Lot n° 170

MAUPASSANT Guy de (1850-1893). MANUSCRIT autographe, La Trahison de la comtesse de Rhune, …

Estimation : 20 000 - 25 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description
MAUPASSANT Guy de (1850-1893). MANUSCRIT autographe, La Trahison de la comtesse de Rhune, [1876-1878] ; 62 pages sur autant de feuillets, la plupart in-fol. (environ 35,5 x 23 cm), montés sur onglets et reliés en un volume in-fol. demi-maroquin à coins bleu, dos lisse, titre en long (Yseux sr de Thierry-Simier).
Manuscrit complet de cet drame historique en vers, annoté et commenté par Flaubert.
Avant de connaître son premier succès avec Boule de suif (1879), Guy de Maupassant s'était essayé au genre dramatique. Il écrivit deux pièces courtes, Histoire du vieux temps et Une répétition - qui furent respectivement refusées par l'Odéon et le Vaudeville -, avant de se lancer dans une entreprise dramatique plus ambitieuse. Le 17 novembre 1876, Maupassant annonce à Flaubert qu'il est en train d'écrire, « malgré les idées de Zola sur le théâtre naturaliste, un drame historique. Corsé !!! » Achevé en février 1877, intitulé La Comtesse de Rhétune, puis La Trahison de la comtesse de Rhune, il est refait et « tout à fait remanié » en décembre 1877-janvier 1878. Le 21 janvier 1878, Maupassant le donne à Zola qui le transmet à Sarah Bernhardt : « Flaubert l'a lu, il le croit très jouable, mais il m'a paru sans enthousiasme ». Néanmoins, Flaubert recommande Maupassant auprès de Perrin, l'administrateur de la Comédie Française, qui le refuse comme l'écrit Maupassant à sa mère le 3 avril 1878 : « Perrin ne croit pas qu'il soit reçu nulle part parce qu'il trouve tout le second acte d'une violence et d'une férocité folles. Je m'y attendais et cela ne m'a nullement étonné »... La pièce a été publiée en 1927 par Pierre Borel, dans Le Destin tragique de Guy de Maupassant.
L'action se situe en Bretagne en 1347. Le personnage féminin qui donne son nom au titre est doublement traîtresse. Profitant du départ de son mari à la guerre, elle projette de recevoir son amant ennemi, l'Anglais Gautier Romas. Puis elle séduit Jacques de Valderose, un de ses pages, qui va devenir son « esclave prêt à tout ». Jouant sur ses sentiments, elle le manipule pour qu'il assassine son mari lorsque celui-ci sera de retour, dans le but de se retrouver avec son amant anglais. Mais Suzanne, la cousine de la comtesse, est sincèrement amoureuse de Jacques et fidèle au comte. Lorsque celui-ci revient au château, en compagnie de Bertrand Duguesclin, il découvre le complot et les deux amants félons sont tués. Au-delà de l'intrigue, la pièce vaut surtout par le caractère de la comtesse, ambitieuse, volontaire, qui bafoue tous les nobles sentiments de fidélité, d'honneur, de patriotisme. L'amour est pour elle une réalité physique, et elle se moque du sentimentalisme de Valderose : « Oh que tu comprends mal l'amour, enfant timide !/Tu parles de tendresse avec ton œil humide/Et des roucoulements d'oiseau ; qu'est tout cela/Près de l'emportement terrible que j'ai là ?/As-tu, pendant des nuits, senti ton corps se tordre/Et tes yeux sanglotter, et la rage te mordre »... Le manuscrit est très soigneusement mis au net à l'encre noire, avec les didascalies inscrites à l'encre rouge. Chaque acte est précédé d'une page de titre. Des collettes remplacent des passages refaits ; on relève cependant quelques ratures et corrections. Maupassant a noté le nombre des vers au bas des feuillets. Acte I (ff 1-20, 334 vers), acte II (21-42, 374 vers), acte III (43-62, 368 vers).
FLAUBERT a annoté et commenté ce manuscrit à la mine de plomb, portant 19 annotations sur le manuscrit même (pp. 9, 13, 26, 36, 44, 45, 47, 50, 51, 52, 54, 55, 58, 59, 60), et 43 croix ou traits de crayon. Il récrit un vers ou une réplique, et porte des critiques et remarques : « On ne comprend pas son intention » ; « Macbeth » ; « Mise en scène impossible ça ferait rire » ; « peut faire rire » ; acte III, 1ère scène : « C'est là, la scène y amener par plus de gradations » ; « odieux » ; en marge de tuer : « ne pas dire le mot serait plus tragique ? » ; « elle ne doit pas dire tout ça - elle est abominable - on sifflerait » ; « excellent » ; « déclame trop » ; « froid ».
Il a également noté au crayon un certain nombre de remarques sur une paperolle (35,5 x 7 cm, recto-verso), soit 80 lignes, acte par acte : « I dire le lieu dès que poss - exposer la Cour d'amour. Scène iii inutile à l'action. Pendant 2 scènes Suzanne de dit rien »... Etc.
On a monté en tête du volume le portrait de Guy de Maupassant gravé par Nargeot, en 4 états : sur satin, eau-forte pure, avant la lettre et état définitif portant en remarque le portrait de Flaubert.
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