Lot n° 136

GIDE (André) — Lettre autographe signée à l'écrivain et critique d'art Joseph Billiet. Cuverville [dans l'actuel département de la Seine-Maritime], 15 mars 1919. 1 p. 1/2 in-folio.

Estimation : 200 - 300 €
Description
« Votre lettre m'émeut beaucoup, et si j'étais encore à Paris j'accourrai ; mais je ne vis plus hors d'ici qu'une existence tourbillonnaire où grandit, avec la fatigue, une immense nostalgie de travail. Peut-être y a-t-il quelque cruauté à vous, dont la fatigue et la nostalgie n'ont encore trouvé que des satisfactions si précieuses... Je voudrais que vous ne vous mépreniez pas aux pages de moi que vous aurez lues dans le 1er IV° de [la revue] Littérature et à qui votre lettre fait illusion. Sans doute était-il paradoxal de pousser un cri de joie alors que nous sommes encore si mal ressuyés de la guerre et que, de toutes parts, il ne nous est permis de voir que deuils, détresses et faillites ; ce qui est surtout paradoxal, c'est de les avoir isolées ainsi, de sorte que séparées de celles qui les suivent, ces pages prennent une toute autre signification que celle qu'elles retrouveront dans le livre – où la détresse humaine et l'impossibilité de parvenir à ce bonheur, qui pourtant devrait être naturel, les doublera. Il s'agit de retrouver le bonheur par-delà, au-delà de la détresse – et le dernier livre de ces Nouvelles nourritures y tendra, comme il peut apparaître déjà dans le dernier fragment que j'ai cité. Pourquoi je vous raconte tout cela ? Oh ! simplement parce qu'il me serait douloureux de penser que vous puissiez croire, comme d'autres lecteurs auront fait, à quelque "impiété" de ma part – je veux dire : qui que ce soit d'impitoyable... » André Gide publia des extraits des Nouvelles nourriture en mars 1919 dans la revue des Surréalistes Littérature, repris en 1921 dans son recueil Morceaux choisis (Gallimard), avant de livrer une édition complète en 1935 (Gallimard).
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