Description
SARTRE Jean-Paul (1905-1980). MANUSCRIT autographe, [Carnet Midy, 1924] ; 47 pages in-12 (153 x 115 mm) sur 44 ff. (plus 41 pages blanches) en un carnet à onglets alphabétiques verts, placé sous une reliure veau noir glacé à bandes, plats bifaces dans lesquels sont incrustées deux étroites plaques verticales de verre acrylique jaune fluorescent laissant voir le manuscrit par transparence, dos lisse muet ; le carnet est placé entre deux feuillets neutres transparents et monté sur un onglet de veau glacé noir fixé au dos par une articulation souple de même cuir ; un socle séparateur adapté au volume et recouvert de veau noir glacé est joint, ainsi que le mode d'emploi de ce socle, imprimé sur un feuillet cartonné doublé de même peau ; le tout est placé dans un emboîtage veau noir glacé sur les plats, tranches supérieures et inférieures couvertes de papier jaune fluorescent, titre et nom de l'auteur dorés au film blanc et vert métallisé sur le dos orné de 2 fines baguettes de verre fluorescent (reliure signée de Véronique Sala-Vidal, 2005).
Précieux carnet autographe de jeunesse, le célèbre « Carnet Midy » où Sartre à l'âge de 18 ans nota ses pensées, notes de lectures, projets, en les classant par ordre alphabétique.
Jean-Paul Sartre a raconté comment il avait trouvé ce carnet publicitaire dans le métro et y avait noté ses pensées alphabétiquement, y voyant une illustration du thème de la contingence. Il remplit ce petit carnet de notes au cours du 1er trimestre 1924, alors qu'il est dans sa dix-neuvième année et prépare le concours de l'École normale supérieure. De ce que Sartre a écrit avant cette date, on ne connaît que des textes de fiction, la plupart restés à l'ébauche (un seul conte de cette période fut publié de son vivant, L'Ange du Morbide).
Le Carnet Midy, ainsi qu'il le nomme lui-même, est le tout premier manuscrit connu dans lequel l'étudiant consigne ses réflexions personnelles et met en place les fondations de sa vie intellectuelle future.
Il s'agit d'un carnet publicitaire pour la marque pharmaceutique Midy, portant au bas de chaque belle page la mention imprimée Pommade & suppositoires Midy - Hémorroïdes, et en haut de chaque page de gauche Piperazine Midy - Anti-urique type. Il est écrit aux encres de couleur violette, noire et bleue, avec quelques passages au crayon. Le carnet a été folioté au crayon (1, 4-46), les premiers feuillets ayant été perdus au cours de la rédaction puisque les dernières pages (lettres W à Z) ont été repliées afin d'être utilisées pour la lettre A ; la lettre B manque entièrement. Ces feuillets manquaient, de même que la couverture, lorsque le carnet fut donné par Sartre à Michel Sicard, qui en a assuré l'édition dans les Écrits de jeunesse de Sartre en 1990.
Les entrées de ce mini-dictionnaire, qui vont de « Ame » à « Visage », font alterner des notions et thèmes de réflexion divers et de nombreux noms d'auteurs dont Sartre donne des commentaires ou des citations. Parmi les entrées thématiques, citons : Amour, Art, Aéroplane, Cinéma, Facile, Hirondelles, Histoires, Homme, Infini, Intelligence, Lune, Minutie, .../...
Morale, Montaigne, Mouvement, Musique, Nature, Orgueil, Onanisme, Professeur, Perroquet, Passé, Rembrandt, Réformes, Pluie, Paysage, Sublime, Surhomme, Tension, Sentiments, Vieillard, Volonté, etc.
À côté d'ébauches d'œuvres de jeunesse (« Sujet de nouvelle : suite de Jésus la chouette »), « Roman - Petits sujets de roman », ou des considérations sur le cinéma qu'il allait utiliser la même année dans une dissertation sur ce sujet, on trouve des thèmes fondamentaux qui seront développés plus tard, par exemple « Images » et « Liberté ». Sous l'entrée « Art », la phrase péremptoire : « Le secret est de dominer son art » ressort à l'encre violette sur la 1ère page de façon frappante.
L'esprit caustique de l'étudiant se manifeste à la rubrique « Professeur », dont il relève la banalité des appréciations, ou sous l'intitulé « Termes agaçants » (« Collation dînatoire, Boycotter, La capiteuse blonde etc. »)
Certaines entrées recouvrent des considérations personnelles. Il est alors passionnant de voir le jeune homme se livrer à une introspection encore presque gidienne, qui annonce son grand œuvre autobiographique, Les Mots : « Moi - J'ai cherché mon moi ; je l'ai vu se manifester dans les rapports avec mes amis, avec la nature, avec les femmes que j'ai aimées. J'ai trouvé en moi une âme collective, une âme du groupe, une âme de la terre, une âme des livres. Mais mon moi proprement dit, hors des hommes et des choses, mon vrai moi, inconditionné, je ne l'ai pas trouvé. »
Cultivant la forme du fragment, de l'aphorisme, le khâgneux émaille ses pages de citations sans toujours citer sa source ni même recourir aux guillemets, comme pour s'approprier ses vastes lectures : Cicéron, Pascal, Poe, Malherbe, Nietzsche, Louise Labé, Jules Lemaitre et Brunetière, Goethe, Montaigne, Racine, Rabelais, Shakespeare, Salluste, Shelley, Schiller, Mallarmé... Parmi les p