Lot n° 90

MALHERBE FRANÇOIS DE (1555-1628) — L.A. (minute), [mai 1608 ?, à la Comtesse de LA ROCHE] ; 1 page in-fol. (31,5 x 19,5 cm ; rousseurs, 2 petits trous par corrosion d’encre, légères réparations aux plis au verso).

Estimation : 8 000 - 10 000 €
Adjudication : 3 900 €
Description
♦ Minute d’une magnifique déclaration d’amour.

[Cette lettre a été jadis considérée comme adressée à la vicomtesse d’Auchy, chantée par Malherbe dans ses vers sous le nom de Caliste. Elle a été publiée dès 1630 dans Les Œuvres de François de Malherbe (Paris, Chappelain, 1630, livre III, lettre 1), sans la mention «À Caliste ». Il s’agit plus probablement la première déclaration d’amour de Malherbe à celle que, lassé de l’indifférence de Caliste, il choisit alors d’aimer: la Comtesse Marthe de LA ROCHE, née de Clermont d’Amboise, qui avait épousé en 1590 Balthazar Flotte, Comte de La Roche (1554-1613). Il lui adresse en mai 1608, probablement à l’époque même de cette lettre, les belles Stances « Le dernier de mes jours est dessus l’horizon »…, suivies quelques mois plus tard par la Plainte sur une absence « Complices de ma servitude »… Une copie ancienne de cette lettre, dont l’autographe était resté inconnu et présente quelque variantes, figure dans le recueil Baluze 133 (f° 36) à la Bibliothèque nationale de France.]

« Je me jette à vos pieds M[adame] pour vous crier mersy dune temerité que je vois commettre, la plus impudente et la plus outrecuidée qui se puisse immaginer, Vous vous esmerveillerez sans doute de quelle nature peut estre ce crime que devant que lavoir fait jen demande l’absolution. Cest M[adame] que je vous veux offrir de passer le reste de mes jours en vostre service, et vous protester que sy vous me faites la grasse de le trouver bon je la resseveray comme la plus particuliere obligation dont jamais la fortune ait moien de me gratifier. Ceste volonté me naquit en lame la premiere fois que jeus lhonneur de vous voir mais sans mentir, je la combatis de tant de raisons quelle eut honte de paroistre et demeura comme assoupye. Jusques a ceste heure que par deux ou trois semblables occasions qui se sont offertes de me rencontrer en vostre presensse je lay tellement réveillée que je suis contraint de la vous declarer moymesme pour empescher quelque mauvais effet aquoy l’indiscretion la pourroit precipiter. Je nignore pas M[adame] combien lofrande est indigne de lautel mais telle quelle est je la vous aporte avec ung esprit sy purgé de toutes les afections precedentes et sy hors de soupson den ressevoir jamais dautres a lavenir. Je le fais ma reyne je le fais ma chere deesse je le jure par le desir que jay daquerir vos bonnes grasses. Vous pouvez pensser si sest ung serment que je me propose de violer. Croiez le donc ma chere Deesse et trouvez bon quen toute humilité je baise vos belles et blanches mains. Je suis ».

Œuvres (Bibl. de la Pléiade), p. 324.
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