Description
Documents produits en Égypte par Adrien Raffenau-Delile comme membre de l’expédition (notamment ses journaux de voyage), et pièces reçues de personnages éminents de l’expédition : scientifiques pour la plupart membre de l’Institut d’Égypte et de la Commission pour l’édition de la Description de l’Égypte comme le chimiste Claude Berthollet, le géomètre Louis Costaz, le mathématicien Joseph Fourier, le naturaliste Gaspard Monge, l’orientaliste Louis-Remi Raige, ou les ingénieurs Pierre-Simon Girard, Prosper Jollois, Edme-François Jomard, Michel-Ange Lancret, Jacques-Marie Le Père, René-Édouard de Villiers Du Terrage ; administrateurs comme Samuel Bernard, Alexis Gloutier, Charles Magallon (ancien consul général de France au Caire), Jean Lambert dit Tallien ; officiers militaires, comme le général en chef Jacques Menou ou les généraux Antoine-François Andréosssy, Maximilien Caffarelli Du Falga, François-Étienne Damas, Jacques-Zacharie Destaing, François-Xavier Donzelot.
Conquête de l’Égypte au sein du Génie
D’Alexandrie au Caire. Adrien Raffeneau-Delile participa dans les rangs militaires à la marche victorieuse sur Le Caire, ayant alors été rattaché au corps des Ponts-et-Chaussées du Génie, comme en attestent ici les ordres qui lui avaient été adressés par Napoléon Bonaparte (à bord du vaisseau amiral L’Orient, transmis par le général Caffarelli) et par le général Andréossy (au départ d’Alexandrie). Adrien Raffeneau-Delile a lui-même consigné de sa main un journal succinct de son arrivée en Égypte, conservé ici.
Service à la Monnaie du Caire
Un témoignage de l’enrôlement des scientifiques pour les tâches administratives de confiance. Arrivé au Caire malade, Adrien Raffeneau-Delile fut adjoint comme changeur à son confrère polytechnicien Samuel Bernard, directeur de la Monnaie du Caire, rouage essentiel créé dans un contexte où les Égyptiens se méfiaient des pièces venues de France.
Se trouvent donc ici des documents signés de savants membres de la Commission administrative comme Claude Berthollet et Gaspard Monge, ou de Louis-Remi Raige qui prit par la suite la succession d’Adrien Raffeneau-Delile au poste de changeur.
Adrien Raffeneau-Delile fut un des rares arabisants de l’expédition. C’est au Caire, en effet, que ce dernier se familiarisa avec l’arabe, apprenant à le parler, le lire et l’écrire : sont ainsi conservés ici divers documents en arabe, un vocabulaire franco-arabe de sa main, et un bon de paiement bilingue également de sa main avec visa autographe signé par Samuel Bernard.
Exploration du désert arabique à l’Est du Nil
Adrien-Raffenau Delile, membre d’une des dernières missions scientifiques au cœur du pays. Ayant demandé à quitter
la Monnaie du Caire pour aller œuvrer sur le terrain, il fut nommé en juin 1800 ingénieur de la province de Siout, en Haute Égypte, avec l’ordre particulier de contrôler l’emploi par les Coptes des fonds prélevés sur les impositions pour l’entretien
et le curage des canaux d’irrigation.
Il se trouva qu’au même moment la situation militaire redevint pour un temps propice aux opérations des « savants » hors de la capitale, celles-ci dépendant largement de protections armées : en effet, elles avaient d’abord été confinées aux environs
du Caire avant de suivre les avancées des troupes dans le pays, puis avaient subi un coup d’arrêt momentané en raison des menaces anglaises et turques. Durant l’été 1800, ces menaces éloignées, Jacques Menou lança de nouvelles missions scientifiques, dont une pour explorer le désert arabique entre le 26e et le 27e parallèle, depuis Siout sur le Nil jusqu’à la mer Rouge : il s’agissait dans son esprit d’aller vérifier les informations de la carte de Jean-Baptiste Bourguignon d’Anville concernant les environs du « Gebel Docan » (« mont du Tabac ») afin d’évaluer la facilité d’accès à la mer Rouge depuis le Nil, et surtout de s’enquérir de la présence effective de soufre dans la zone marquée comme « terre soufrée ». En effet, le général en chef souhaitait assurer l’autonomie de l’Égypte dans l’approvisionnement de cette denrée qui, nécessaire à la fabrication de la poudre, était pour lors d’importation. C’est Adrien Raffeneau-Delile qui, ingénieur en titre de la province de Siout, fut chargé de cette mission. Il la conduisit en octobre-novembre 1800 en compagnie du lieutenant-colonel d’artillerie Alexis Bert, sans escorte française. L’officier se chargea des constatations géologiques pendant que lui-même levait une carte – le « mont Dokan » de d’Anville y retrouva son véritable nom de « mont Ghareb ».
