Lot n° 171

RACINE Jean (1639-1699). L.A.S. «Racine», Paris 27 octobre [1682], à son beau-frère Antoine …

Estimation : 12 000 - 15 000 EUR
Adjudication : 15 157 €
Description
RACINE Jean (1639-1699). L.A.S. «Racine», Paris 27 octobre [1682], à son beau-frère Antoine
RIVIÈRE, contrôleur du grenier à sel à La Ferté-Milon ; 2 pages et quart in-8, adresse (petit trou par bris de cachet enlevant quelques lettres, trace d'onglet sur la 1ère page affectant quelques débuts de lignes).
Touchante lettre familiale avant la naissance de sa nièce et filleule Marie-Catherine
Rivière.
[Racine est resté très attaché à sa soeur Marie et à ses parents de La Ferté-Milon. C'est là qu'il a envoyé en nourrice sa fille, Anne dite Nanette, née trois mois plus tôt le 29 juillet 1682 ; les deux autres enfants, Jean-Baptiste et Marie-Catherine (quatre et deux ans), sont auprès de lui à Paris et s'amusent avec des alouettes envoyées par Antoine
Rivière. Les Rivière attendent à leur tour à un enfant : ce sera Marie-Catherine dite
Manon, que Racine tiendra sur les fonts baptismaux avec sa cousine Vitart. Une des plaies de l'époque est le passage des gens de guerre, que les villageois sont tenus de loger ; Racine va user de ses relations pour tenter d'exempter de cette corvée son beau-frère (qui était médecin de l'hôpital et contrôleur du grenier à sel), ainsi que la nourrice à laquelle il restera fidèle au point de la nommer dans son testament.] «Je vous suis fort obligé, Monsieur, de l'honneur que vous me faites de vouloir que je tienne vostre enfant. Je me rendray pour cela a la Ferté Milon, dès que j'auray sceû que ma soeur est accouchée. Je pars demain pour aller a Fontainebleau, ou je ne serai que sept ou huit jours. Je vous prie de faire mes complimens a ma cousine Vitart et de lui tesmoigner la joye que j'ay d'estre son compere. Si le temps le permet le moins du monde je meneray ma Femme, qui aussi bien a une grande envie de voir sa Fille. Je suis bien obligé a mon cousin Regnaut de la bonté qu'il a d'avoir quelque esgard pour nostre nourrice dans les passages de gens de guerre. Je vous prie de lui dire que je la lui recommande de bon coeur, et que j'auray une extrème reconnoissance de ce qu'il fera pour elle. Pour vous si on vous incommodoit sur ce sujet, je vous prie de me le mander, car je n'espargneray ni mes pas ni mes soins pour vous exempter tout autant que je pourray. Il y a des villes ou le Medecin est tousjours exempt en qualité de Medecin de l'hospital. Informez vous tout doucement de cela et sans en faire de bruit. Car peutestre je pourrois vous faire donner cette exemption pour tousjours en cette qualité. Sachez comment on fait ou a Chasteauthierry ou a Crespy. Adieu, Monsieur, je souhaitte à ma Soeur un heureux accouchement. Ma femme lui baise les mains et a vous aussi.
Elle meine demain ses enfans a Melun où elle demeurera quatre ou cinq jours tandis que je seray a Fontainebleau. Nos enfans vous remercient de vos aloüettes. Ç'a esté une grande réjouissance pour eux. Mais je voudrois que vous ne nous envoyassiez point tant de biens a la fois»...
OEuvres complètes (Bibl. de la Pléiade), t. II, p. 464.
Provenance : M. PACQUENOT (de Soissons), arrière-petit-neveu de Racine par sa femme (inscription p. 4).
Ph. de Flers, Th. Bodin, L'Académie française au fil des lettres, p. 68-71.
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