Lot n° 28

DEGAS EDGAR (1834-1917). — 20 L.A.S. «Degas», [1885-1896], à Hortense HOWLAND ; 39 pages in-8 et 5 pages in-12, 2 enveloppes et 5 adresses (petites fentes à quelques lettres). — Magnifique correspondance d'amitié amoureuse et galante, sur...

Estimation : 20000 - 25000
Adjudication : 35 100 €
Description
ses voyages, son intérêt pour la photographie, et sa vue déclinante.
[Égérie des artistes et écrivains, la belle Hortense HOWLAND (1835-1920) était née Delaroche-Laperrière, d'un sous-intendant militaire. Elle avait épousé un riche industriel américain, William Edgar Howland, dont elle s'était ensuite séparée. Elle fréquentait les milieux artistiques et littéraire de Paris, se fit aimer sans retour d'Eugène Fromentin, et tint un salon couru, dans sa maison du 16 rue La Rochefoucauld, où fréquentèrent notamment son voisin Gustave Moreau, Degas, Ludovic Halévy, Guy de Maupassant, Robert de Montesquiou, Charles Haas... Comme Degas (qui la photographia), elle pratiquait la photographie. Nous ne pouvons donner ici qu'un aperçu de cette belle correspondance, qui semble inédite.]
•[Le Mans août 1885] (sur papier à en-tête du colonel Méliodon). Il regrette de n'avoir pu la voir avant son départ : «Il y avait à la fois du regret et de la honte à vous quitter sitôt, dès la partie manquée. Mais je ne tenais plus en place, une sorte de colère me gagnait. [...] Mais je n'ai pu oublier les grosses larmes que je vous ai vu verser. Et je riais, ma parole, de dépit». Il décrit les manœuvres militaires auxquelles il a assisté : «Je courais après les autres batteries arrivant au galop. Le colonel riait de moi. Spectacle énivrant de grâce et de dureté». Il part pour le Mont Saint-Michel. «Mon voyage avec des danseuses excite le rire et l'envie. S'ils savaient tout, les braves gens ! [...] Je vous baise bien affectueusement les mains»...
•Mont St Michel 5 août [1885]. «Jamais voyage de jeune homme n'avait été mieux préparé et c'est un barbon qui le fait». De la terrasse de Mme Poulard, il évoque la joyeuse troupe de danseuses et gens du spec­tacle qu'il a accompagnée à Paramé, relatant d'amusantes rencontres... «Les Anglais ont laissé ici peu de traces. [...] Mais ils ont laissé quelques hommes dans le délicieux corps de Mlle X qui n'a pas craint malgré ça de barbotter toute la journée d'hier dans l'eau»...
•Cauterets 30 août [1888] Hôtel d'Angleterre. Le Dr Évariste Michel l'a ausculté, «en me félicitant sur le rapide et bon effet des eaux. [...] il me devait bien ça, pour la perfection de mon obéissance, la foi et ponctualité que votre ours gris déploient dans ces montagnes». Il est un curiste «édifiant», buvant «avec volupté»... Il hésite à aller retrouver Charles Haas à Luchon...
•Cauterets 6 septembre [1888] Hôtel d'Angleterre. «Je bois, je dois boire par tous les temps». Il va voir «pour la 5e fois» son «oracle» (le Dr Évariste Michel), dont il décrit le petit chalet... «Comme vous êtes bonne et pardonnante avec un ours, qui ne vous suce les doigts que parce qu'il y a du miel au bout ! On en voit ici, de petits et de grands, qui dansent, mais un peu au bâton. [...] On s'embête ici quand on est seul, et qu'on ne fait rien. Ce traitement vous accable tout de même un peu. Je ne cherche pas à réagir, je m'éreinterais». Il regarde les photos prises par Mme Howland à Saint-Quentin : «Les épreuves sont parfaites. Je les regarde bien des fois par jour. Ça me fait aimer encore plus Latour et vous c'est bien le moins»...
