Description
Édition originale, un des 7 exemplaires de tête numérotés sur japon impérial (le n° 3). Le tirage sur grand papier fut restreint à ces exemplaires sur japon et à 10 autres sur hollande seulement. Sans le papillon avec signe gravé appliqué sous la justification. Le premier livre de Victor Segalen, publié à compte d'auteur sous le pseudonyme de Max-Anély, composé d'après le prénom de son ami Max Prat et le second prénom de sa femme, Anelly. Envoi autographe signé « Max-Anély » : « À mes chers Parents d'affection, ce livre qu'ils ont vu naître, & qui leur doit beaucoup : par l'entourée très favorable & très aimante de leur vie. En toute reconnaissance... 29 septembre 1907 [soit 5 jours après la date de l'achevé d'imprimer de l'ouvrage]... » Victor Segalen aimait tendrement ses beaux-parents, Pauline Roussel et Jules Hébert. Celui-ci, médecin à Brest, fut une des personnalités éminentes de la ville, amateur de littérature et écrivain. Spectaculaire reliure conçue par Victor Segalen lui-même, et exécutée par son épouse Yvonne, dans un décor aux motifs inspirés d'objets maoris : la représentation du demi-dieu Tiki telle qu'elle était traditionnellement sculptée, et un récipient à couvercle, en bois, provenant d'Atuana dans l'île de Hiva-Oa aux Marquises. Ce récipient avait été offert à Victor Segalen en 1903 par un Polynésien en reconnaissance des soins chirurgicaux qu'il en avait reçus. Cet exemplaire a figuré dans 2 expositions : De Tahiti au Thibet ou les Escales et le butin du poète Victor Segalen, tenue à la librairie Jean Loize en 1944 (n° 28 du catalogue imprimé), et Victor Segalen, tenue à la Bibliothèque nationale de France d'octobre à décembre 1999 (n° 54, avec reproduction avant restauration). Exemplaire enrichi de 2 pièces, jointes : – un dessin original de Victor Segalen ayant en servi de modèle pour le décor de la présente reliure, et représentant une partie de l'ornementation sculptée du récipient de bois rapporté d'Océanie, inspirée des tatouages maoris (encre et mine de plomb). – un manuscrit autographe de Victor Segalen intitulé « Réponse ». 2 pp. 3/4 in-12. Réponse aux commentaires de Claude Farrère sur Les Immémoriaux avant publication. Officier de Marine et écrivain, Charles Bargone dit Claude Farrère (1876-1957), qui fréquenta fut l'ami de Pierre Loti et celui de l'écrivain voyageur Augusto Gilbert de Voisins qu'il présenta à Victor Segalen. Claude Farrère avait rencontré Victor Segalen en 1905 et joua un temps auprès de lui le rôle de conseiller littéraire. Victor Segalen, lors de soirées passées à fumer l'opium, avait longuement discuté avec Claude Farrère des Immémoriaux en cours d'écriture, et lui soumit son manuscrit avant publication. Celui-ci lui communiqua ses observations dans une lettre du 18 juin 1906, et Victor Segalen y répondit en détail dans une lettre de sa lettre du 21 juin 1906. Le présent manuscrit est une retranscription pour son usage personnel du passage essentiel et presque intégral de cette lettre de réponse : « ... Beaucoup de termes annotés seront modifiés dans le sens même que vous indiquez. Quelques-uns seront maintenus, parce que justifiés par des corrélations maori très précises, expliquées souvent par la suite. Par exemple, entre beaucoup : "il se réjouit dans ses entrailles..." Je maintiens entrailles. Le maori ne croyait point penser avec son cerveau, mais avec son ventre. Pensée, penser dans le sens surtout de pensée abstraite, n'a point de meilleure traduction [il a biffé « littéraire »] tahitienne que parau no té opu... Mais voici plus grave parce que plus général. Vous m'écrivez avec beaucoup de flair : "versatilité qui étonne & inquiète. L'avez-vous cherchée ou non ?" Non, je ne l'ai pas cherchée. Je ne la croyais point si accusée, cette impression de versatilité, mais puisque vous me la signalez, je suis ravi de la savoir si intense. J'ai traduit sans m'en rendre bien compte peut-être le caractère qui me paraît, à la réflexion, fondamental de la race maori, que tant de scrupuleux observateurs ont traité de peuple-enfant. Un exemple vécu quand la Durance est allée sauveter les Paumotu cyclonées, nous avons recueilli à bord quelques centaines d'indigènes fort éprouvés... le sinistré type. Deux jours après, sitôt les larmes brèves données à leurs morts, ils chantaient, dansaient, s'amusaient de la meilleure gaîté qu'on put voir avec nous... À y bien réfléchir, j'ai peut-être condensé, mis en relief cette versatilité, mais je la crois trop foncière pour détoner. – Cependant voici une grosse restriction. Des deux exemples cités, celui du Ve chap. (la joie des Arioï etc...), cela me paraît possible, vraisemblable, vrai. Je le garderai. Mais, pour l'autre exemple : Ir chap., la méditation de Terii qui s'aperçoit en moins d'un tour de main que l'île est épouvantablement angoissée, celui-là, je vous l'abandonne en effet et suis heureux que vous m'ayiez affermi sans entente, dans mon dessein de refaire les 10 premières pages. Mais là, le manque de transition, la brusquerie du récit, l'incohérence même, tout cela tient à moi tout seul ; c'est un défaut de composition que j'entrevoyais déjà avec assez de netteté pour m'être décidé à tout recommencer de ce début pénible. Pour l'influence Salammbô, elle est indéniable. J'ai subi Flaubert avec trop de fatalité pour essayer de m'en défendre ou de me disculper. Je n'ai rien fait d'autre part pour essayer de m'en affranchir... Mais son influence ne relève point je crois du mécanisme réminiscence : j'ai lu Salammbô deux fois, voici dix & six ans peut-être... » (cf. Victor Segalen, Correspondance, Paris, Fayard, 2004, t. I, pp. 673-674).