Description
Volume de format 288 x 142 mm : feuilles de différentes tailles imprimées sur une seule face, jointes et pliées à la chinoise en portefeuille régulier formant 104 pp. dont les 2 premières et la dernière blanches, papier gris appliqué sur les première et dernière pages de couverture, pièce de titre imprimée collée sur la première page de couverture ; le tout placé entre deux ais de bois, titre en caractères chinois gravé et rehaussé de vert sur le premier plat : « 古今碑録 » soit, selon la traduction de Victor Segalen, « Recueil de stèles anciennes et quotidiennes »), liettes de tissu grège ; quelques rayures sur les plats, cassure angulaire restaurée sur le premier plat (reliure de l'éditeur). Édition originale, hors commerce, un des 81 exemplaires numérotés sur papier impérial de Corée, le n° 3, parmi les 21 exemplaires de tête sur papier plus épais. 3 sceaux ont été appliqués à la main, au cinabre. Sur le détail du tirage, et sur les sceaux, cf. supra le n° 68. Envoi autographe signé, en français et en chinois : « À Claude Debussy, du fond de la Chine & de moi-même, en très fidèle et profonde affection. Tchang-Teh-Fou, octobre 12. Victor Segalen 鄙撰送呈 樂師 府納 » La dédicace en caractère chinois peut se traduire ainsi : « Cet humble ouvrage offert au maître de la musique en respectueux hommage ». Segalen se trouvait en fait alors à Kenan, près de Tchang-te-fou (Changde) : là était située la résidence d'été du président de la toute récente République chinoise, Yuan Shikai, dont il soignait le fils. Segalen et Debussy : amitié d'un compositeur littéraire et d'un littérateur mélomane. Victor Segalen avait pratiqué le violon, le piano, et avait composé des mélodies sur des textes d'Albert Samain, Remy de Gourmont ou encore Gustave Flaubert. À l'écoute de Pelléas et Mélisande, il était devenu un admirateur fervent de Claude Debussy, et avait fait tous ses efforts pour le rencontrer, ce qu'il réussit à faire en 1906 par l'intermédiaire de Claude Farrère et Pierre Louÿs, nouant alors une relation amicale au cours de laquelle il nota la teneur de leurs entretiens. Claude Debussy joua de son influence pour lui permettre de publier un article « Voix mortes : musiques maori » au Mercure musical le 15 octobre 1907, et consentit à une collaboration avec lui sur une œuvre lyrique. Victor Segalen lui soumit un premier texte, sur la vie de Bouddha : Siddharta, mais la réponse fut une manière de refus élogieux : « Prodigieux rêve ! Seulement, dans sa forme actuelle, je ne connais pas de musique capable de pénétrer cet abîme ! Elle ne pourrait guère servir qu'à souligner certains gestes ou à préciser certains décors. En somme, une illustration, beaucoup plus qu'une parfaite union avec le texte » (26 août 1907). En revanche, la même lettre de Claude Debussy réagissait à un article que Victor Segalen avait fait paraître dans le Mercure de France le 16 août 1907, « Dans un monde sonore », et qui évoquait la figure d'Orphée : le compositeur faisait cette remarque en forme d'avance : « Ne pensez-vous pas qu'il y aurait quelque chose d'inouï à faire entendre dans ce nouveau mythe, d'Orphée ? » Victor Segalen s'attela alors à la rédaction d'Orphée triomphant, pièce devenue ensuite Orphée-roi, qu'il amenda à deux reprises en suivant les remarques de Claude Debussy – mais celui-ci, bientôt malade, renonça à composer l'œuvre attendue. Victor Segalen lui écrivit de belles lettres de Chine, lui adressa un échantillon autographe de 4 « stèles » avant publication, lui dédicaça un exemplaire imprimé du recueil Stèles, et aurait souhaité lui dédier l'édition de ses Odes. Tous deux moururent prématurément, Claude Debussy en 1918, et Victor Segalen en 1919. Ce volume a été présenté dans l'exposition Claude Debussy tenue à la Bibliothèque nationale en 1962 (n° 190 du catalogue). L'envoi autographe à Claude Debussy a été reproduit sur la couverture de l'ouvrage Segalen et Debussy, édité en 1962 par la fille de Victor Segalen, Annie Joly-Segalen, et par le musicologue André Schaeffner (Monaco, Éditions du Rocher).