•Cauterets, Hôtel de France mercredi [août 1889]. Il est bien installé à l'hôtel de France. Il évoque divers curistes, et le souvenir du «gentil Haas»... «mon traitement fini, si l'envie de regagner l'atelier n'est pas trop grand, je serais capable de courir à Madrid voir le Musée»... Il la remercie des photographies, «mais c'est la photographe qui me plaît»...
•Cauterets, Hôtel de France mercredi [1889-1890 ?]. «Le chevalier se laissera-t-il apercevoir par mes mauvais yeux, et s'il voit que je le vois me verra-t-il ? L'homme à femmes coupe les hommes. Mais sait-il que je ne vois plus ses femmes. [...] Je bois et ne vois plus»... Il évoque avec humour d'autres curistes...
•Samedi matin [septembre 1890]. «Les beaux coteaux de Bourgogne sont comme des bosses d'émeraude, chère Madame, vers le soir. Et vous en êtes à Louis XIV toujours. Ah ! vive le cul du roi ! Mais je me trompe et confond Dangeau avec Fagon. L'autre jour la Ménagère faisait une annonce où elle rappelait que Mme de Sévigné se plaignait à sa fille, son compère, d'être mal chaussée et de n'avoir pas le pied mignon ; ce qu'elle aurait eu de suite, si elle avait pu fréquenter le nouveau comptoir de chaussures qui s'est ouvert dans le superbe palais Bonne-Nouvelle. - Vous voulez la morale de cela, la voici : c'est que l'histoire est plus loin de nous que la Fable, qu'il est plus difficile à Mme de Sévigné de se chausser à la Ménagère qu'à Cendrillon, et que les Mille et une Nuits sont une meilleure lecture pour vous, comme elle l'est pour moi, que tous ces récits d'une société plus morte pour nous que pour des nègres. [...] Aristote a dit : la Posie est plus vraie que l’Histoire. Et je le dis aussi parce que j’en ai le droit »…
Les Halévy vont rentrer à Paris avec Cavé… « Je suis curieux de revoir et d’entendre chanter Mme de Mailly, non pas que je brûle le moins du monde. C’est bon pour un académicien qui croit ne plus devoir aimer les petites concierges que j’aime, filles de Terpsichore parfois enceintes. […] Il m’est difficile d’assembler mes idées, en dehors de mes sacrés chevaux, qui, pour être fabriqués avec des ressorts aussi soignés que s’ils étaient d’horlogerie, marchent peu et assez mal »…
•Mercredi soir [2 décembre 1891]. « Donc à demain Jeudi […] Et même je mettrai mon habit, c’est, hélas ! un plaisir qu’on vous fait. Un ours Degas ».
•Bruges 29 mars [1892]. « Je me promène en Belgique avec un appareil noir sur les yeux, opaque pour le droit, percé d’une fente inclinée pour le gauche. On dit me rendre un peu de vue, avec cette diète de lumière. J’y crois, et comme la foule me gêne à Paris et la traversée terrible des rues, et comme travailler avec cet outil me gêne fort, j’ai eu l’idée de
m’exiler un moment. [...] Croyez à ce bon souvenir d’un chevalier de la triste figure. […] je ne me suis pas encore cassé le cou »…
•Valence 6 septembre [1892]. « Je pense à vous et vous envoie un peu de souvenir d’ours »…
•[23 novembre 1895] : « Oui, à mercredi. Vos amis toilettés dîneront avec un voyou, qui n’en rougira pas »…
•Mercredi [31 décembre 1896] : « l’ours, après avoir manqué le Mont Dore, est presque maintenu ici dans du coton iodé. On finira bien par aller s’embrasser et mieux se souhaiter une bonne année »…
•Mardi. Il est pris par Bartholomé. « Je jure devant l’académie de ne pas vous échapper, la première fois que vous étendrez sur moi votre excellente main »…
•Jeudi matin… « le recrit arrive, et, avec ma loupe, je le travaille, et puis rien. Votre aveugle Degas »…

20 L.A.S. "Degas", [1885-1896], to Hortense HOWLAND ; 39 pages in-8 and 5 pages in-12, 2 envelopes and 5 addresses (small cracks to some letters). — Wonderful correspondence of friendship and romance, about her travels, her interest in photography, and her declining eyesight. [The beautiful Hortense HOWLAND (1835-1920) was born Delaroche-Laperrière, the daughter of a military subintendent. She had married a rich American industrialist, William Edgar Howland, from whom she later separated. She frequented the artistic and literary circles of Paris, won the undying love of Eugène Fromentin, and held a popular salon in her house at 16 rue La Rochefoucauld, where her neighbours Gustave Moreau, Degas, Ludovic