Description
voltaire (1694-1778). L.A.S. « Voltaire gentilhomme de la chambre du roy de France », Potsdam 1er août 1750, à Richard ROLT à Londres ; 2 pages in-4, adresse avec cachet de cire rouge (brisé) ; en anglais.
Belle lettre en anglais de Voltaire, qui fait l'éloge de la Constitution britannique, et définit son propre travail d'historien.
[Richard ROLT (1724-1770) a écrit des poèmes, des livrets d'opéra, et des ouvrages historiques, notamment An impartial Representation of the Conduct of the Several Powers of Europe engaged in the late general War... (Londres, 1749-1750), auquel Voltaire fait ici référence.] « I have received at Postdam, the obligent letter you directed to Paris ; but I have not yet received the favour of your book. The wisdom that shines in yr letter, raised in me, more and more, the desire to read that performance. I am confident you have been faithfull to yr Title, in writing impartially as an honest man, and a philosofer ought to do. [...] T'is yr duty to love, to praise, the form of the British Government; but do not believe we blame it in France. The situation of our country, the genius of our nation and many other reasons, have submitted us to the monarchik power, mitigated by the amiable mildness of our manners rather than by your laws. All wise men amongst us live happy under such a government, and admire that of Great Britain. As to the task of writting a true and complete history of the late war, tis an heavy burthen. I hope you are wel inform'd of all the transactions pass'd in yr contry. All the secrets of the back-stairs at yr court, are not secret in a few years. Each party spies, discovers and exagerates the intrigues and the fault of the opposite party, and from the shok of so many flints some flashes of truth may shoot and enlighten the mind of a wise historian, but in other countries state misterys lay hid under a curtain that few men are able to remove. My office of the crown's historian entitled me to the communication of all letters writ to ministers. Yet, I am not satisfied with so good materials, and I must hunt again after my favorite game, truth, in foreign countries. I travel like Polibus to see the different teaters of the war. I do consult both friends and ennemys. I doubt not yr book Sir will help me very much. Yr title which promises impartiality shall put me alwais in mind of my duty. History must be neither a satir nor an encomium, and I hope a frenchman, and even a gentleman of the King's Chamber may tell open truth with security. A moderate man can no offend when he will not offend, and he may say harsh things if he never uses harsh words. I am at leisure, I'll publish my history as late as I can, but I'll read yr as soon as possible »...
Traduction libre : J'ai reçu à Potsdam l'obligeante lettre adressée à Paris, mais pas encore le livre. La sagesse qui émane de votre lettre a augmenté mon désir de lire cet ouvrage. Je suis sûr que vous avez été fidèle à votre titre, en écrivant avec impartialité, comme un honnête homme et un philosophe soit le faire. C'est votre devoir d'aimer et de louer la forme du Gouvernement Britannique ; mais ne croyez pas que nous le condamnions en France. La situation de notre pays, le génie de notre nation et maintes autres raisons, nous ont soumis au pouvoir monarchique, tempéré par l'aimable douceur de nos mœurs plus que par nos lois. Tous les sages parmi nous vivent heureux sous un tel gouvernement, et admirent celui de la Grande Bretagne. Quant à votre projet d'écrire une histoire vraie et compète de la dernière guerre, c'est une lourde tâche. J'espère que vous êtes bien informé de toutes les tractations ayant eu lieu dans votre pays. Tous les secrets des coulisses de votre cour ne seront plus secrets dans quelques années. Chaque parti espionne, dévoile et exagère les intrigues, ainsi que les fautes du parti opposé. Et du choc de ces nombreux silex, quelques étincelles de vérité peuvent jaillir et éclairer l'esprit d'un historien avisé. Mais dans d'autres pays, les secrets d'état sont tapis derrière un rideau que peu d'hommes sont capables de repousser. Ma charge d'historien de la couronne m'a donné accès à toutes les lettres écrites aux ministres. Cependant, je ne suis pas satisfait d'une telle opportunité, et je dois encore traquer mon gibier favori, c'est à dire la vérité, dans les pays étrangers. Je voyage comme Polybe pour voir les différents théâtres de la guerre. Je consulte à la fois amis et ennemis ; je ne doute pas que votre livre ne me soit d'une grande aide. Votre titre prometteur d'impartialité me rappellera toujours mon devoir. L'histoire ne doit être ni une satire ni un panégyrique. Et j'espère qu'un Français, et même un gentilhomme de la Chambre du Roi, peut dire ouvertement la vérité en toute sûreté. Un homme modéré ne peut offenser quand il ne veut pas offenser, et il peut dire des choses rudes, s'il n'use jamais de paroles dures. J'ai du temps devant moi, et je publierai mon histoire le plus tard que je pourrai, mais je l