35 : i2, ii-viii8, ix9 [10-1, dont le dixième cahier manquant], x-xii8, xiii2, xiv-xvi8, xvii2, xviii8, xix6, xx2, xxi2 ; 183 x 122 mm. (117 x 69 mm.) ; sur parchemin ; 24 longues lignes à l’encre carbone ; réglures à l’encre rouge ; quelques réclames, numérotation des cahiers dans la marge intérieure (parfois cachés dans la couture des cahiers) ; textualis formata ; rubriques, bouts de ligne à l’encre bleue et rouge, initiales cadelées à l’encre noire d’une ligne souligné d’encre jaune ou sur trois lignes avec encadrement à l’encre jaune parfois grotesque (profil d’homme), portée de quatre lignes à l’encre rouge à notation neumatique carrée, initiales filigranées à l’encre bleue ou dorée, grandes initiales peintes bleues ou rouges sur fonds d’or sur une à quatre lignes, quelquesunes à antennes terminées de feuilles de vigne dorées ou bleues, jusqu’à parfois former un superbes encadrement de feuilles de vigne et écus dorés (f.3 et 34v), une initiale historiée « D » introduisant l’office des mort au f. 3r (Job sur un tas de fumier moqué par sa femme et un de ses fils, 38 x 41 mm.), oiseau (épervier) dans l’encadrement en marge extérieure et armes peintes en marge inférieure du même feuillet. Plein maroquin noir du XVIIe ou XVIIIe siècle, dos à cinq nerfs avec décor aux entrenerfs, plats ornés d’un motif central à la « Du Seuil » avec trois filets d’encadrement, roullette dorée sur les coupes, tranches dorées, gardes de papier marbré, mors et coins légèrement frottés, un trou de vers au plat supérieur ; Bel état (190 x 130 mm).
♦ Manuscrit liturgique probablement destiné à une sœur dominicaine de l’abbaye de Poissy et appartenant selon les armes en f. 3, à la famille Perdu, originaire de la région.
Cet élégant processionnal de poche a été copié à l’usage de l’abbaye royale de Poissy au XVe siècle (aujourd’hui dénommé Prieuré Saint Louis de Poissy), fondée par Phillipe IV en 1304 en l’honneur de son grand-père Saint Louis ; il confia ensuite les lieux à des Dominicaines. Les liens avec la famille royale durèrent des siècles et l’abbaye fût même choisie en 1561 pour une tentative infructueuse de réconciliation entre les catholiques et protestants dénommée aujourd’hui le « Colloque de Poissy » (voir S. Moreau-Rendu, 1968).
La bibliographie sur les manuscrits provenant de l’abbaye répertorie aujourd’hui 31 processionnaux. Joan Naughton, dans son étude en avait premièrement identifié vingt sept et l’on en connaît maintenant trente-et-un. Notre manuscrit n’y est pas répertorié. Le volume contient l’office des morts à l’usage des dominicains et un processionnal avec un ensemble d’oraisons dédiées à l’usage dominicains (plusieurs processions pour Saint Dominique et pour la Fête-Dieu) et d’autres à l’usage de l’abbaye (Saint Louis (à qui l’abbaye était dédiée) et les deux dernières processions étaient propres à Poissy. On retrouve aussi une procession dédiée à la purification de autels de l’abbaye (ff. 48v-49). Bien qu’un nombres important de rubriques aient des formes masculines, plusieurs autres rubriques et chants se réfèrent aux « sorores » de l’abbaye (voir f.97 : In professione sororum).
TEXTE
− ff. 1-2v, Ajout postérieur de la fin du XVIIe (période de la reliure?), portées avec notation neumatique carrée de réponds, versicules et antiennes.
− ff. 3-34, Office des morts à l’usage des Dominicains (voir Knud Ottosen, The Responsories and Versicles of the Latin Office of the Dead [Aarhus, 1993] 108-109, et 239-242), portées avec notation neumatique carrée de réponds, versicules et antiennes.
