Lot n° 64

COCTEAU JEAN (1889-1963). MANUSCRIT autographe signé «Jean Cocteau», Un Conte vrai, [1954] ; 4 …

Estimation : 1 000 - 1 200 EUR
Adjudication : Invendu
Description
COCTEAU JEAN (1889-1963). MANUSCRIT autographe signé «Jean Cocteau», Un Conte vrai, [1954] ; 4 pages in-4 au stylo-bille bleu avec ratures et corrections.
Ce conte bref a paru en janvier 1955 dans le magazine Amis des bêtes, précédé du chapeau «Un conte vrai, inédit de Jean Cocteau». Il a été intégré dans le troisième tome du journal de Cocteau, Le Passé défini, et repris dans l'édition de la Pléiade des OEuvres romanesques complètes sous le titre La Chatte de M. X.
Bien que s'adressant au large public des «Amis de bêtes», Cocteau ne verse pourtant pas un instant dans la mièvrerie, et s'amuse à prendre ses lecteurs à rebrousse-poil : «Il est juste, malgré le désir que j'avais d'écrire quelque texte aimable, que je note cette histoire pour les amis des bêtes et qu'une fois de plus elle leur prouve la terrible violence qui se cache sous les fourrures les plus douces».Le conte relate l'aventure de M. X., un homme sans histoire qui mène une vie tranquille et solitaire en compagnie de son adorable chatte, «ni siamoise, ni persane, ni rien d'autre apte à obtenir une médaille sauf si le tribunal estime que la grâce, la propreté, la décence, la patte de velours méritent de l'emporter sur les certificats de haute noblesse ». Celle-ci est sa seule compagnie, son seul amour... «M. X. était fou de sa chatte et la chatte semblait lui rendre son amour, ne le quittant jamais, dormant près de son oreiller, ne mangeant que s'il avait préparé sa nourriture et ronronnant du matin au soir sur son épaule». M. X ayant reçu une dépêche lui annonçant la mort d'un parent, il explique à sa chatte qu'il doit l'abandonner quelques jours. Voici le spectacle que les voisins découvriront peu après : «M. X. était couché dans son lit, la chatte accrochée à sa gorge. Cette gorge ouverte, labourée par les griffes ruisselait encore de sang. Les mains de l'homme n'avaient même pas cherché à le défendre. Elles pendaient sur les linges. Nul n'aurait osé approcher la touffe monstrueuse qui, on en était sûr, mourrait sur sa victime, ne bougerait plus de là. Et ce qui rendait le spectacle insupportable c'était la certitude que la chatte jalouse avait joué une scène de charme et avait laissé l'infidèle [se] mettre au lit».
Provenance : Carole WEISWEILLER.
On joint un MANUSCRIT autographe signé «Jean», [1954] ; 1 page et demie grand in-fol. à l'encre noire, sur deux feuillets, signé au dos du 1er feuillet, avec cette indication au verso du 2e feuillet : «Pour le disque».
Réflexions sur l'inspiration poétique. Texte destiné à accompagner la sortie du disque vinyle 25 cm Poèmes de Jean Cocteau dits par l'auteur, édité par Pathé-Marconi en 1954. Cocteau y lisait plusieurs de ses oeuvres, dont L'Ange Heurtebise, un poème sur Manolete et des extraits de son théâtre. «Il ne suffit pas d'avoir une idée. Encore faut-il que cette idée nous aie - nous occupe - nous hante - nous devienne insupportable et encombrante pour que nous l'expulsions et qu'elle se mettre à vivre d'une existence qui lui soit propre». Le rôle du poète est «d'ordre moral [...] Écrire, en ce qui concerne le poète, c'est changer de la nuit en lumière. C'est en quelque sorte mettre de la nuit en plein jour. Rien n'est plus complexe ni plus mystérieux que ce travail. [...] Somme toute notre métier (et PICASSO me disait : Le métier c'est ce qui ne s'apprend pas) notre métier est un métier d'archéologue. Puisqu'il ne faudrait pas dire inspiration mais expiration - que nos oeuvres préexistent et que notre entreprise est de fouiller notre âme». Le cinématographe et le disque, par leur grand tirage, multiplient pour le poète «les chances de toucher quelques personnes que le poète ne rencontrait pas jadis ou rencontrait à la longue et après sa mort. La lutte que mène le poète de son vivant est un paradoxe car il est posthume. La France a toujours tué ses poètes. La liste est longue de ses victimes. Et c'est une bonne chose.
Un poète doit mourir plusieurs fois avant de vivre»... Etc.
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