Halévy, Guy de Maupassant, Robert de Montesquiou, Charles Haas and others frequented... Like Degas (who photographed her), she practiced photography. We can only give here a glimpse of this beautiful correspondence, which seems to be unpublished]. [Le Mans, August 1885] (on the letterhead of Colonel Méliodon). He regrets not having been able to see her before his departure : "There was both regret and shame in leaving you so soon, as soon as the game was over. But I couldn't stand it any longer, a kind of anger overcame me. [...] But I could not forget the big tears I saw you shed. And I laughed, my word, with spite". He describes the military maneuvers he witnessed : "I was running after the other batteries arriving at full gallop. The colonel laughed at me. An intoxicating spectacle of grace and harshness". He leaves for the Mont Saint-Michel. "My journey with dancers arouses laughter and envy. If they knew everything, the good people! [...] I kiss your hands affectionately"... — Mont St Michel August 5th [1885]. "Never was a young man's journey better prepared and it is a fool who is doing it". From Mme Poulard's terrace, he evokes the joyful troop of dancers and entertainers that he accompanied to Paramé, recounting amusing encounters... "The English have left few traces here. [...] But they left some men in the delicious body of Miss X who was not afraid to splash around in the water all day yesterday"... — Cauterets August 30 [1888] Hotel d'Angleterre. Dr. Évariste Michel examined him, "by congratulating me on the fast and good effect of the waters. [...] he owed me that, for the perfection of my obedience, the faith and punctuality that your grey bear deploys in these mountains". He is an "edifying" curist, drinking "voluptuously"... He hesitates to go and meet Charles Haas in Luchon... — Cauterets September 6 [1888] Hôtel d'Angleterre. "I drink, I must drink in all weathers". He goes to see "for the 5th time" his "oracle" (Dr. Évariste Michel), whose little cottage he describes... "How good and forgiving you are with a bear, who only sucks your fingers because there is honey at the end! We see them here, big and small, dancing, but a little on the stick. [...] You get bored here when you're alone and doing nothing. This treatment overwhelms you a bit. I'm not trying to react, I'd be exhausted. He looked at the pictures taken by Mrs. Howland in Saint-Quentin : "The prints are perfect. I look at them many times a day. It makes me love Latour even more and you are the least of it"... Cauterets, Hôtel de France on Wednesday [August 1889]. He is well installed at the Hotel de France. He evokes various curists, and the memory of the "kind Haas"... "My treatment is over, if the desire to return to the studio is not too great, I would be able to run to Madrid to see the Museum... He thanks her for the photographs, "but it is the photographer who pleases me"... Cauterets, Hôtel de France on Wednesday [1889-1890 ?]. "Will the knight let himself be seen by my evil eyes, and if he sees that I see him, will he see me? The ladies' man cuts off the men. But does he know that I no longer see his women. [I drink and see no more"... He evokes with humour other curists... Saturday morning [September 1890]. "The beautiful hillsides of Burgundy are like emerald bumps, dear Madame, towards evening. And you are still in Louis XIV. Ah, long live the king's ass! But I am mistaken and confuse Dangeau with Fagon. The other day the Ménagère made an announcement in which it recalled that Mme de Sévigné complained to her daughter, her compère, of being badly shod and of not having a cute foot ; which she would have had immediately, if she had been able to frequent the new shoe shop that has opened in the superb Bonne-Nouvelle palace. - You want the moral of this, here it is : it is that history is farther from us than the Fable, that it is more difficult for Mme de Sévigné to put on shoes for the Ménagère than for Cendrillon, and that the Thousand and One Nights is better reading for you, as it is for me, than all these stories of a society that is deader for us than for negroes. [...] Aristotle said : Po
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