Sont ici réunis des témoignages exceptionnels de cette exploration :
Les recherches préparatoires d’Adrien Raffeneau-Delile dans la documentation de l’Institut d’Égypte au Caire pour recueillir les informations connues sur la région. Il prit de sa main copie de trois documents, conservées ici : un extrait de la Relation d’un voyage fait en Égypte [...] en 1730 par Claude Tortechot dit Granger (1745), un extrait de la carte d’Égypte nommée dans le pays Missir par Jean-Baptiste Bourguignon d’Anville (1765), un extrait de la Carte générale de la mer Rouge par l’amiral François Étienne de Rosili Mesros (1798, où le mont Ghareb porte le nom de « mont Agarib »).
Son précieux journal de voyage autographe, illustré en plein désert de 54 dessins originaux (31 octobre-13 novembre 1800), soit : 48 cartes, 2 relevés topographiques et 4 vues. C’est ce document qui lui servit de base pour dresser une carte détaillée qu’il transmit au Caire, et qui fut ensuite publiée dans la Description de l’Égypte.
D’autres documents topographiques de sa main : un itinéraire du mont Ghareb à Siout, avec noms arabes et un dessin de paysage montagneux désertique (5-12 novembre 1800) ; divers relevés topographiques à l’encre et au crayon, dont 2 effectués dans la vallée de Qéné, près du mont El Haouâchyeh, et un autre depuis cette montagne vers la mer Rouge, avec vue dessinée en élévation.
Des pièces reçues à cette occasion par Adrien Raffeneau-Delile : son ordre de mission pour Siout ; son livret d’appointements ; l’annonce par l’ingénieur en chef de l’armée d’Orient Jacques-Marie Lepère qu’il va recevoir de l’aide pour effectuer un levé hydrographique du cours du Nil près de Siout ; une lettre amicale de Louis Costaz lui demandant notamment de faire des recherches sur un anachorète chrétien ayant vécu à Lycopolis (nom grec antique de Siout), l’informant du retour des fièvres, de l’état d’esprit des Arabes à l’égard des Français, et lui proposant de commercialiser à Paris l’eau d’une source de Siout réputée avoir « la vertu de rétablir la virginité » ; des lettres des généraux Donzelot et Jacques Menou le félicitant pour sa carte du désert. Le général en chef lui marque ici sa satisfaction de voir figurer sur la carte les noms de lieux en français et en arabe ce qui, souligne-t-il, facilite la communication avec les populations locales.
À son retour à Siout, Adrien Raffeneau-Delile s’attela à une autre tâche importante, le nivellement de la vallée du Nil autour du bourg, puis rentra au Caire en mars 1801.
Retraite d’Égypte
Parmi les savants à la peine pour sauver leur liberté, leurs travaux et leurs collections. Après la défaite de Jacques Menou à Canope (mars 1801) et la reddition du général Auguste-Daniel Belliard au Caire (juin 1801), les Français se retrouvèrent enfermés dans Alexandrie. Non seulement Jacques Menou mit longtemps à accorder un laissez-passer aux savants pour quitter l’Égypte, mais les autorités anglaises refusèrent de reconnaître la validité de ce passeport et exigèrent que leur fussent remis tous les objets égyptiens et les manuscrits scientifiques – qu’il avait déjà été si difficile d’acheminer jusqu’à la mer. La résistance farouche des savants, prêts à accompagner leurs trésors en Angleterre ou même à les détruire, fit céder les Anglais sur ce chapitre.
Des notes autographes et dessins originaux d’Adrien Raffeneau-Delile illustrent ici cette période, notamment deux autres journaux de voyage autographes : l’un relate sa descente du Nil de Siout au Caire puis sa retraite sur Alexandrie alors que se poursuivent les combats contre les Anglais (4 mars-11 juillet 1801), et l’autre évoque le même voyage du Caire à Alexandrie, mais complété de la traversée de la Méditerranée sur le navire anglais Albion jusqu’au port de Villefranche (23 septembre-6 décembre 1801). Dans ces documents, il témoigne de ses incertitudes, de ses tracas matériels, et évoque également son frère Saint-Alire embarrassé de ses collections végétales qu’un capitaine de navire refusait de garder à son bord.
Se trouvent par ailleurs ici des notes concernant une pierre égyptienne gravée que rapportait Adrien Raffenau-Delile,
et les empreintes au soufre qu’il avait réalisées sur divers bas-reliefs, dont un obélisque dit « de Cléopâtre ». Également conservé, le billet de diligence qui, à son retour d’Égypte, le ramena à Paris en février 1802.