Lot n° 75

CHAISSAC Gaston (1910 - 1964)— L.A.S. «Gaston chaissac», [Les Essarts 13 décembre 1947], à Henry POULAILLE] ; 3 pages in-4, adresse, à l'encre violette sur un bifeuillet de cahier d'écolier.

Estimation : 800 - 1000
Adjudication : Invendu
Description
Il accuse réception du retour de son manuscrit.

«J'ai de nouveaux poëmes réunis dans un recueil intitulé “au temps où je plumais les bécasses” car dans la vie j'ai débuté marmitton au grand hôtel du chapeau rouge de ma ville natale. Mais je vois que surtout aujourd'hui les poèmes ça fait pas votre affaire. Mais ça pourrait peut-être vous intéresser d'éditer un album de reproductions (un de vos écrivains pourrait en écrire le texte) de mes grands dessins de la série de novembre-décembre 1947. Et peut-être aussi quelques reproductions de mes grandes gouaches dont le dessin n'est autre qu'un assemblage d'empreintes de pelures, cassures, épluchures, rognures, etc., et beaucoup en serait intéressé et tant sont à l'affut des recettes pour peindre nouveau. Peindre je n'en ai guère les moyens et je vois un chatelain du voisinage qui peut se permettre de se ballader en auto. Il pense surrement pas à faire la contre révolution un de ces jours car il n'a pas l'air d'économiser pour ça l'essence qui n'a pas l'air de lui manquer alors que le marchand de poissons qui en manque n'en passe plus dans le pays. L'imagination populaire est à son affaire en ces périodes troublées et en regardant en l'air on voit des attitudes mystérieuses aux avions de passage et il circule qu'ils parachutent des armes dans tel bois et qu'on ne sait pas pour qui c'est. Je pense à écrire quelque chose sur le capitalisme. Il agonise et sa mort est certaine car l'homme est de moins en moins exploitable pour cause qu'il est instruit aujourd'hui et aussi plus faible de constitution. Dans quelques siècles et peut-être même dans seulement 100 ans le capitalisme pourra parfaitement renaître pour l'instant les capitalistes en vie peuvent en faire leur deuil. La chose est d'ailleurs sans importance, car depuis j'ai pu peindre quand même pas mal de tableaux sans l'aide de ceux qui peuvent encore se permettre de se ballader en voiture... Moi ça ne m'empêche pas d'avancer. Quand à la crise du livre, elle aussi me laisse assez indiférent et ne me gêne pas. Quand à ma gêne, j'y suis tellement habitué que surrement il me manquerait quelque chose si elle venait à me manquer. Dans plusieurs des dessins de ma série de novembre-décembre 1947 j'ai colé des mots imprimé en grosses lettres découpé dans les journaux si bien que ça en fait des choses très suggestives qui peuvent faire travailler le ciboulot. J'ai dans l'un d'eux le mot justice à un endroit, le mot danger à un autre, et plus haut on lit cette inscription “l'affaire des kermesses”»...

— On joint
– 2 l.a.s. de Gus BOFA, au crayon à Lucienne Favre (6 p. in-4).
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