Lot n° 22

LIVRE D’HEURES DU POU-DE VEAUCE (À L’USAGE DE POITIERS ET DE PARIS) — Livre d’Heures du Pou-de Veauce (A l’usage de Poitiers et de Paris) France, Tours, v. 1475-80

Estimation : 150 000 - 200 000 €
Adjudication : 119 600 €
Description
234 ff., page de garde, (feuillets vierges éliminés après les feuillets 36 et 123, le feuillet 120 est détaché et devrait suivre le feuillet 123) ; (i12, ii8+1, iv7 (feuillet vierge viii éliminé), v8+1, vi10, vii-xiv8, xv3+1 [feuillet vierge iv éliminé], xviii8, xix8+1, xx-xxviii8, xxix6) ; 110 x 83 mm. (66 x 43 mm.); sur parchemin ; 13 longues lignes à l’encre carbone ; réglures à l’encre rouge ; foliotation moderne au crayon erronée (+1 après 43, +2 après 89, +3 après 124) ; semi-hybrida formata ; 4 miniatures pleine page attribuables au Maître du Boccace de Munich et 12 vignettes historiées attribuables à Jean Bourdichon - calendrier à l’encre rouge, bleu et or avec bandeaux marginaux ornés de rinceaux à feuilles d’acanthe, petits besants dorés feuilles, fraises et fleurs, initiales peintes sur fonds doré avec un motif central de fleur, petites initiales dorées ornées sur fonds bleu, brun ou rouge, bouts de lignes, cent quarante-huit bandeaux marginaux à motifs de fines feuilles et fleurs colorées sur tiges déliées garnies besants dorés, encadrements aux feuillets comportant les 12 vignettes ou les initiales sur quatre lignes, les encadrements apparaissent sur des fonds en or liquide avec des motifs de fleurs et d’insectes, le quatre miniatures pleine page possèdent des encadrements peints comme sertis de joyaux ; ouvrage régulièrement feuilleté, certaines enluminures comportent des marques de frottements dont la première page et les miniatures pleine page, certains encadrements et bandeaux rognés par la reliure XIXe, petites galeries de vers au dernier feuillet, bon état dans l’ensemble.

Plein vélin au XIXe siècle, dos long avec double filet doré à l’emplacement des nerfs, double-filet sur les plats, tranches dorées, conservé dans un étui de toile blanche fabriqué pour le Major Abbey. (110 x 76 mm)

Bien connu des historiens de l’art, cet exceptionnel manuscrit contient des miniatures particulièrement originales d’une grande finesse, probablement le fruit du jeune Jean Bourdichon (vers 1457-1521) et du Maître du Boccace de Münich, identifié par François Avril comme l’un des fils de Jean Fouquet, l’un des plus grand peintres de la Renaissance française. Ce chef-d’oeuvre de l’art tourangeau a sans doute été commandité en 1481 par le seigneur François du Pou, secrétaire du Duc de Bretagne François II, et possédé par sa femme Jeanne du Pou.

ICONOGRAPHIE
Au moment de la découverte du manuscrit par les spécialistes en 1965, Andreas Mayor décrit la miniature du Triomphe de la mort en ces termes « unique not only in the oeuvre of Fouquet and his school but in the whole of fifteenth-century French painting ».
En 1989, König, se basant sur l’analyse d’Andreas Mayor, attribua les quatre miniatures à Fouquet lui-même (Tenschert, 1989, n°69). Nicole Reynaud, quant à elle, élargit l’attribution au cercle de Fouquet et identifia la main de l’enlumineur des Heures de François de Bourbon-Vendôme (Paris, Arsenal, Ms 417), membre du cercle de Fouquet (Avril et Reynaud, 1993, p.150). Reynaud remarquant que les dates de production étaient relativement tardives pour être la production de Jean Fouquet lui-même, avança que le manuscrit devait être de la main d’un de ses fils, Louis ou François, le Maître de Boccace de Munich.

L’influence de Jean Fouquet est indéniable dans la réalisation des quatre miniatures pleine page du manuscrit. La profondeur des plans successifs du Triomphe de la mort reprend la technique de « perspective aérienne » d’Alberti maitrisée par Fouquet ; les verticales des personnages et la dépigmentation vers les dégradés de bleu augmentent l’effet de perspective. Les compositions du couronnement de la Vierge et de l’Annonciation s’inspirent aussi des Heures de Charles de Croy conservées au Musée Ruskin et des Heures de Jean Robertet conservées à la Morgan Library (Ms. M. 834). La miniature de David et Goliath se rapproche des Heures de Phillipe de Commynes, attribuées tour à tour à Colombe ou Fouquet lui-même.

Les initiales historiées composées de différents portraits en buste sont attribuées selon König à l’œuvre du jeune Jean Bourdichon (vers 1475- 80), alors aux côtés du fils de Jean Fouquet, le Maître du Boccace de Münich. Le cadrage à mi-corps des personnages de ses compositions fait partie des caractéristiques de l’artiste. Plus récemment François Avril, dans une intervention sur les Heures de Veauce, proposa une autre identification. Ce n’est pour lui ni Fouquet ni Bourdichon mais un contemporain de Bourdichon durant la même période dont le style semble moins froid que le maître des Heures d’Anne de Bretagne. Et l’artiste des Heures de Bourbon-Vendôme de l’Arsenal semble s’être du cercle proche de Fouquet (König par la suite a reconfirmé ses attributions à Jean Fouquet et au jeune Bourdichon).

