Lot n° 44

DELACROIX Eugène (1798-1863). — L.A., 31 janvier [1826], à Charles SOULIER, chez Mme de la Maisonfort à Beffes (Cher) ; 3 pages in-4 à l'encre puis au crayon, adresse. — Belle lettre sur son frère le Général, et sur Bonington.

Estimation : 1500 - 2000
Adjudication : 1 820 €
Description
«Tu te figures donc que je te boude, monsieur le paysan. Est-ce que Pierret ne t'a pas parlé de ma paresse insupportable à moi-même et aux autres. Croirais tu que depuis mon retour d'Angleterre j'ai reçu deux lettres de mon bon frère qui sont pleines de la plus tendre amitié, ajoute à cela que j'avais moi-même le plus grand besoin de lui exprimer les sentiments de plaisir que j'ai éprouvé quand j'ai appris que malgré sa cuisse en compote et son corps pulent il s'était jetté à l'eau dans son village [au Louroux près de Tours] pour retirer deux dadais qui se noyaient et cela dans un endroit affreux où je ne voudrais pas mettre le bout du pied. Eh bien je suis assez indigne pour ne pas avoir seulement donné signe de vie ; de sorte qu'il peut me croire avalé par les goujons de la Manche ou tué en duel par un garde du corps anglais. Au lieu de te bouder, je ne cesse de te regretter. Dans nos soirées travailleuses je te désire au coin de notre feu et de notre thé. [...] mes soirées sont occupées par des travaux et des habitudes de Leblond Auguste et autres qui ne me laissent pas de temps du tout»... Il a continué sa lettre au crayon : «Je trouve plus commode d'écrire avec le crayon, j'ai fini à force de peu écrire par ne pouvoir me servir d'une plume. [...] Hélas le temps et les traverses de la vie ont bien disséminé les gens dont les figures pourraient me rapeller ma première jeunesse. Le temps marche vite et à peine nous laisse t'il un souvenir mélancolique de ces premières impressions qu'on ne cesse pourtant de chérir. - Je travaille un peu plus que quand tu me connaissais. J'ai eu quelque temps BONINGTON dans mon atelier. J'ai bien regretté que tu n'y sois pas, il y a terriblement à gagner dans la société de ce luron là et je t'assure que je m'en suis bien trouvé»...
— Correspondance générale (t. I, p. 172).

L.A., 31 January [1826], to Charles SOULIER, at Mme de la Maisonfort's in Beffes (Cher) ; 3 pages in-4 in ink and then in pencil, address. — Nice letter about his brother the general, and about Bonington. "You think I am sulking, Mr. Peasant. Hasn't Pierret told you about my laziness, which is unbearable for myself and others. Would you believe that since my return from England I have received two letters from my good brother which are full of the most tender friendship, add to this that I myself had the greatest need to express to him the feelings of pleasure I felt when I learned that in spite of his thighs being in a state of compote and his body pulent he had thrown himself into the water in his village [at Le Louroux near Tours] to pull out two dwarfs who were drowning and that in a dreadful place where I would not want to put my foot. Well, I am unworthy enough not to have given any sign of life ; so that he may believe me swallowed by the goujons of the Channel or killed in a duel by an English bodyguard. Instead of sulking, I never stop missing you. In our working evenings I desire you by our fire and tea. [...] my evenings are occupied with the work and habits of Leblond Auguste and others which leave me no time at all"... He continued his letter in pencil : "I find it more convenient to write with a pencil, I ended up not being able to use a pen because of my lack of writing. [...] Alas, time and the ups and downs of life have scattered the people whose faces could remind me of my first youth. Time goes by quickly and hardly leaves us a melancholic memory of these first impressions that we never stop cherishing. - I work a little more than when you knew me. I had BONINGTON in my studio for some time. I was very sorry that you were not there, there is a lot to gain in the society of that ludicrous fellow and I assure you that I found myself well off"... General correspondence (t. I, p. 172).
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