Lot n° 59

[VAUBAN (Sébastien Le Prestre De) (1633-1707)] — Projet d’une dixme royale : qui supprimant la taille, les aydes, les doüanes d’une province à l’autre, les décimes du Clergé, les affaires extraordinaires ; & tous autres impôts onéreux...

Estimation : 10 000 - 12 000 €
Adjudication : 66 976 €
Description

& non volontaires… — S. l. [Rouen: François Maurry], 1707 — In-4 (188 x 250 mm), (8)-204-(20) pp. et un tableau dépliant + 2 ff. d’annotations manus - crites entre les pp. 170 et 171. (Papier un peu roux, rousseurs éparses).
Veau fauve de l’époque, dos à nerfs fleurdelisé, pièce de titre de maroquin bordeaux, encadre - ment d’un triple filet à froid sur les plats, coupes décorées, chemise en demi-basane brune (insolée) et étui bordé postérieurs. (Quelques discrètes restaurations à la reliure, charnières un peu fendues).

♦ Rare première édition de l’un des ouvrages économiques les plus originaux du XVIII e siècle.

Exemplaire de seconde émission, avec la faute corrigée page 16 : « le septier pesant net deux cens quarante livres », au lieu de cent soixante-dix comme indiqué par erreur dans la première émission.

Durant la dernière décennie de son existence, Vauban passe progressivement du statut de favori du roi à celui d’adversaire, désapprou - vant les politiques religieuse, militaire et com - merciale menées par Louis XIV. En juin 1700, il lui présente néanmoins son projet de dîme royale. Pour résoudre la crise financière, Vauban propose de substituer à la taille, impôt qu’il considère injuste et incertain, un impôt d’Etat mobile, frappant le revenu de tous les habitants du royaume, dans une proportion variant du vingtième au dixième suivant les ressources de chacun. Ce principe d’un impôt mobile est la première tentative en science économique de remplacer des systèmes rigides par un méca - nisme à échelle variable. Louis XIV applaudit mais Vauban sait pertinemment qu’il n’acceptera jamais un système fiscal qui voudrait charger même les terres du roi, et dont le principe de l’égalité de tous les contribuables devant la loi est contraire à l’esprit du régime féodal. Sentant sa fin approcher, il décide de prendre tous les risques. « Décembre 1706 : un maréchal de France [Vauban] âgé de soixante-treize ans, introduit lui-même dans son carrosse franchissant la porte Saint Denis, deux ballots de feuilles clandestinement imprimés à Rouen, qu'il fait aussitôt relier chez la Veuve Fétil, rue Saint Jacques. Un bel in-quarto qu'il s'agit de distribuer aux amis influents qui auraient pu contribuer au succès de son action. Les Arrêts du Conseil privé du roi devaient enjoindre que tous les exemplaires (au nombre de 276) fussent saisis, confisqués et mis au pilon » (En Français dans le texte). Vauban meurt le mois suivant, en mars 1707.

Exemplaire unique, présen tan t des particularités remarquables :

- Les bandeaux et culs-de-lampe gravés de l’édition ont été recouverts à l’époque de ban - deaux et vignettes aux armes de Vauban (OHR, pl. 343). Une vignette à ses armes a également été apposée sur la page de titre juste au-dessus de la date.

  • eux feuillets de notes manuscrites à l’encre ont été reliés entre les pages 170 et 171, corrigeant et développant les points V et VI de la page 171. La même main a raturé les deux feuillets suivants (page 171-174). Ces notes ont autrefois été considérées comme autographes, dans le catalogue de la vente de la bibliothèque de H. de Lassize (1867, n° 1288) ou par Brunet (supplément, tome II, 848), ce qui apparaît aujourd’hui erroné. Néanmoins, elles seraient probablement de la main de son secrétaire et collaborateur, Vincent Ragot de Beaumont. Le contenu de ces notes est audacieux, comme en témoignent les dernières lignes qui reflètent bien l’état d’esprit de Vauban au moment de l’impression de son ouvrage : « Il faut distinguer deux sortes de nobles : les uns qui le sont par mérite […] les autres pour avoir acheté la noblesse par l’argent. Les uns sont utiles à l’État, parce qu’ils le soutiennent et lui font honneur, au lieu que les autres lui sont à charge. Ainsi ce qui va estre dit regarde la veritable noblesse, dont il serait bon de faire un catalogue dans chaque province, et même dans chaque généralité, pour ne point s’y méprendre. » 

     

RÉFÉRENCES

En français dans le texte, n° 134 ; Kress n° 2583 ; Goldsmith, n° 4431; Walter Braeuer, « Quelques remarques sur l’œuvre économique de Vauban », Revue d’histoire économique et sociale, vol. 29, n° 1, 1951, pp. 8-25; Arthur Michel de Boislisle, La Proscription du projet de Dime Royale et la mort de Vauban (Mémoire lu à l’Académie des sciences morales et politiques), Paris, 187.

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