Lot n° 179

MAGRITTE René (1898 - 1967) — L.A.S. «Magritte», [Bruxelles] 4 décembre 1941, à Paul ÉLUARD ; 2 pages in-4.

Estimation : 1500 - 2000
Adjudication : 4 550 €
Description
♦ Très belle lettre du peintre au poète, pendant l'Occupation, où il commente ses derniers tableaux.

«Mon cher Paul,
J'ai bien reçu tes poèmes et le Choix de poèmes. Tu es vraiment un grand peintre. Et je suis fier d'être ton ami. Je vois avec plaisir que malgré la “situation” l'édition nécessaire de ton œuvre se poursuit régulièrement. Ma crise de fatigue est presque passée (elle ne finira jamais je crois) et je travaille depuis quelque temps avec intérêt. Il fallait sans doute que je trouve le moyen de réaliser ce qui me tracassait : des tableaux où le “beau côté” de la vie serait le domaine que j'exploite­rais. J'entends par là tout l'attirail traditionnel des choses charmantes, les femmes, les fleurs, les oiseaux, les arbres, l'atmosphère de bonheur, etc. Et je suis parvenu à renouveler l'air de ma peinture, c'est un charme assez puissant qui remplace maintenant dans mes tableaux, la poésie inquiétante que je m'étais évertué jadis d'atteindre. En gros, c'est le plaisir qui supprime toute une série de préoccupations que je veux ignorer de plus en plus. Pour te faire mieux voir ce que je voudrais, je te rappelle La magie noire qui était dans mes choses anciennes un point de départ pour cette recherche du plaisir. J'ai continué dans cette voie, L'Embellie représente trois femmes nues devant la mer, vues de dos. L'une montre une rose à la mer, l'autre montre son corps, et la troisième montre à un oiseau, un oeuf. Sur les côtés du tableau, des rideaux bleus. Les couleurs ont un rôle à jouer également dans ces tableaux. L'Orient représente un vase posé sur une table devant le mur d'une chambre. Le vase est en “gros plan”. Dans le vase, une déchirure laisse voir toute la lumière d'une jeune femme nue et de la mer et du ciel. L'Aimant, c'est une femme nue aux longs cheveux blonds appuyée sur un rocher, auprès d'un rideau. À côté d'elle, les plis du rideau reproduisent fidèlement les formes de la femme. Si ces choses doivent avoir une justification supplémentaire, que leur charme suffisant rende inutile, je dirais que le pouvoir de ces tableaux font sentir d'une façon aigue toutes les imperfections de la vie quotidienne»... Etc.
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