− ff. 34v-35, Psaumes pénitentiels [fin manquante], rubr., Secuntur septem psalmi penitentiales
− ff. 35-97v, Processionnal avec notations musicales [début manquant], rubr., Postea aspergatur aqua benedicta, suivit de rubr., In processione antiennea, avec la Bénédiction des cendres (f. 39v) ; Dimanche des rameaux (f. 42v) ; rubr., Feria quinta in cena domini... due sorores ante gradus altare... (f. 48) ; rubr., Ordo altarium abluendorum (f. 49) ; Dominique et Pierre (f. 59), Louis (f. 49v, f. 90) ; Jean Baptiste (f. 60v); Corpus Christi (f. 81v) ; Nativité de Saint Jean Baptiste (f. 83v) Dominique (f. 85v) ; Nativité de Marie (f. 92) ; f. 94, rubr., In solenni receptione conventus dicatur de beata virgine... ; f. 94v, rubr., In receptione legatorum et prelatorum ; f. 95v, rubr., In receptione secularium principium; f. 97, rubr., In professione sororum ; f. 97v-101v, Missa temporis pestis ; suivit de la Messe pour Saint Dominique, rubr., De sancto Dominico ; ff. 102-112, rubr. « Ad communicandum infirmum vadat prelatus vel ille cui invenerit indutus camisia et super pellico cum stola ... [terminaisons de genre masculin : “Cum frater morti penitus...” (f. 111)]; ff. 112-114v, Kyrie et Litanies, avec Dominique (cité deux fois, f. 113), Louis (f. 113); explicit, “Finita letania si adhuc vixerit dicant fratres septem psalmi penitenciales...” [again masculine forms]; ff. 114v-142v, rubr., Sequitur commendationis officium; f. 143, feuillet ajouté plus tardivement (main du début du XVI e siècle), incipit partiel : “[..;] filium dei accedamus cum fiducia ad thronum fiducie...” f. 143v, blanc; ff. 144-145v, feuillets ajoutées vers la fin du XVII e siècle (?), notation musicale.
Ce manuscrit est composé de l’Office des morts, d’un processionnal avec les messes
pour les malades, défunts et enterrement, à l’usage des sœurs dominicaines de Poissy. Le
processionnal qui regroupe les chants et les textes pour les processions de l’abbaye. La
diversité des différentes pièces textuelles qui les accompagnent (heures, office des morts, oraisons diverses, avec des usages toujours curieux) en fait une source inépuisable de textes liturgiques. Notre manuscrit en est un parfait exemple. Les manuscrits de l’abbaye
de Poissy étaient souvent de poche, parfois enluminés et adaptés à l’usage quotidien des
sœurs de l’abbaye. Chacune de ces sœurs avait habituellement un processionnal propre
avec des oraisons spécifiques, à l’image de notre manuscrit. L’usage dominicain de notre manuscrit ne fait aucun doute : on retrouve plusieurs fois la présence de Saint Dominique et de Saint Louis, avec la procession pour la Fête-Dieu, par ticulièrement suivie par les Dominicains dès 1324 environ, les processionnaux pour Saint Jean Baptiste et la naissance de la Vierge (qui date du XVe siècle). Certaines rubriques font directement
référence aux sœurs (sorores) de Poissy avec des instructions spécifiques pour les messes
et processions au sein de l’abbaye. Naughton dans son étude souligne que les manuscrits
étaient des outils pour les sœurs dominicaines « daily duties to be performed in the choir,
namely to sing correctly, loudly and clearly the Dominican liturgy... » (J. Naughton, 1998,
p. 89). C’est surement pour cette raison qu’ils étaient si peu ornés comme notre manuscrit.
ICONOGRAPHIE
Les ouvrages liturgiques issus des abbayes et à l’usage de leur membre ne portent pas que
des particularités textuelles, il n’est pas rare d’observer des composants graphiques contradictoires comme ici. Si l’on se fie à l’écriture en textualis formata et surtout aux décors secondaires (les initiales à antennes et les encadrements ornés de feuilles de vigne), on pourrait dater le manuscrit de la première moitié du XVe siècle. Mais la présence d’initiales cadelées dans l’ensemble du manuscrit suggère plutôt la fin du XVe siècle ; hypothèse soutenue par le décor et la main de l’initiale historié dans le
style des Très Petites d’Anne de Bretagne. Les décors secondaires seraient donc plutôt un
archaïsme de l’artiste.
La présence d’enluminures historiées dans les processionnaux est d’ailleurs très rare, surtout dans les manuscrits de Poissy connus pour leur sobriété. Il est donc curieux d’observer l’initiale D au f. 3, même si elle illustre l’Office des morts qui ne fait pas partie intégrante de la liturgie processionnelle. Il est également probable que le cahier manquant qui introduisait le processionnal avait également une initiale historiée.
