Lot n° 101

GÉRICAULT Théodore (1791-1824). — L.A., «Lundy lorsque je croyais être à samedy» [fin d'été 1822 ?], à Mme TROUILLARD, rue de Richelieu n° 398 à Paris ; 3 pages in-8, adresse (trou par bris de cachet avec perte de quelques lettres, et...

Estimation : 3000 - 4000
Adjudication : 7 540 €
Description
petites fentes aux plis). — Lettre coquine à sa maîtresse, alors que Géricault est alité à la suite d'une chute de cheval.
«Je n'ai reçu que ce matin votre lettre de jeudy elle m'annonce votre retour, et certes vous ne douterez pas du plaisir qu'il me fait quoique je n'aye point été au-devant de vous, mais le moyen, je vous le demande, quand on n'a presque plus qu'une jambe et qu'au lieu d'être en poste on est tout ridiculement étendu dans son lit, et encore dans mon lit n'est pas le mot, car je suis dans celui de mon ami Dorcy, qui a bien voulu me donner l'hospitalité n'ayant pour le moment ni feu ni lieu. Ceci vous expliquera peut-être bien des petites choses qui ont du vous choquer en vous donnant de moi une assez singulière idée. Enfin le juif errant n'a pas plus erré que moi depuis que vous m'avez quitté. Aujourd'hui jour fortuné j'ai reçu mille jolies choses, j'ai bien baisé la petite boîte blanche et ce qu'elle contenait est-ce encore du dégout de la haine ? Folle ! Je vous aime trop pour ce que vous méritez - et surtout pour mon état car de vous savoir si près de moi sans pouvoir vous embrasser vous serrer bien etroitement, vous devez être toute fraîche, toute sortant de la mer comme Vénus enfin et mille petits amours sont revenus avec vous. Quand je vous disais qu'il ne me restait qu'une jambe c'est bien à tort car j'en ai une qui pourrait bien en faire trois tant elle a pris un accroissement bizarre. J'ai vu votre ami Dupuitrin [DUPUYTREN] qui voulait le premier jour me faire une opération pour la rétablir, mais le second jour il ne l'a plus jugée convenable il a préféré d'attendre pour voir ce que pourrait faire la nature et j'attends et il attend et vous attendez aussi n'est-ce pas mon cher amour ? Croyez-vous m'avoir été bien fidèle car on peut fort bien envoyer des huîtres et des pastilles du sérail etc. etc. Cette possibilité-là m'inquiète. Écrivez-moi donc par la poste quelle est votre opinion là-dessus vous me rassurerez peut-être après cela cependant je ne sais pas bien jusqu'à quel point j'aurais le droit de me plaindre je suis bien vieux, bien infirme bien peu propre à, voyez-vous bien mon amie je sais aussi me mettre à ma place. Adieu mon ange, je suis assuré de vous occuper encore longtems si, comme vous le dites vous ne voulez-vous éloigner de moi que quand une fois vous me verrez sain, vigoureux [et c]ontent. Je n'ai encore rien de tout [cela] mais rabattez quelque chose car je ne puis désirer de vous perdre et cependant j'ai grand besoin au moins de ma jambe»...
Il donne son adresse : «Rue Taitbout n° 9 chez Mr Dorcy Dedreux» [le peintre Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy (1789-1874), entre les bras de qui il mourra.]

L.A., "Lundy quand je croyais être à samedy" [late summer 1822?], to Mme TROUILLARD, rue de Richelieu no. 398 in Paris ; 3 pages in-8, addressed (hole by broken seal with loss of a few letters, and small cracks in folds). — Naughty letter to his mistress, while Géricault is bedridden following a fall from a horse. "I only received your Thursday letter this morning, which announces your return, and you will certainly not doubt the pleasure it gives me, even though I have not been to meet you, but the means, I ask you, when one is almost down to one leg, and instead of being on duty one is ridiculously stretched out in one's bed, and even in my bed is not the word, for I am in my friend Dorcy's bed, who has kindly given me hospitality, having for the moment neither fire nor place. This will perhaps explain to you many little things which must have shocked you by giving you a rather singular idea of me. Finally, the wandering Jew has not wandered any more than I have since you left me. Today, a lucky day, I received a thousand pretty things, I kissed the little white box, and what it contained was disgust and hatred? You fool! I love you too much for what you deserve - and especially for my condition, because to know you so close to me without being able to kiss you tightly, you must be all fresh, all coming out of the sea like Venus at last, and a thousand little loves have come back with you. When I told you that I had only one leg left, it was quite wrong, for I have one that could well be three, so strange has it grown. I saw your friend Dupuitrin [DUPUYTREN] who on the first day wanted to perform an operation to restore it, but on the second day he no longer considered it appropriate and preferred to wait and see what nature could do, and I am waiting and he is waiting and you are waiting too, aren't you, my dear love? Do you think you have been faithful to me, for one could very well send oysters and pastilles from the seraglio etc. etc. This possibility worries me. Write to me by post to tell me what your opinion is on this matter, and perhaps you will reassure me afterwards. However, I don't know to what extent I have the right to complain, I am very old, very infirm and not very well suited to, but you see, my friend, I also know how to put myself in my place. Farewell, my angel, I am sure I will keep you busy for a long time to come if, as you say, you do not want to leave me until you see me healthy, vigorous and strong. I still have nothing of all this, but you must do something about it, for I cannot wish to lose you, and yet I am in great need of my leg at least"... — He gives his address : "Rue Taitbout n° 9 chez Mr Dorcy Dedreux" [the painter Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy (1789-1874), in whose arms he will die].
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