Lot n° 188

SARTRE Jean-Paul (1905-1980). MANUSCRIT autographe, [fin 1952 ou 1953] ; 107 pages in-4 sur papier …

Estimation : 2 500 - 3 000 EUR
Adjudication : 4 160 €
Description
SARTRE Jean-Paul (1905-1980). MANUSCRIT autographe, [fin 1952 ou 1953] ; 107 pages in-4 sur papier quadrillé, dans un bloc Diane.
Importants brouillons pour un texte politique, en faveur des militants pacifistes poursuivis pour démoralisation.
Le manuscrit, à l'encre bleu nuit au recto de feuillets d'un bloc de papier quadrillé, présente des ratures et corrections. Certains passages sont repris successivement sur des feuillets différents, parfois incomplètement remplis, avec d'importants passages biffés.
Non paginé, et en désordre, le manuscrit pourrait présenter quelques lacunes.
Citons le début : «M. Vigne, secrétaire général des combattants de la Paix écrit un article intitulé : “La liberté de dire que nous voulons la Paix”. Le gouvernement engage des poursuites contre lui en vertu de la loi sur la Presse. Le tribunal de Beauvais l'acquitte en 1950 et la Cour d'Appel d'Amiens confirme le jugement en 1951. Motif de l'acquittement : l'article incriminé est une manifestation d'opinion. Dix-huit mois plus tard et pour le même article, M. Vigne est poursuivi devant la juridiction militaire, sous la qualification de trahison. Cela signifie, si je ne me trompe, qu'une manifestation d'opinion qui n'est même pas un délit de presse qui est solennellement certifiée comme le simple usage du droit d'exprimer sa pensée, peut être dans le même temps une véritable trahison. On peut être un traître rien qu'en usant de ses droits de citoyens. Ou si vous voulez : l'acte en lui-même n'est pas blâmable. Mais un acte parfaitement licite peut être en même temps criminel. Ce qu'on reproche à M. Vigne ce n'est pas bien sûr d'avoir fait connaître son opinion sur la guerre d'Indochine direz-vous ? Le gouvernement est trop heureux de la connaître ! Non : ce qu'on lui reproche c'est de l'avoir exprimé pour démoraliser la Nation»....
Sartre réagit à la loi pénalisant les «tentatives de démoralisation». Il y voit une attaque dirigée contre le Parti Communiste. «Le projet de 1950 risque de réussir là où l'occupant a échoué, avec un peu de chance, il détruira le régime. Que réclame-t-il ? Le droit d'emprisonner des communistes quand ça lui chante et sans être obligé de mettre en cause le Parti lui-même. Bref le droit de violer la Constitution [...]. Les véritables exigences du projet, on nous les cache et, bien qu'elles soient parfaitement intraduisibles en langue démocratique, c'est dans cette langue qu'on choisit de les exprimer. Bref on prend les mots, on les plie, on les tord, on les fait entrer de force dans des puzzles monstrueux, on leur donne l'air de définir le délit [...] en fait on fabrique un trompe-l'oeil dont le sens miroite de loin et, de près, s'évanouit ; on traduit arbitraire par égalité, loi d'exception par universalité, politique du gouvernement par vérité universelle ; on expose les principes de la terreur en terme de liberté et l'on décrit la guerre sous le nom de la Paix.»
Sartre s'attaque au gouvernement et à ceux qui l'incarnent : «Nos ministres sont des petites gens qui vivent à la petite semaine [...] Emménager, aménager, déménager, voilà le plus clair de leur existence»... [Nous n'avons pas retrouvé ce texte de Sartre dans Les Écrits de Sartre recensés par M.
Contat et M. Rybalka. Dans les années 1952 et 1953, Sartre s'est engagé dans le combat pour la Paix, en participant au congrès de Vienne, en prenant parti publiquement en faveur d'Henri Martin, militant communiste contre la guerre d'Indochine, et en publiant dans Les Temps modernes trois articles sur Les Communistes et la Paix.]
Plus un feuillet dactylographié : Texte de la lettre envoyée par la Commission internationale issue du Congrès des Peuples.
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