Le style de l’artiste ayant réalisé l’initiale n’est pas facilement identifiable ; il semble parisien et proche du Maîtres des Très Petites Heures d’Anne de Bretagne (Jean d’Ypres(?) actif entre 1490 et 1508) mais pas suffisamment raffiné pour être de sa main. On pourrait donc supposer un membre de son atelier ou un suiveur ayant étudié son œuvre (France 1500 (2010), pp. 243-249). Le nom du Maître des Très Petites Heures d’Anne de Bretagne a été proposé par Avril et Reynaud en 1993 (Les manuscrits à peintures en France, pp. 265-270); ils rapprochent cet artiste à l’un des fils de Colin d’Amiens (i.e. Nicolas d’Ypres), Jean d’Ypres. Le style de Jean d’Ypres fût particulièrement suivi à Paris durant la période (France 1500, 2010, p.220). La datation de l’initiale est corroborée par le style de la robe du personnage féminin rappelle celles des enluminures de Jean Pichore vers 1500 (Pétrarque, Paris, BnF, MS fr. 225 (c. 1503), voir Avril et Reynaud, 1993, p. 415).
PROVENANCE
La richesse du manuscrit suggère également une commande d’une personne importante pour l’abbaye et probablement proche de la cour car les conditions d’entrée étaient très strictes. Les novices dominicaines étaient toutes de bonne naissance, instruites et devaient obtenir l’autorisation du roi pour pouvoir être admises.
Les armes en marges du troisième feuillet sont probablement celles du commanditaire « d’azur à la croix d’or cantonnée de quatre éperviers d’argent » ont été mal identifiées dans un note manuscrite à un certain « François de Brugières, secrétaire du Roi ». Cette famille est répertoriée dans Rietstap (Armorial général, vol. 1) mais la description héraldique ne correspond pas exactement : « D’azur à la croix denchée d’or, cantonnée de quatre aigles de même » . Après des recherches plus approfondies, les armes correspondent à la description du blason de la famille des Sautereau, de Moirans, qui
portent d’azur à la croix d’or cantonnée de quatre éperviers d’argent (Rivoire 1867, 686-
689). On pourrait donc identifier l’oiseau en marge comme un épervier. Un certain Jean de
Sautereau, Seigneur de Moirans, qui combattit à la bataille de Verneuil en 1424, ou plus
certainement une femme de la famille envoyée à l’abbaye. (Allard Guy, Dictionnaire historique... du Dauphiné, tome deuxième, 1864, p. 506).
BIBLIOGRAPHIE
- Avril, F. and N. Reynaud. Les manuscrits à peintures en France, 1480-1520, Paris, 1993.
- Geneviève Bresc-Bautier, Thierry Crépin-Leblond, Elisabeth Taburet-Delahaye et Martha Wolff, France 1500. Entre Moyen Age et Renaissance, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2010 – R. Watson, Victoria and Albert Museum. Western Illuminated Manuscripts, vol. I, no. 66 - Gy, P. M. “Collectaire, ritual, processional,” Revue des sciences philosophiques et théologiques 44 (1960), pp. 441-69. 4 ww.textmanuscripts.com - Huglo, Michel, “Processional,” The New Grove Dictionary of Music andMusicians, ed. Stanley Sadie, London, 1980, vol. 15, pp. 278-281.
- Huglo, M. “Les processionaux de Poissy,” Rituels: mélanges offerts à Pierre-Marie Gy, ed. P. De Clerck and E. Palazzo, Paris, 1990, pp. 339-446. – Huglo, M. Les manuscrits du Processional, Volume I, Autriche à Espagne, Répertoire international des sources musicales B XIV (1), Munich, 1999.
- Huglo, M. Les manuscrits du Processional, Volume II, France à Afrique du Sud, Répertoire international des sources musicales B XIV (2), Munich, 2004 - Moreau-Rendu, S. Le Prieuré royal de Saint-Louis de Poissy, Colmar, 1968.
- Naughton, Joan. “The Poissy Antiphonary in its Royal Monastic Milieu,” La Trobe Library Journal 51 and 52 (1993), pp. 38-49.
- Naughton, Joan. “From Unillustrated Book to Illustrated Book : Personalization and
Change in the Poissy Processional,” Manuscripta, 43/44 (1999-2000), pp. 161-187.
- Naughton, Joan, “Books for a Dominican Nuns’ Choir : Illustrated Liturgical Manuscripts at Saint-Louis de Poissy, c.1330-1350,” The Art of the Book. Its Place in
Medieval Worship, eds. Margaret Manion and Bernard Muir, Exeter, University of Exeter Press, 1998, pp. 67-109. -- Introduction to liturgical manuscripts : “Celebrating the Liturgy’s Books” http://www.columbia.edu/itc/music/manuscripts
- General Introduction to liturgical processions (New Catholic Encyclopedia, “Processions”) http ://www.newadvent.org/cathen/12446b
- Joan Naughton, “The Poissy Antiphonary in its Royal Monastic Milieu,” La Trobe Library Journal 51 and 52 (1993) ; http://nishi.slv.vic.gov.au/latrobejournal/issue/latrobe-51-52/t1-g-t6.html