Lot n° 147

GAUGUIN Paul (1848 - 1903) — L.A.S. «Paul Gauguin» et «P. Gauguin». [Hiva-Hoa] Avril 1903, à Daniel de MONFREID ; 1 page et demie in-4 (légèrement fendue au pli). — Une des toutes dernières lettres de Gauguin, poignante, quelques jours...

Estimation : 8000 - 10000
Adjudication : 16 250 €
Description
avant sa mort.
[C'est la dernière lettre adressée à Monfreid ; Gauguin était alors déjà alité et condamné pour calomnie : il meurt le 8 mai 1903 à l'âge de 54 ans, complètement démoralisé, avant même d'avoir pu se défendre contre cette accusation. Il était probablement déjà mort lorsque Monfreid a reçu cette lettre.]

«Je vous envoie 3 tableaux que vous recevrez (Je les envoie directe­ment à Mr Fayet pour ne pas avoir à être trimbalés) probablement après cette lettre. Voulez-vous dire à Mr FAYET qu'il s'agit là de me sauver. Si les tableaux ne lui conviennent pas qu'il en prenne d'autres chez vous ou qu'il me prête 1500 F avec toutes les garanties qu'il voudra. - Voici pourquoi : je viens d'être victime d'un traquenard épouvantable. Après des faits aux Marquises scandaleux j'avais écrit à l'Administrateur pour lui demander de faire une enquête à ce sujet. Je n'avais pas pensé que les gendarmes sont tous de connivence, que l'Administrateur est du parti du gouverneur etc... toujours est-il que le lieutenant a demandé les poursuites et qu'un juge bandit aux ordres du gouverneur et du petit procureur que j'avais malmené m'a condamné loi Juillet 81 sur la presse pour une lettre particulière, à 3 mois de prison et 1000 F d'amende. Il me faut aller en appel à Tahiti. Voyage séjour et surtout frais d'avocat !! combien cela va me coûter ? C'est ma ruine et la destruction complète de ma santé. Il sera dit toute ma vie que je suis condamné à tomber me relever retomber etc... Toute mon ancienne énergie s'en va chaque jour. Faites donc au plus vite et dites bien à Mr Fayet que je lui en aurai une reconnaissance éternelle»... Il ajoute :
«Voilà le courrier, rien de vous encore - Vollard depuis 3 courriers ne m'écrit pas et ne m'envoie aucun argent actuellement il est mon débiteur de 1500 F plus un solde pour les tableaux que je lui ai envoyés. De ce fait je suis débiteur de 1400 F à la Sté commerciale juste au moment où j'ai encore à lui demander argent pour aller à Papeete etc... J'ai bien peur que la Société me refuse et alors je serai terriblement dans le lac. S'il est mort ou a fait faillite j'ai espoir que vous en auriez été informé. Toutes ces préoccupations me tuent».

Lettres de Gauguin à Georges-Daniel de Monfreid (Crès, 1918), LXXXIII.
Partager