Lot n° 64

SEGALEN (Victor) — Poème autographe intitulé « Empreinte ». Une p. in-folio sur papier Morin

Estimation : 2500 - 3000 €
Description
16e « stèle » du recueil imprimé en 1912, dans la plus aboutie des 6 versions que Victor Segalen rédigea entre septembre 1910 et juin 1911. Il a utilisé ici, comme souvent pour ses manuscrits littéraires et sa correspondance, un papier calque légèrement sulfurisé, fabriqué par les établissements Morin, qu'il appelait parfois « papier d'architecte ». « [...] Hélas, oh ! hélas. Les contours ne s'en-ferment plus ; les coins se heurtent & les creux tintent le vide... Est-ce là le dépositaire choisi ? A-t-il perdu la forme de mon âme ? Plutôt, est-ce mon âme dont la forme a gauchi ? » Paroles de Chouen, un des « cinq empereurs » mythiques. Victor Segalen fit de nombreuses références à l'empereur Chouen (Shun), image traditionnelle du dirigeant modèle, dans Peintures, Le Fils du Ciel, Le Combat pour le sol. Ici, pour Stèles, il s'inspire d'un passage du Cheu-King (Shujing), classique de l'histoire chinoise, qu'il lut dans l'édition procurée par Séraphin Couvreur en 1896 (Chou-King : Les Annales de la Chine, imprimerie de la mission catholique de Ho Kien Fou). Victor Segalen fait parler cet empereur Chouen au sujet d'une pratique traditionnelle de gouvernement : pour donner son investiture aux cinq catégories de princes qu'il envoyait administrer ses différents territoires, il leur remettait une tablette de jade ornée des attributs de leur catégorie et conservait de son côté une empreinte de ces tablettes moulée en creux. Par la suite, quand le souverain recevait ces princes en audience, il vérifiait que chacune des tablettes qu'il rapportaient coïncidait avec l'empreinte correspondante pour s'assurer de leur identité. Victor Segalen donne cependant une conclusion spirituelle La première « stèle » écrite par Victor Segalen, « qui la considérait comme majeure [...]. Cet apologue de l'amitié gauchie résume une pensée complexe qui traverse, d'un même trait, l'œuvre et la vie de Segalen. On sait, en effet, la place que tiennent dans l'une aussi bien que dans l'autre, les amitiés, essentiellement masculines [...]. Le chapitre xxvii d'Équipée (« L'Ami trop fidèle » [...]) présente l'image de la désillusion que René Leys poussera à son paroxysme. Il prolonge, dans la prose du voyageur, ce qu'« Empreinte » dit par allégorie : l'altération à laquelle toute amitié est incessamment exposée » (Victor Segalen, Œuvres, Paris, Gallimard, Nrf, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1074). Une des quatre « Stèles » autographes que Victor Segalen expédia de Pékin à Claude Debussy le 6 janvier 1911. Provenance : Annie Joly-Segalen, fille de Victor Segalen, qui avait acheté le manuscrit à la belle-fille de Claude Debussy, Hélène de Tinan. Épouse de Gaston de Tinan, celle-ci était la fille qu'Emma Moyse, épouse de Claude Debussy, avait eue d'un premier mariage avec Sigismond Bardac.
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