Description
«Belle madame car je sais que vous êtes belle et je ne le dis pas ici pour vous affliger Dieu me garde de faire de la peine à personne, vos aimables lettres d'ailleurs ont du me faire concevoir que vous preniez bien les choses et que la bonne plaisanterie vous était familière. Toutes étaient obligeantes et de bon gout la dernière seulement m'a paru un peu rigoureuse. Vous y décidez nettement que je n'ai rien à vous dire puisque vous n'avez rien à entendre c'est une conséquence qu'il m'est permis de juger fausse puisqu'effectivement j'ai infiniment de choses à vous dire, infiniment est l'expression juste infiniment de choses oui madame une infinité de choses plus aimables les unes que les autres à vous dire et, comme je le crains, si vous ne voulez m'entendre, je m'adresserai à la bonne Cécile : c'est elle qui m'écoutera qui daignera me plaindre, hélas ! Je m'égare, que pourra-t-elle contre un mal qu'elle n'a pas causé et que... non Cécile tu n'y peux rien ; tu m'apportais innocemment le poison qui devait m'arracher la vie ; je te verrais encore sans haine et sans courroux, j'aime le chagrin qui me dévorait et jusqu'au bruit de ta robe légère agitant doucement l'air de ma chambre, tout souvenir m'est cher. Voilà certainement qui sent bien la passion les serremens de coeur, l'embarras, l'amour timide en un mot, mais comme cela pourrait beaucoup vous ennuyer ou, ce qui est pis, vous faire rire, j'ai en outre beaucoup de choses encore que je puis dire et qu'en aimable personne vous devez entendre. Je suis arrivé à un âge ou la raison commence à donner sur les doigts à la vanité, ainsi vous ne devez point craindre de ma part aucune interprétation présomptueuse à tout ce que vous avez daigné m'écrire et quoi que tout parut dispensé pour flatter beaucoup mon amour propre et me gonfler d'orgueil je n'ai vu au contraire que ce que je devais voir : beaucoup d'originalité jointe à beaucoup d'esprit et puis peut être un peu d'envie de me faire connaître tout cela. Tout est fini peut-on terminer plus brutalement, je vous le demande, une correspondance sans danger commencée si agréablement je suis bien assuré que les trois autres dames vous blameront durement d'en agir ainsi avec un aussi bonhomme que je parais l'être et l'une d'elles entreprendra peut être de me consoler d'un trait si noir. Vos beaux grands yeux ont beau me regarder avec leur expréssion mélancolique ils ne m'empêchent pas vous voyez de vous dire vos vérités je n'aurais qu'a m'écrier ici tout est fini. Ne diriez vous pas, quel cheval !»...
L.A., 10 June [1822], to Mme TROUILLARD, rue Chantereine no. 10 in Paris ; 3 pages in-8, address (paper a little creased). — Reply to a letter of rupture from his mistress. "Beautiful madam, for I know you are beautiful and I do not say it here to afflict you, God forbid that I should cause pain to anyone ; your kind letters, moreover, must have made me realise that you took things well and that good jokes were familiar to you. All of them were obliging and in good taste, only the last one seemed to me to be a little harsh. You clearly decide that I have nothing to say to you since you have nothing to hear. This is a consequence that I am allowed to consider false since I do indeed have infinitely many things to say to you, infinitely is the right expression, infinitely many things, yes, madam, infinitely many things, each one more pleasant than the last, to say to you and, as I fear, if you do not want to hear me, I will address myself to good Cécile : she will listen to me and will deign to complain to me, alas! No, Cecile, you can do nothing about it ; you innocently brought me the poison that was supposed to take my life ; I would still see you without hatred or wrath, I love the grief that consumed me, and even the sound of your light dress gently stirring the air in my room, every memory is dear to me. This certainly smacks of passion, heartache, embarrassment, shy love in a word, but as it could bore you a lot or, what is worse, make you laugh, I have many more things I can say and that, as a kind person, you should hear. I have reached an age when reason begins to give way to vanity, so you need not fear any presumptuous interpretation on my part of all that you have deigned to write to me, and although everything seemed to be designed to flatter my self-esteem and swell my pride, I saw only what I had to see : a great deal of originality combined with a great deal of wit, and then perhaps a little desire to make all this known to me. I am quite sure that the other three ladies will blame you harshly for acting in this way with such a good man as I seem to be, and one of them will perhaps try to console me for such a black line. Your beautiful big eyes may look at me with their melancholy expression, but they do not prevent me, you see, from telling you your truths. Wouldn't you say, "What a horse!"...