe (en tête du t. I) du bibliophile G. MOURAVIT : « Cette
précieuse collection de lettres inédites de Prosper Mérimée vient de chez A. de Barenton. Elle a été adressée au savant philologue et médiéviste Francisque-Michel, qui a été un peu mon maître, quand j’habitais
Bordeaux (il m’avait confié et j’ai fait, jusqu’au bout, la correction de son Histoire du Commerce de Bordeaux). Il y a un fragment de lettre de sa main au 2 e volume, avec signature [...] Toutes les enveloppes ont été
jointes [...] J’ai ajouté [... voir détail ci-dessous] »...

On a relié en tête du tome I :
– portrait gravé de Mérimée par Ad. Lalauze d’après Devéria ;
– photographie de Jenny DACQUIN, « l’Inconnue » de Mérimée ;
– lettre a.s. de Francisque MICHEL au libraire-éditeur Jannet, 2 juillet 1856, au sujet de son édition de Gérard de Rossillon (1 p. in-4, adr.) ;
à la fin du tome II :
– lettre et attestation a.s. de R. Francisque-Michel au sujet de la vente des lettres de Mérimée à son père par l’intermédiaire
de M. Bender, 26 juillet 1888.

On joint une autre L.A.S. « Pr Mérimée » à Francisque Michel (?), jeudi 26 mai [1864 ?]. Il a vu Baroche qui est intervenu auprès du procureur impérial... « Je suis revenu sur le sujet des prétendues saloperies. Il m’a
dit qu’apparemment on ne se mettait pas sur un lit avec une femme pour lire le catéchisme »...

PROVENANCE
G. MOURAVIT (ex-libris),
Alain de SUZANNET (ex-libris ; 1977, n° 218),
Daniel SICKLES (IV, n° 1298).
Partager