Liste des miniatures pleine page attribuées au Maître du Boccace de Munich :
− 23v : Vierge à l’enfant
− 37v : L’annonciation
− 119v : David et Goliath
− 150v : Le triomphe de la Mort
Liste des 12 miniatures attribuées à Jean Bourdichon :
− Péricopes évangéliques : f.13r, Jean - f.16r, Luc - f.18v, Mathieu - f.21r, Marc.
− O Intemerata : f. 30r, Vierge en prière.
− Heures de la Vierge : Laudes : f.55v, Visitation – Prime : f.76v, – Tierce : f.86r :
Annonce aux bergers – Sexte : f.92r, Adoration des mages – None : 100r,
Présentation au temple – Vêpres : 106v, Fuite en Égypte – Complies 115r :
Couronnement de la Vierge.

TEXTE
Usage liturgique composite (Paris et Poitiers)
− ff.1-12v : Calendrier en français à l’usage de Paris.
− ff.13-22v : Péricopes évangéliques (13r : Johannes ; 16r : Lucas ; 18v : Matheus ; 21r : Marcus)
− ff. 24-36v : Obsecro te et O intemerata (f. 30r)
− ff.38-122 : Heures composites, à l’usage de Poitiers (?), variantes proches de plusieurs usages de l’ouest de la France (Normandie/Bretagne) ;
- f.38-55r : Matines (Variante : Lectio 1, « O beata maria quis tibi » )
- f.55v-72v : Laudes
- f.73r-74 : Prime dans les heures de la Croix
- f.75-76r : Prime dans les heures du Saint Esprit
- f.76v-85v : Prime dans les heures de la Vierge
- f.86r-93r : Tierce (Vierge)
- f.93v-99v : Sexte (Vierge) - f.100r-105r : None (Vierge) (Variante : Respond, « Speciosa facta es » )
- f. 105v : None dans les heures de la Croix
- f. 106r : None dans les heures du Saint Esprit
- f.106v-114v : Vêpres
- f.115r-120v : Complies (Variantes : Antiphon I, « Cum iocunditate » - Nunc dimittis Antiphon, « Tota pulchra » )
- f.121r-v : Complies dans les heures de la Croix
- f.122r-v : Complies dans les heures du Saint Esprit.
− ff.123-149v : Psaumes pénitentiels et litanies (f. 142r)
− ff.151r-198r : Office des morts, à l’usage de Paris (suivant le relevé de Knud Ottosen, ordre des réponds : 72, 14, 32, 57, 24, 68, 28, 46, 38).
− ff.198v-205 : Prières au Christ, rubr. « Oraison a notre seigneur » :
- f.198-206r « O dulcissime domine ihesu christe vere deus [...] »,
- f.206r : « O bone et dulcissime ihesu »,
- f. 208r « O beatissime Domine Jesu Christe » (Leroquais 35),
− ff.208v-210v : rubr. « Passio domini nostri ihesu christi. Secundum iohannem », « In illo tempore... » (Io, 19,1).
− ff. 208v-229r : Suffrages (Martin, Jaques, Christofle, Sebastien, Denis, Nicolas, Glaude, Cosme, Fiacre, Jehan, Jehan levangeliste, Michiel, Apostres, Vierges, Barbe, Agathe, Anne, Katherine, Apoline)
− ff. 229v-232r : Prières, ajouts d’une autre main contemporaine : « Avete
omnes anime fidelis quarum corpora ... in conspectu tuo omnis vivens » -
« Domine ihesu christe salus et liberatio ... confoveri iubeas »
- f. 231 :
Prière, ajout d’une autre main postérieure « Dirigere sanctificare regere et
gubernare dignare domine ihesu... ».

PROVENANCE
Long ex-libris manuscrit au verso du dernier feuillet (234v) d’un breton « Trequerne du Crossec, cadet de Kergal », qui hérita ce livre de sa mère « Janne du Pou, dame de Coettro, Kernivinen et de Kercaire ».
Les du Pou sont issus d’une vieille famille du sud de la Bretagne dans le Vannetais. François du Pou, Seigneur de Kernivinen fit une importante fondation aux Carmes d’Hennebont. Dans un acte de baptême daté de 1613 sont mentionnés les noms de la « commère demoiselle Jeanne du Pou » et du « compère Julien Bino, écuyer, Sieur de Coettro (Seigneurie en Plumergat) et Kernivinen... ». Peut-être étaient-ils mari et femme ? En 1599, Julien Bino, Sieur du Coëtro faisait aveu à Guy de Laval, Seigneur
du Largouet, de ses possessions, dont les terres de Thalebot.
La filiation de Jeanne du Pou est inconnue, seul une homonyme est attestée en 1448 au manoir de la Villeneuve, en Bubry, mais nous savons que le manoir de Kergal et sa seigneurie, était possédé vers 1635 par Michel de Lantivy, Seigneur du Faouëdic, par son mariage avec Jacquette, fille de
Michel Le Crossec, Seigneur de Kergal.
Ex-libris au contreplat supérieur de John Roland Abbey.
Ex-libris de la célèbre bibliothèque ésotérique néerlandaise, la Bibliotheca Philosophia Hermetica ou Ritman Library.

BIBLIOGRAPHIE
Avril et Reynaud, 1993, p.150-151 – Avril, 2003, p.345-349 – Backhouse in Kren, 1983, p.163, fig. 21b – Plummer, 1982 – Tenschert, 1989, n°69.
- Jean-Luc Deuffic, « « Heures de Veauce », ayant appartenu à Jeanne du Pou », https:// pecia.blog.tudchentil.org/2008/10/15/livres-d-heures-books-of-hours-a-new-website-heures-de-veauce-ayant-appartenu-a-jeanne-du-pou/
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