Lot n° 19

CONDORCET (Sophie de Grouchy, marquise de) — Correspondance de 8 lettres (4 autographes signées, 4 autographes), toutes adressées à Alexandre-Charles Rousselin Corbeau de Saint-Albin, sauf une à son frère Emmanuel de Grouchy. 1797-1817 et s.d.

Estimation : 150 - 200 €
Description
À Alexandre-Charles Rousselin. S.l., [probablement 1795]. « Répondez-moi deux lignes... sur l'espoir qu'on peut avoir encore par la Hollande et la Belgique. Schérer ! Schérer ! Grands dieux !... » Le général Barthélemy Louis Joseph Schérer dirigea l'armée de Sambre-et-Meuse en 1795. — À Alexandre-Charles Rousselin. [Meulan], 4 fructidor an VII [21 août 1799]. « Le citoyen qui vous porte ce billet... croit que ma recommandation, comme absolument désintéressée, doit l'emporter sur toute autre... D'après les lumières qu'il peut donner à B[onaparte] sur les personnes entre les mains desquelles il a placé sa confiance et remis sa responsabilité, il est utile à la République que vous lui procuriez promtement un entretien particulier avec B[onaparte]... Il est un peu bizarre qu'il faille qu'un officier de santé atteste qu'un militaire qui veut continuer son service, est assés bien portant pour le pouvoir... La Chèze [le docteur François-Pierre Faye-Lachèze, ancien député à la Constituante, et consul de France à Gênes] m'a mandé que Sallicetti [le conventionnel Christophe Salicetti] avait vu à Turin les patriotes piémontais aussi satisfaits de mon frère [le futur maréchal Emmanuel de Grouchy] qu'ils en ont paru depuis mécontens... Il faut donc attribuer leurs injustices à leurs malheurs, et la justice et les victoires de Championnet [le général Jean-Étienne Vachier dit Championnet] les feront sans doute revenir. Vous ne nous traités pas comme des républicaines en nous parlant si peu de la République, mais certes bien comme des femmes. Nous nous en consolons avec notre orgueil et surtout avec notre amitié qui est trop réelle pour ne pas savoir se passer de justice. »
À la suite, une apostille de la main d'une voisine et amie de la marquise de Condorcet, sur le même sujet. — À Alexandre-Charles Rousselin. S.l., « ce 23 ». Sur son frère le futur maréchal de Grouchy, visé par une dénonciation du conventionnel Pierre-Joseph Briot : « Voici... une lettre pour mon frère que je désirerais qui lui parvînt promtement... Ayés soin de lui comme d'un citoyen qui se bat de bon cœur contre Suwaroff et comme d'un pauvre noble qui a toujours bâillé à Versailles... Ne viendrez-vous pas voir ma petite voisine ? Cela serait bien aimable. J'ai un cabriolet qui pourait vous attendre à St-Germain et l'on se repose bien ici des agitations de la ville. Celles de la République me font bien du mal. Humeur et fureur n'organisent rien et amènent de bien g[ran]ds maux. Au lieu de cela, la justice sévère (quoique bien tardive maintenant) des discussions sur les loix, au lieu d'aboyemens, et de l'union contre l'étranger et le royaliste, hasteraient les triomphes de la République... » Elle cite également les généraux Bernadotte, Marbot, Petiet, Schérer. — À Emmanuel de Grouchy. S.l.n.d. « Mille remerciemens... J'irai vous les renouveller moi-même avant votre départ, et éclaircir ce qui m'inquiéterait davantage si je vous connaissais moins. » Épouse du marquis de Condorcet et sœur du maréchal de Grouchy, Sophie de Grouchy était également la nièce du président Dupaty, magistrat du parlement de Bordeaux et homme de lettres. Elle reçut une solide éducation intellectuelle, et, acquise aux idées nouvelles, se maria en 1786 avec le philosophe, mathématicien et homme politique Nicolas de Condorcet, tenant un salon où fréquentèrent philosophes et encyclopédistes. Veuve en 1794, elle connut un temps la misère, mais rouvrit son salon dès 1795. Elle s'occupa de faire publier les œuvres de son mari, se rapprocha des idéologues en opposition au régime impérial, puis cessa de jouer un rôle public sous la Restauration. Journaliste puis haut fonctionnaire, Alexandre Rousselin (1773-1847) se lia avec Danton qui lui confia des missions pour le Comité de Salut public, fut emprisonné un temps sous la Terreur, puis nommé secrétaire général du ministère de la Guerre en 1799. Il fréquentait les Talma et madame de Staël (pour qui il corrigea les épreuves de Corinne) mais, s'étant vu refuser un emploi, il suivit le général Malet dans un complot contre l'empereur et dut se cacher. De retour à Paris en 1814, il fut secrétaire particulier auprès du ministre de la Guerre, puis reprit une activité de journaliste en 1815, cofondant le journal libéral L'Indépendant, qui devint Le Constitutionnel. Il aida par ailleurs Paul de Barras et Malet à rédiger leurs mémoires. Il fut adopté par le second mari de sa mère, Corbeau de Saint-Albin, épousa en 1800 une cousine de Paul de Barras et, veuf en 1816, se remaria avec la fille du médecin de la famille d'Orléans.
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